DOSSIER Chirurgie : Le 6e congrès de la SCGP (La Rochelle) La paramétrectomie est-elle toujours nécessaire dans le traitement des cancers débutants du col utérin ? Is parametrectomy always required in the surgical management of early cervical cancers? D. Querleu* Que signifie “paramétrectomie” ? * Institut Claudius-Regaud, université de Toulouse, 20-24, rue du PontSaint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex. Des modalités chirurgicales variées ont été mises au point, plus ou moins radicales selon l’estimation du risque d’atteinte péricervicale, sachant que le cancer du col utérin peut se développer dans toutes les directions (1). Le terme “hystérectomie élargie” ou “radicale” recouvre donc plusieurs techniques différentes. Depuis les premières publications de Wertheim (2), Okabayashi (3) et Meigs (4), des opérations diverses, utilisant des dénominations anatomiques non homogènes ont été décrites et pratiquées. Les publications initiales n’ont pas été relues, ont été altérées avec la transmission orale et l’introduction de variantes dans des techniques parfois originales, parfois redondantes. La classification de Piver, Rutledge et Smith de 1974 (5) est largement utilisée, au contraire de celle de Symmonds de 1975 (6). Elle décrit cinq classes, avec des défauts majeurs dont le principal est que l’article fondateur n’est pas clair, et n’a pas été lu ou compris par les utilisateurs. Elle ne fait pas référence à une anatomie claire, préconise des exérèses vaginales inadaptées, inclut un type I qui n’est pas une hystérectomie élargie, et un type V qui est obsolète, des types III et IV dont la différence d’indication n’est pas claire. Des classes intermédiaires (II et demi…) sont utilisées dans la pratique par quelques chirurgiens. Elle est conçue pour la seule laparotomie. De plus, cette classification ne prend pas en compte le concept de préservation nerveuse mis au point au Japon (7-10) et adopté en Europe (11, 12). Enfin, des chirurgies ultra-radicales (13-15) et à l’opposé des techniques conservatrices (16) ont été développées. 26 | La Lettre du Gynécologue • n° 346 - novembre 2009 Une classification a été proposée en France (17), comportant seulement deux types, fondés sur l’extension latérale : un type proximal défini par la section du paracervix (ligament cardinal) à l’aplomb de l’uretère, un type distal défini par la section du paracervix à la paroi pelvienne. Cette classification a également ses insuffisances. Elle ne prend pas en compte la réduction de la radicalité justifiée dans les cancers précoces ou après radiothérapie. Pourtant, elle a initié une classification générale indépendante de la voie d’abord, également proposée en Italie (18). Une autre sophistication du concept “proximal/distal” a été le développement de la lymphadénectomie paracervicale (19). Le rationnel de cette technique est que la partie latérale du paracervix est essentiellement composée de tissu cellulo-lymphatique, des vaisseaux et de nerfs, ce qui implique que le tissu lymphatique qui est le seul signifiant sur le plan oncologique peut être disséqué en préservant vaisseaux et nerfs, comme pour toute lymphadénectomie. Ajouter une lymphadénectomie paracervicale à un type “proximal ” améliore donc la radicalité sans augmenter la morbidité (19). Une technique analogue utilisant la liposuccion a été proposée en Allemagne (20). Une nouvelle classification a été proposée au cours d’une conférence d’experts réunis à Kyoto en février 2007. Sa préparation méthodique a comporté une revue de la littérature via Medline, un retour sur la nomenclature Terminologia Anatomica (21, 22), la consultation d’anatomistes ayant publié sur le thème de l’anatomie appliquée à la chirurgie carcinologique pelvienne au cours des années récentes, la consultation d’un groupe d’experts internationaux ayant publié dans les dix dernières années sur le thème de l’hystérectomie élargie. Elle est fondée, pour simpli- Résumé Mots-clés L’adaptation de la chirurgie à l’extension des lésions est un principe majeur de la chirurgie des cancers, et tout particulièrement des cancers du col utérin. La balance entre les risques et effets secondaires, d’une part, les nécessités carcinologiques et, d’autre part, est une question de cancérologie générale. fication, sur l’extension latérale de la résection, donc vers la structure que les cliniciens dénomment “paramètre” et qui doit être nommé paracervix). Quatre types sont décrits, avec quelques sous-types. Des lettres, pour bien se démarquer de la classification de Piver, sont utilisées. L’hystérectomie “simple” n’est pas incluse. La lymphadénectomie est considérée séparément. Type A : résection minimale du paracervix Hystérectomie dans laquelle la position de l’uretère est définie par palpation ou ouverture du tunnel, sans libération des uretères de leur “lit”. Le paracervix est sectionné à distance du col mais médialement à l’uretère. La résection vaginale est minime, non supérieur à 1 cm, sans résection du paracolpos. Le but de l’opération est de s’assurer que la totalité du col a été extirpée, ce qui n’est pas toujours le cas dans l’hystérectomie totale “simple”, sans risque urétéral direct, ce qui n’est pas le cas si on pince le paracervix à distance du col sans précaution. Cette notion est cruciale pour l’adoption de cette technique à élargissement minimal dans les cancers infiltrants de petit volume ou après radiochimiothérapie. Type