La paramétrectomie est-elle toujours nécessaire dans le traitement des cancers

26 | La Lettre du Gynécologue 346 - novembre 2009
DOSSIER Chirurgie : Le 6e congrès de la SCGP (La Rochelle)
La paramétrectomie
est-elle toujours nécessaire
dans le traitement des cancers
débutants du col utérin ?
Is parametrectomy always required in the surgical
management of early cervical cancers?
D. Querleu*
Que signifie
“paramétrectomie” ?
Des modalités chirurgicales variées ont été mises au
point, plus ou moins radicales selon l’estimation du
risque d’atteinte péricervicale, sachant que le cancer
du col utérin peut se velopper dans toutes les direc-
tions (1). Le terme “hystérectomie élargie” ou “radi-
cale” recouvre donc plusieurs techniques différentes.
Depuis les premières publications de Wertheim (2),
Okabayashi (3) et Meigs (4), des opérations diverses,
utilisant des dénominations anatomiques non homo-
gènes ont été décrites et pratiquées. Les publications
initiales n’ont pas été relues, ont été altérées avec
la transmission orale et l’introduction de variantes
dans des techniques parfois originales, parfois redondantes.
La classification de Piver, Rutledge et Smith de 1974 (5)
est largement utilisée, au contraire de celle de Symmonds
de 1975 (6). Elle décrit cinq classes, avec desfauts
majeurs dont le principal est que l’article fondateur nest
pas clair, et na pas été lu ou compris par les utilisateurs.
Elle ne fait pas référence à une anatomie claire, préconise
des exéses vaginales inadapes, inclut un type I qui
nest pas une hystérectomie élargie, et un type V qui
est obsote, des types III et IV dont la difrence d’in-
dication nest pas claire. Des classes interdiaires (II
et demi…) sont utilisées dans la pratique par quelques
chirurgiens. Elle est conçue pour la seule laparotomie.
De plus, cette classification ne prend pas en compte le
concept de préservation nerveuse mis au point au Japon
(7-10) et adopen Europe (11, 12). Enfin, des chirur-
gies ultra-radicales (13-15) et à l’oppo des techniques
conservatrices (16) ont é veloppées.
* Institut Claudius-Regaud, univer-
sité de Toulouse, 20-24, rue du Pont-
Saint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex.
Une classication a été proposée en France (17), compor-
tant seulement deux types, fondés sur l’extension latérale
: un type proximal déni par la section du paracervix (liga-
ment cardinal) à l’aplomb de l’uretère, un type distal déni
par la section du paracervix à la paroi pelvienne. Cette
classification a également ses insufsances. Elle ne prend
pas en compte la réduction de la radicalité justiée dans
les cancers précoces ou après radiothérapie. Pourtant,
elle a init une classification générale inpendante de
la voie d’abord, également proposée en Italie (18). Une
autre sophistication du concept proximal/distal a été le
développement de la lymphadénectomie paracervicale
(19). Le rationnel de cette technique est que la partie
latérale du paracervix est essentiellement compoe de
tissu cellulo-lymphatique, des vaisseaux et de nerfs, ce qui
implique que le tissu lymphatique qui est le seul signiant
sur le plan oncologique peut être disséqué en préservant
vaisseaux et nerfs, comme pour toute lymphanectomie.
Ajouter une lymphadénectomie paracervicale à un type
proximal améliore donc la radicalité sans augmenter
la morbidi (19). Une technique analogue utilisant la
liposuccion a é proposée en Allemagne (20).
Une nouvelle classification a été proposée au cours
d’une conférence d’experts réunis à Kyoto en février
2007. Sa préparation méthodique a comporté une
revue de la littérature via Medline, un retour sur la
nomenclature Terminologia Anatomica (21, 22), la
consultation d’anatomistes ayant publié sur le thème
de l’anatomie appliquée à la chirurgie carcinologique
pelvienne au cours des années récentes, la consul-
tation d’un groupe d’experts internationaux ayant
publié dans les dix dernières années sur le thème de
l’hystérectomie élargie. Elle est fondée, pour simpli-
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Résumé
L’adaptation de la chirurgie à l’extension des lésions est un principe majeur de la chirurgie des cancers, et
tout particulièrement des cancers du col utérin. La balance entre les risques et effets secondaires, d’une part,
les nécessités carcinologiques et, d’autre part, est une question de cancérologie générale.
fication, sur l’extension latérale de la résection, donc
vers la structure que les cliniciens dénomment “para-
mètre” et qui doit être nommé paracervix). Quatre
types sont décrits, avec quelques sous-types. Des
lettres, pour bien se marquer de la classification de
Piver, sont utilisées. L’hystérectomie “simple” n’est
pas incluse. La lymphadénectomie est considérée
séparément.
Type A : résection minimale
du paracervix
Hystérectomie dans laquelle la position de l’uretère
est définie par palpation ou ouverture du tunnel, sans
libération des uretères de leur “lit”. Le paracervix est
sectionà distance du col mais médialement à l’ure-
tère. La résection vaginale est minime, non supérieur
à 1 cm, sans résection du paracolpos.
Le but de lopération est de s’assurer que la totalité du
col a été extirpée, ce qui n’est pas toujours le cas dans
l’hystérectomie totale “simple”, sans risque urétéral
direct, ce qui nest pas le cas si on pince le paracervix
à distance du col sans précaution. Cette notion est
cruciale pour l’adoption de cette technique à élargis-
sement minimal dans les cancers infiltrants de petit
volume ou après radiochimiothérapie.
