L
a maladie de Rendu-Osler-Weber (ROW), ou hereditary
hemorrhagic telangiectasia pour les Anglo-Saxons, est
une affection à transmission autosomique dominante et
pénétrance variable connue depuis un peu plus d’un siècle (1).
La triade classique permettant de la reconnaître associe la pré-
sence de télangiectasies cutanéo-muqueuses, d’épistaxis récidi-
vantes et de cas similaires familiaux. Deux de ces traits caracté-
ristiques suffisent au diagnostic (2-4).
Les localisations pulmonaires sont représentées par les fistules
artério-veineuses (FAVP) responsables d’une hypoxémie chro-
nique par shunt droite-gauche. L’embolie paradoxale et les hémo-
ptysies constituent deux complications redoutables de ces FAVP.
La démarche conduisant au diagnostic de ces lésions vasculaires
a bénéficié de l’apport de techniques nouvelles telles que l’écho-
graphie cardiaque et le scanner thoracique, mais l’examen de réfé-
rence reste l’angiographie pulmonaire. Les stratégies thérapeu-
tiques se sont enrichies des techniques de la radiologie
interventionnelle, qui permettent le plus souvent d’éviter le
recours à la chirurgie d’exérèse.
Anatomie pathologique
Les lésions vasculaires n’ont pas d’aspect anatomo-pathologique
spécifique. Il s’agit d’une dysplasie systémique qui touche de
petits segments vasculaires, à l’origine d’une atrophie pariétale
des vaisseaux par déficit en fibres élastiques, quelle que soit la
taille des vaisseaux, du capillaire aux grosses artères et veines.
Il apparaît ainsi, selon les cas, des télangiectasies, ou des mal-
formations artério-veineuses parfois anévrysmales. La localisa-
tion, le type et le nombre des malformations artério-veineuses
sont très variables, multipliant les modes de présentation clinique,
les sujets concernés pouvant être asymptomatiques. Les signes
peuvent ainsi apparaître à tout âge et de façons diverses.
Épidémiologie
L’incidence de la maladie de ROW est de 1 à 2/100 000, mais
peut atteindre 1/2 350 dans certaines régions comme le départe-
ment de l’Ain (2). Il n’existe pas de sex-ratio, de prédominance
raciale ou d’haplotype HLA particulier.
Plauchu (5), à l’occasion d’une étude clinique systématique et
d’ensemble sur 324 patients atteints par la maladie et sélection-
nés sur 1 270 cas recrutés parmi 520 familles, obtient, dans 94 %
des cas, une histoire familiale évocatrice d’un héritage autoso-
mique dominant, avec une pénétrance maximale pour au moins
une manifestation de 97 %.
Génétique
Un premier gène responsable de cette affection (HHT 1) a été
localisé en 1994 sur le chromosome 9 (9q33-q34), correspondant
au gène codant pour l’endogline, glycoprotéine endothéliale la
plus abondante. En se liant à l’endogline, le facteur de croissance
TGFinitie la réponse cellulaire participant à l’angiogenèse, au
remodelage et à la réparation cellulaire. L’endogline anormale,
ne pouvant se lier au TGF, est responsable d’altérations de
l’angiogenèse et de l’apparition de télangiectasies. Depuis cette
découverte, 16 nouvelles mutations du gène de l’endogline ont
été décrites au sein de 17 familles différentes. Un second gène
(HHT 2) fut découvert sur le chromosome 12, correspondant au
gène codant pour le récepteur activine-like 1 de la famille des
sérines-thréonines exprimée dans l’endothélium, pouvant égale-
ment porter TGFet jouer un rôle dans le contrôle du dévelop-
MISE AU POINT
Les fistules artério-veineuses pulmonaires au cours
de la maladie de Rendu-Osler-Weber
D. Milosevic*, G. Deslée*, H. Vallerand*, F. Bouquigny**, F. Lebargy*
47
La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
* Service de pneumologie, hôpital Maison-Blanche, Reims.
** Service de radiologie, hôpital Maison-Blanche, Reims.
La maladie de Rendu-Osler-Weber (ROW) ou hereditary hemorrhagic telangiectasia est une affection héréditaire à transmission
autosomique dominante, dont le diagnostic clinique repose sur l’existence d’épistaxis récidivantes et de télangiectasies cutanéo-
muqueuses, d'autant plus évocatrices qu'elles surviennent chez plusieurs individus d'une même famille. Cette dysplasie vasculaire
systémique se complique chez plus d’un tiers des patients d’une ou plusieurs fistules artério-veineuses pulmonaires (FAVP), sources
potentielles de complications neurologiques par embolie paradoxale ou par abcès cérébral. Le diagnostic des FAVP repose sur la
mise en évidence d'un shunt droite-gauche et sur les données de la tomodensitométrie et de l'angiographie. La radiologie interven-
tionnelle permet aujourd’hui d’envisager l'occlusion endovasculaire des FAVP, traitement conservateur particulièrement adapté à
cette affection dont l'évolution spontanée est marquée par le développement de nouvelles FAVP.
pement et la réparation des vaisseaux sanguins. Douze nouvelles
mutations de ce gène ont été décrites par la suite (6).
L’hétérogénéité génétique de la maladie de ROW pourrait expli-
quer certaines différences phénotypiques. Ainsi, la mutation
HHT 1 serait associée à une plus grande fréquence de fistules
artério-veineuses pulmonaires dans les familles (7). L’expression
de ces gènes est très variable d’une famille à l’autre, mais éga-
lement dans une même famille, et peut parfois faire croire à un
saut de génération, donc à une pénétrance incomplète qui serait
en fait proche de 100 %. Les cas sporadiques par mutation spon-
tanée ont une fréquence théorique évaluée à 2, voire 3.10
-6
. Il
n’existe actuellement pas de méthode fondée sur l’étude de
l’ADN pour le diagnostic de cette affection.
En cas de maladie de ROW familiale, le couple désirant un enfant
doit être informé de l’histoire naturelle de l’affection. D’après
les lois de Mendel, si l’un des parents est hétérozygote, le risque
d’héritage est de 1 sur 2. Si les deux géniteurs sont touchés,
l’enfant homozygote peut décéder dans les premières semaines
ou années de vie, mais il a déjà été rapporté un sujet homozygote
survivant, bien que sévèrement atteint, et même père de
13 enfants, tous atteints. Le conseil génétique s’impose donc, sur-
tout pour les familles à risque de FAVP et de complications neu-
rologiques.
MANIFESTATIONS EXTRAPULMONAIRES
(3, 5, 8-9)
L’histoire naturelle de la maladie de ROW se décompose classi-
quement en quatre étapes. Après une phase de latence complète
d’une à plusieurs années surviennent les épistaxis, généralement
entre 15 ans et 40 ans. Les télangiectasies cutanéo-muqueuses
apparaissent le plus souvent avant la troisième décade, alors que
les atteintes viscérales, parfois hémorragiques, apparaissent plus
tardivement et touchent moins d’un quart de la population. Les
malformations vasculaires sont pulmonaires et cérébrales chez
les plus jeunes, gastro-intestinales et hépatiques chez les plus
âgés. Enfin, une anémie chronique hypochrome et hyposidéré-
mique, conséquence d’hémorragies répétées, nasales, digestives
ou bronchiques, peut conduire au diagnostic.
Les épistaxis sont observées dans 96 % des cas au cours de
l’évolution de la maladie de ROW, une fois sur deux avant
20 ans. Elles sont spontanées ou secondaires à de minimes trau-
matismes, d’évolution capricieuse, avec des périodes d’accalmie
de plusieurs mois ou années, surtout entre 50 et 70 ans. Il n’existe
pas de corrélation entre la durée et la sévérité des épistaxis. Obser-
vées parfois dès l’enfance et même avant l’apparition de lésions
muqueuses décelables, leur sévérité est modérée une fois sur trois,
importante une fois sur trois. L’examen minutieux de la muqueuse
nasale, palatine, linguale ou jugale permet parfois de visualiser
les télangiectasies responsables du saignement. Ces épistaxis
requièrent parfois des supplémentations ferriques et/ou foliques
et des transfusions qu’il faut faire précéder d’une vaccination
contre l’hépatite B. Les modificateurs de l’hémostase sont évi-
demment contre-indiqués. Les traitements locaux s’avèrent vite
inefficaces et risquent de détruire la cloison nasale : vasocons-
tricteurs, acide aminocaproïque, cryochirurgie, cautérisations chi-
miques ou électriques, injections de colles biologiques. Ces tech-
niques réduisent les chances d’un futur contrôle par estrogéno-
thérapie ou plastie chirurgicale. L’embolisation radiologique est
possible, mais non dénuée de risques.