Type B : section du paracervix au niveau
de l’uretère
L’uretère est décroisé et refoulé latéralement pour placer la
section du paracervix à son niveau. Une résection partielle
des ligaments utéro-sacrés et vésico-utérins est associée.
La partie nerveuse du paracervix nest pas concernée. Au
moins 1 cm de vagin à distance de la tumeur est réséqué.
Lopération correspond à l’hysrectomie radicale modi-
ée ou proximale. Elle est adape aux cancers inltrants
précoces. La radicalité peut être améliorée en associant
une lymphadénectomie paracervicale, ce qui implique
de nir deux sous-types : B1 comme décrit et B2 avec
lymphanectomie paracervicale.
Type C : section du paracervix au niveau
de la paroi pelvienne (à la bifurcation
hypogastrique)
La partie caudale du paracervix est sectionnée cauda-
lement à la veine utérine profonde. L’uretère est
Mots-clés
Cancer du col utérin
Hystérectomie élargie
complètement mobilisé. Les culs-de-sac vaginaux
sont emportés avec le paracolpos correspondant.
Les piliers du rectum et de la vessie sont sectionnés
au contact de l’organe.
Ce type correspond aux différents variants de l’hysté-
rectomie élargie classique”. La question de la préser-
vation nerveuse est ici cruciale. Deux sous-catégories
sont donc définies :
C1 : avec préservation nerveuse ;
C2 : sans préservation nerveuse.
Type D : résection ultra-radicale
Ce groupe de rares opérations s’inclut dans le domaine
des exentérations pelviennes et donc hors sujet.
Quelle paracervicectomie pour
les cancers débutants ?
Le cancer n’est débutant que s’il n’y a pas d’atteinte
ganglionnaire, laquelle justifie une lymphadénectomie
de stadification. En présence d’une atteinte ganglion-
naire, la question de la chirurgie locale ne se pose
pas, puisque la radiochimiothérapie est nécessaire,
et suffisante pour traiter la tumeur centrale sans nul
besoin de chirurgie. On part donc du principe que la
question concerne les cancers N- vérifiés par une
lymphadénectomie endoscopique éventuellement
sensibilisée par l’examen extemporanés du ganglion
sentinelle qui trouve ici toute son utilité clinique.
La tradition veut que les cancers infiltrants aux stades
IA2 et IB1 soient traités de manière radicale, soit par
curiethérapie puis chirurgie, soit chirurgie seule. La
chirurgie seule est désormais considérée comme suffi-
sante pour les sions des moins de 2 cm. On sait aussi
de longue date que l’hystérectomie ou trachélectomie
“proximale” ou “type II” ou “classe B” est suffisante
dans ces cas. La survie après hystérectomie élargie
de type modifié (proximal), sans irradiation pré- ou
postopératoire est proche de 100 % dès lors que sont
sélectionnées pour ce traitement les patientes répon-
dant aux critères ci-dessus (21, 22).
Or, on sait aussi que dans les cancers du col utérin
sans atteinte ganglionnaire, sans emboles lympho-
vasculaires et de moins de 2 cm de diamètre, le risque
d’atteinte paracervicale est quasiment nul, inférieur à
1 % (21, 23-24). Si on ajoute une conisation préalable
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in sano en tant que critère de sélection, il n’est plus
constaté de récidive et a fortiori de décès (25). De
même, la survie après trachélectomie élargie, dans les
mêmes conditions, indiquée chez les femmes désirant
une grossesse, est proche de 100 % (22, 26).
La question posée est donc celle de l’utilité de l’hys-
térectomie (ou trachélectomie) élargie, dont la
technicité et la morbidité sont supérieures à celle
de l’hystérectomie simple. Certains auteurs (23) ont
franchi ce cap, et vont même au-delà en limitant le
traitement de la tumeur centrale à une conisation
sous couvert d’une étude prospective (27). Une atti-
tude raisonnablement fondée sur ces données de la
littérature est de proposer une hystérectomie totale
simple (ou une trachélectomie – amputation du col
– simple chez les patientes désirant une grossesse)
dans les cas sélectionnés pour leur risque négligeable
d’atteinte paracervicale : tumeur de moins de 2 cm,
pas d’atteinte lymphovasculaire, profondeur d’infiltra-
tion inférieure à 10 mm (27). Il est important de noter
que ces critères, et tout particulièrement l’atteinte
lymphovasculaire, ne sont accessibles de manière
fiable quaprès une étude histopathologique soigneuse
du col (28), ce qui implique de faire précéder la déci-
sion thérapeutique d’une conisation du col utérin.
Ces propositions ne sont pas jusqu’ici à considérer
comme des standards. Le risque est grand de voir
proliférer des traitements non in sano par hystérec-
tomie totale simple pour des cancers infiltrants. Il y
a donc la place, dans une période intermédiaire, pour
des hystérectomies élargies de classe A. C’est tout
l’intérêt de les avoir définies, ou plus exactement
formalisées, car il est probable que de nombreuses
hystérectomies élargies avec ou sans curiethérapie
étaient depuis longtemps moins radicales que l’opé-
ration initiale, dite de Wertheim.
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