Les télangiectasies cutanéo-muqueuses apparaissent dans
74 % des cas, et une fois sur deux avant 30 ans. Il s’agit de lésions
caractéristiques, maculaires et punctiformes, de 1 à 3 mm de dia-
mètre, bien délimitées, de couleur rubis, non pulsatiles et ne
s’effaçant pas à la vitropression. Elles vont croître en nombre et
en taille avec l’âge pour toucher, par ordre de fréquence, la face,
les lèvres, les ailes du nez, la langue, les oreilles, les mains, la
poitrine, les pieds. Elles surviennent habituellement 10 à 30 ans
après les épistaxis, ne régressent jamais, mais peuvent s’aggra-
ver par poussées, notamment durant la grossesse. Le diagnostic
différentiel à évoquer devant ces télangiectasies est celui d’une
sclérodermie ou d’un CREST syndrome, affection exceptionnel-
lement familiale, dont les manifestations hémorragiques restent
cependant au second plan.
Les manifestations gastro-intestinales (10) sont très
variables, et surviennent plutôt après 40 ans.
– Les saignements gastro-intestinaux concernent 10 à 30 % des
patients atteints de ROW. Leur présentation clinique couvre le
spectre entier des hémorragies gastro-intestinales, de l’hématé-
mèse à la rectorragie. Certaines formes asymptomatiques ne sont
révélées que par une anémie ferriprive dont la cause réelle peut
être masquée en raison d’épistaxis associées. Les patients ont le
plus souvent un saignement chronique modéré avec méléna inter-
mittent, mais peuvent voir leur saignement s’aggraver brutale-
ment. L’endoscopie permet parfois de visualiser des télangiec-
tasies, muqueuses ou sous-muqueuses, susceptibles d’intéresser
tous les segments digestifs, de la langue au rectum, avec une pré-
dominance pour l’estomac, où elles peuvent atteindre 1 cm de
diamètre, et le duodénum, où elles sont plus petites et diffuses.
Parfois, ce sont de minuscules lésions en tête d’épingle pourpre,
ou encore des malformations artério-veineuses à type d’ané-
vrysme, varices, fistules cœliaques ou mésentériques visibles en
angiographie. Les formes symptomatiques font donc l’objet
d’explorations endoscopiques hautes ou basses, en respectant les
mesures prophylactiques de greffe oslérienne en cas de FAVP
connue, et nécessitent parfois une étude angiographique. Les sai-
gnements accessibles peuvent faire l’objet de coagulations endo-
scopiques ou d’une chirurgie, alors que les estrogènes n’ont pas
d’effet démontré.
– L’atteinte hépatique (8 %) est souvent peu documentée, s’expri-
mant par une hépatomégalie, une cirrhose, un angiome, une ascite,
un souffle auscultatoire, voire un thrill. Un shunt droite-gauche
hépatique peut être à l’origine d’une défaillance cardiaque à haut
débit, tandis que les fistules artère hépatique-veines portales peu-
vent occasionner une hypertension portale et se compliquer de
varices œsophagiennes. Les lésions vasculaires hépatiques sont
facilement détectées par écho-doppler couleur.
Les manifestations neurologiques émaillent l’évolution de la
maladie dans 4 à 12 % des cas, avec souvent des antécédents
familiaux d’atteinte neurologique, ce chiffre atteignant 41 % en
cas de FAVP associée. C’est après 30 ou 40 ans que peuvent sur-
venir des céphalées, des épisodes de diplopie, de dysarthrie, de
crises d’épilepsie partielle ou généralisée, de confusion ou
MISE AU POINT
48
La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
d’absences, de pertes de connaissance, de paresthésies, de défi-
cits sensitivo-moteurs liés à des accidents vasculaires (11) ou à
des abcès cérébraux. L’abcès cérébral est la plus fréquente com-
plication septique neurologique, survenant chez 5 à 6 % des
malades présentant une maladie de ROW, et il faut systémati-
quement y penser, même en l’absence de signes spécifiques.
L’atteinte ophtalmologique à type d’hémorragie intra-oculaire
est exceptionnelle, mais peut entraîner une cécité.
Dans une étude portant sur plus de 200 patients affectés d’une mala-
die de ROW avec manifestations neurologiques (12), Roman
explique les symptômes neurologiques par des embolies ayant pour
origine une FAVP (60 % des cas), par des malformations vasculaires
cérébrales (28 %), par des malformations vasculaires spinales (8 %)
ou, plus rarement, par des encéphalopathies porto-systémiques (3 %).
Ces atteintes neurologiques sont la traduction de micro-emboles sep-
tiques échappant au filtre pulmonaire au travers des FAVP, ou encore
de lésions d’origine ischémique, volontiers récidivantes, liées à
l’hypoxie et à la polycytémie, ou enfin d’un saignement avec effet
de masse d’une malformation vasculaire cérébrale.
FISTULES ARTÉRIO-VEINEUSES PULMONAIRES
Les FAVP traduisent l’atteinte pulmonaire de la maladie de ROW
(13). Il s’agit de malformations vasculaires dont la pathogénie
demeure obscure. Leur spectre s’étend des lésions microsco-
piques susceptibles d’être responsables d’une hypoxémie pro-
fonde, malgré une radiographie thoracique normale, aux fistules
volumineuses simples ou multiples.
Fréquence
Les FAVP représentent 0,2 % des anomalies vasculaires en géné-
ral, et on estime qu’un centre spécialisé en recrute moins d’un cas
par an (14). Anomalies encore plus rares chez l’enfant, elles sont
silencieuses jusqu’à la deuxième décade, durant laquelle sont
observées une augmentation progressive de leur débit et une
nécrose de leur tunique vasculaire. Dix pour cent d’entre elles pré-
sentent une angio-architecture complexe (15).
Il existerait un sex-ratio de 1,5 à 1,9 femme pour 1 homme, avec
un âge moyen lors du diagnostic de 39 ans pour la femme et de
41 ans pour l’homme. Classiquement, les patients ayant une mala-
die de ROW ont plus souvent des FAVP multiples, dont la ten-
dance naturelle est l’augmentation de volume. Le rapport de
Bosher de 1959, sur 350 cas de FAVP, fait apparaître que 36 %
des fistules uniques et 57 % des fistules multiples entrent dans le
cadre d’une maladie de ROW (15). Dans le cadre de dépistages
systématiques sur des familles de ROW, Hodgson (16) retrouvait,
par le simple examen clinique et la radiographie thoracique, 6 à
15 % de FAVP. Ference (17), en 1994, majore cette incidence à
36 % en y associant la gazométrie artérielle. Soixante-dix à 90 %
des FAVP de découverte radiologique surviendraient sur terrain
de maladie de ROW. Les formes acquises sont bien plus rares :
traumatiques (parahilaires), après chirurgie thoracique, secondaires
aux anastomoses porto-caves, métastases de choriocarcinome ou
cancer thyroïdien, rétrécissement mitral avec hypertension arté-
rielle pulmonaire, actinomycose ou schistosomiase. Dans les cir-
rhoses, les fistules sont de petite taille et de détection difficile.
Expression clinique des FAVP
Les données cliniques sont très variables selon les auteurs,
puisque issues de séries de tailles et d’époques différentes. Les
patients sont asymptomatiques une fois sur deux.
Les sujets porteurs de FAVP symptomatiques ont habituellement
entre 40 et 60 ans. Ils ont des antécédents d’épistaxis dans 29 à
79 % des cas, et se plaignent d’une dyspnée majorée par l’ortho-
statisme dans 32 à 71 % des cas. Des hémoptysies sont obser-
vées dans 5 à 13 % des cas, et les douleurs thoraciques sont moins
fréquentes. Classiquement, la symptomatologie est en rapport
avec la taille des FAVP et non avec leur nombre. Les fistules de
moins de 2 cm de diamètre sont souvent asymptomatiques, alors
que les grosses fistules génèrent une plus grande hypoxémie, avec
polyglobulie, et exposent au risque de complications neurolo-
giques, mais ce n’est pas une règle générale (12, 13).
L’examen physique peut révéler une cyanose (16-29 %) ou un
hippocratisme digital (13-54 %), alors que la dyspnée est peu
importante. Un souffle thoracique extracardiaque, humé et
continu, est perceptible à l’auscultation pulmonaire en inspira-
tion profonde dans 29 à 67 % des cas. En fait, les télangiectasies,
retrouvées dans 34 à 79 % des cas, sont le plus souvent isolées
et résument les données de l’examen clinique.
Examens complémentaires
Diagnostic radiologique des FAVP
Il existe une anomalie radiologique évocatrice dans 75 à 100 %
des cas selon les auteurs, souvent révélatrice de la maladie de
ROW. La valeur prédictive négative de cet examen est évaluée
à 97,5 % (4).
Sur la radiographie standard, l’image d’une FAVP typique est
celle d’une opacité ronde ou ovalaire parfois lobulée, bien limi-
tée dans ses contours, de densité hydrique homogène, connectée
au hile par des ombres linéaires larges et tortueuses correspon-
dant aux vaisseaux dilatés (figure 1). C’est l’image classique “en
comète” (16). Les calcifications en son sein sont rares. La taille
49
La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
Figure 1. Radiographie thoracique de face. Opacité lobaire inférieure
droite reliée au hile par un rameau vasculaire correspondant à une
FAVP.
des fistules varie de l’opacité infraradiologique à la volumineuse
fistule, qui ne dépasse cependant pas 5 cm. Sept à 11 % des patients
ont des FAVP microscopiques diffuses, souvent associées à de
plus grandes fistules visibles radiologiquement (13, 18).
Les fistules siègent dans 65 % des cas aux lobes inférieurs, pour
35 % dans la lingula, le lobe moyen ou les lobes supérieurs et
semblent un peu plus fréquentes à gauche. Proches de la plèvre
viscérale, elles sont uniques deux fois sur trois, multiples et bila-
térales dans 10 à 20 % des cas. Sous-pleurales et périphériques
parfois, elles peuvent même apparaître en écho-doppler couleur,
permettant de confirmer la nature vasculaire de l’opacité sans
recourir à l’angiographie (19)et d’éviter ainsi une ponction trans-
thoracique à haut risque d’hémothorax.
La tomodensitométrie thoracique spiralée permet de confirmer
la nature vasculaire de l’image suspecte de FAVP. Rémy lui
trouve une sensibilité de 98,2 % dans la détection des FAVP de
plus de 5 mm de diamètre, contre 60 % seulement pour l’angio-
graphie (18). La FAVP apparaît comme un nodule homogène,
bien limité et classiquement non calcifié, ou comme une masse
serpigineuse connectée aux vaisseaux sanguins et prenant forte-
ment le contraste (figure 2). Il s’agit d’un excellent examen pour
le suivi des FAVP non traitées, évitant ainsi le recours aux angio-
graphies itératives. Une étude en TDM thoracique spiralée avec
reconstruction spatiale en 3D peut même permettre d’éviter
l’injection de produit de contraste (18, 20).
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne serait contribu-
tive que pour les grosses malformations ralentissant et perturbant
le flux, générant ainsi un hypersignal. Des démarches techniques
précises sont proposées pour améliorer les performances dia-
gnostiques de cet examen, qui paraît prometteur également dans
l’analyse préthérapeutique de l’anatomie vasculaire des FAVP.
L’angiographie pulmonaire reste l’examen de référence pour le
MISE AU POINT
50
La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
Figure 2. Coupe TDM thoracique visualisant une opacité sous-pleurale
de la lingula prenant fortement le produit de contraste et correspondant
à une FAVP.
a/
b/
Figure 3. a/ Angiographie pulmonaire sélective droite, révélant une
FAVP lobaire supérieure droite par son retour veineux précoce.
b/ Angiographie pulmonaire hypersélective par cathétérisme de l’artère
segmentaire postérieure du lobe supérieur droit sur laquelle est déve-
loppé cet anévrysme artério-veineux.
diagnostic des FAVP, localisant plus précisément l’anomalie
que le scanner et détectant d’éventuelles afférences systé-
miques par réopacification secondaire (18). L’opacification se
fait avant toute embolisation ou exérèse chirurgicale, de façon
bilatérale, en incidence face et profil, sélectivement (figure 3a
et b). Le test de gonflage d’un ballonnet permet d’évaluer la
qualité des résultats d’un futur traitement d’exclusion s’il amé-
liore à lui seul significativement la gazométrie (21). L’analyse
de l’angio-architecture des FAVP est plus fine, permettant de
détecter 10 % de malformations dites “complexes”, avec plu-
sieurs artères nourricières segmentaires différentes et situées
préférentiellement dans le lobe moyen ou la lingula, et 90 % de
formes “simples”, dont 10 % ont cependant une artère nourri-
cière segmentaire qui se divise en plusieurs sous-segmentaires
(20-22). L’angiographie peut être muette en cas de fistules
inférieures à 5 mm de diamètre ou encore de FAVP thrombo-
sées, ce qui la rend moins sensible que la TDM.
Diagnostic du shunt artério-veineux
La gazométrie artérielle, au repos et en air ambiant, révèle une
hypoxémie accompagnée d’une hypocapnie liée au shunt chez
plus de 80 % des sujets porteurs de FAVP (13, 23). La désatu-
.../...
ration est présente deux fois sur trois et varie de 51 à 96 %, non
corrigée par l’administration d’oxygène pur. Le shunt n’est pas
proportionnel au nombre de FAVP, s’aggrave à l’effort et à hauts
volumes pulmonaires, ainsi que lors du passage en orthostatisme.
Ce dernier phénomène, encore appelé orthodéoxie, s’explique
par une meilleure perfusion des bases où siègent habituellement
les FAVP. Il est retrouvé trois fois sur quatre, et oriente vers le
diagnostic de shunt intrapulmonaire en l’absence de perturbation
du rapport ventilation/perfusion (24). La gazométrie donne, dans
la détection des FAVP, une sensibilité de 69 % et une spécificité
de 61 % (4).
Les épreuves fonctionnelles respiratoires permettent de s’assu-
rer de l’intégrité de l’appareil ventilatoire. Il peut exister une
baisse du transfert du CO liée aux perturbations du flux sanguin
et au volume de la FAVP, mais d’importance toujours modérée.
Le calcul de débit de shunt peut se faire simplement par épreuve
d’hyperoxie, en mesurant la gazométrie artérielle au repos et en
air ambiant, puis après administration d’oxygène à 100 % durant
15 à 20 minutes. Les données obtenues sont appliquées au nor-
mogramme de Chiang, qui permet de calculer le shunt artério-
veineux à partir du gradient alvéolo-capillaire, supérieur à
200 mmHg en hyperoxie en cas de malformation vasculaire. La
sensibilité de l’épreuve d’hyperoxie a été évaluée à 87,5 % et sa
spécificité à 71,4 % (4).
Une autre possibilité de mesure de shunt est l’épreuve scintigra-
phique, technique utilisant des microsphères d’albumine de taille
supérieure à 20 microns marquées au technétium 99, injectées
dans la circulation veineuse et normalement bloquées dans les
capillaires pulmonaires dont le diamètre ne dépasse pas
15 microns. Le shunt physiologique est évalué à moins de 3 %
du débit cardiaque et s’élève à 5 % à l’effort par vasodilatation
du lit capillaire. En cas de shunt, les particules marquées sont
retrouvées dans les organes tels que le cerveau, les reins, la rate,
le foie, et la thyroïde. La mesure du pourcentage de radioactivité
détecté dans la circulation systémique par rapport à la dose injec-
tée permet d’affirmer et de quantifier le shunt. Il s’agit d’une
méthode diagnostique peu invasive avec irradiation minime, mais
qui n’est fiable que pour les shunts d’au moins 10 %, tandis que
le test à l’oxygène est plus précis pour les petits shunts. Elle peut
servir au contrôle post-thérapeutique (25).
L’échocardiographie de contraste permet un diagnostic qualita-
tif de shunt, même en l’absence d’anomalie gazométrique. Elle
consiste à injecter par voie veineuse périphérique 10 cc de solu-
tion saline “agitée”, ce qui fait apparaître un nuage d’échos cor-
respondant aux microbulles dans le ventricule droit, puis, en cas
de shunt intrapulmonaire et après 3 à 5 cycles cardiaques, dans
l’oreillette gauche. En effet, la réapparition de ces microbulles
normalement retenues dans le lit capillaire dès le premier cycle
signe l’existence d’un court-circuit extracardiaque et intrapul-
monaire. Une quantification grossière est possible selon la den-
sité des microbulles visualisées, reflétant le nombre et/ou la taille
des FAVP (26). L’intérêt de cette technique repose surtout sur la
détection des shunts microscopiques diffus ou des petites FAVP
asymptomatiques. C’est un examen non invasif complémentaire
de la scintigraphie de perfusion, facile à réaliser chez l’enfant, et
permettant le dépistage ambulatoire des familles à risque, dépis-
tant des FAVP même en l’absence de désaturation. Cette étude
est rendue plus fine par l’échocardiographie transœsophagienne
couplée au doppler pulsé.
Algorithme décisionnel en cas de suspicion de FAVP
Il n’existe pas d’étude prospective comparant les différentes
modalités et la démarche à suivre pour le diagnostic des FAVP.
La radiographie thoracique étant anormale chez plus de 90 % des
sujets porteurs de ces lésions vasculaires, c’est le premier exa-
men à réaliser chez le patient chez qui l’on suspecte une FAVP.
L’épreuve d’hyperoxie, l’étude scintigraphique et l’échocardio-
graphie de contraste permettent toutes trois la détection des fis-
tules de taille significative justifiant un traitement. Toutefois,
l’épreuve d’hyperoxie paraît être l’examen de dépistage de shunt
à retenir en première intention en raison de sa réalisation facile,
sans technique spécialisée, et de son faible coût, même si elle
semble moins sensible que les deux autres examens. L’échocar-
diographie de contraste confirmera tous les shunts de plus de 5 %
en précisant leur localisation intrapulmonaire. Enfin, l’angio-
graphie pulmonaire, indispensable à l’analyse angio-architectu-
rale préthérapeutique, permettra de repérer les lésions et de choi-
sir la meilleure option thérapeutique, son alternative étant l’étude
TDM tridimensionnelle thoracique.
Cet algorithme (figure 4) a été récemment proposé par Gossage
et Kanj pour tout patient présentant une image radiologique évo-
catrice de FAVP, devant toute image pulmonaire nodulaire asso-
ciée à des télangiectasies ou à une symptomatologie inexpliquée
53
La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
5% > 5 % 5 %
Shunt intrapulmonaire
Suspicion de FAVP
Opacité radiologique ?
Mesure du shunt* Mesure du shunt*
OUI NON
Échocardiographie
de contraste
Bilan standard
d’une opacité radiologique FAVP peu probable
Shunt
intracardiaque Absence
de shunt
Complément d’étude
cardiovasculaire Recherche
d’une anomalie VA/Q
Pas de FAVP
visible FAVP
visualisée(s)
FAVP diffuses ou équivalent
de syndrome hépato-pulmonaire Envisager une vaso-occlusion
ou une résection chirurgicale
Angiographie pulmonaire**
Figure 4. Algorithme pour le diagnostic des FAVP d’après Gossage et
Kanj. (VA/Q = ventilation-perfusion.) * La mesure du shunt est effectuée
par épreuve d’hyperoxie. ** L’analyse TDM avec reconstruction spatiale
en 3D est une alternative possible à l’angiographie.
.../...
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