B : section du paracervix au niveau de l’uretère L’uretère est décroisé et refoulé latéralement pour placer la section du paracervix à son niveau. Une résection partielle des ligaments utéro-sacrés et vésico-utérins est associée. La partie “nerveuse” du paracervix n’est pas concernée. Au moins 1 cm de vagin à distance de la tumeur est réséqué. L’opération correspond à l’hystérectomie radicale modifiée ou proximale. Elle est adaptée aux cancers infiltrants précoces. La radicalité peut être améliorée en associant une lymphadénectomie paracervicale, ce qui implique de définir deux sous-types : B1 comme décrit et B2 avec lymphadénectomie paracervicale. Type C : section du paracervix au niveau de la paroi pelvienne (à la bifurcation hypogastrique) La partie caudale du paracervix est sectionnée caudalement à la veine utérine profonde. L’uretère est Cancer du col utérin Hystérectomie élargie complètement mobilisé. Les culs-de-sac vaginaux sont emportés avec le paracolpos correspondant. Les piliers du rectum et de la vessie sont sectionnés au contact de l’organe. Ce type correspond aux différents variants de l’hystérectomie élargie “classique”. La question de la préservation nerveuse est ici cruciale. Deux sous-catégories sont donc définies : – C1 : avec préservation nerveuse ; – C2 : sans préservation nerveuse. Type D : résection ultra-radicale Ce groupe de rares opérations s’inclut dans le domaine des exentérations pelviennes et donc hors sujet. Quelle paracervicectomie pour les cancers débutants ? Le cancer n’est débutant que s’il n’y a pas d’atteinte ganglionnaire, laquelle justifie une lymphadénectomie de stadification. En présence d’une atteinte ganglionnaire, la question de la chirurgie locale ne se pose pas, puisque la radiochimiothérapie est nécessaire, et suffisante pour traiter la tumeur centrale sans nul besoin de chirurgie. On part donc du principe que la question concerne les cancers N- vérifiés par une lymphadénectomie endoscopique éventuellement sensibilisée par l’examen extemporanés du ganglion sentinelle qui trouve ici toute son utilité clinique. La tradition veut que les cancers infiltrants aux stades IA2 et IB1 soient traités de manière radicale, soit par curiethérapie puis chirurgie, soit chirurgie seule. La chirurgie seule est désormais considérée comme suffisante pour les lésions des moins de 2 cm. On sait aussi de longue date que l’hystérectomie ou trachélectomie “proximale” ou “type II” ou “classe B” est suffisante dans ces cas. La survie après hystérectomie élargie de type modifié (proximal), sans irradiation pré- ou postopératoire est proche de 100 % dès lors que sont sélectionnées pour ce traitement les patientes répondant aux critères ci-dessus (21, 22). Or, on sait aussi que dans les cancers du col utérin sans atteinte ganglionnaire, sans emboles lymphovasculaires et de moins de 2 cm de diamètre, le risque d’atteinte paracervicale est quasiment nul, inférieur à 1 % (21, 23-24). Si on ajoute une conisation préalable La Lettre du Gynécologue • n° 346 - novembre 2009 | 27 DOSSIER Chirurgie : Le 6e congrès de la SCGP (La Rochelle) in sano en tant que critère de sélection, il n’est plus constaté de récidive et a fortiori de décès (25). De même, la survie après trachélectomie élargie, dans les mêmes conditions, indiquée chez les femmes désirant une grossesse, est proche de 100 % (22, 26). La question posée est donc celle de l’utilité de l’hystérectomie (ou trachélectomie) élargie, dont la technicité et la morbidité sont supérieures à celle de l’hystérectomie simple. Certains auteurs (23) ont franchi ce cap, et vont même au-delà en limitant le traitement de la tumeur centrale à une conisation sous couvert d’une étude prospective (27). Une attitude raisonnablement fondée sur ces données de la littérature est de proposer une hystérectomie totale simple (ou une trachélectomie – amputation du col – simple chez les patientes désirant une grossesse) dans les cas sélectionnés pour leur risque négligeable d’atteinte paracervicale : tumeur de moins de 2 cm, pas d’atteinte lymphovasculaire, profondeur d’infiltration inférieure à 10 mm (27). Il est important de noter que ces critères, et tout particulièrement l’atteinte lymphovasculaire, ne sont accessibles de manière fiable qu’après une étude histopathologique soigneuse du col (28), ce qui implique de faire précéder la décision thérapeutique d’une conisation du col utérin. Ces propositions ne sont pas jusqu’ici à considérer comme des standards. Le risque est grand de voir proliférer des traitements non in sano par hystérectomie totale simple pour des cancers infiltrants. Il y a donc la place, dans une période intermédiaire, pour des hystérectomies élargies de classe A. C’est tout l’intérêt de les avoir définies, ou plus exactement formalisées, car il est probable que de nombreuses hystérectomies élargies avec ou sans curiethérapie étaient depuis longtemps moins radicales que l’opération initiale, dite de Wertheim. ■ Références bibliographiques 1. Landoni F, Bocciolone L, Perego P et al. Cancer of the cervix, FIGO stages IB and IIA: patterns of local growth and paracervical extension. Int J Gynecol Cancer 1995;5:329-34. 2. Wertheim E. The extended abdominal operation for carcinoma uteri (based on 500 operative cases). Am J Obstet Dis Women Childhood 1912;66:169-232. 3. Okabayashi H. Radical abdominal hysterectomy for cancer of the cervix uteri. Surg Gynecol Obstet 1921;33:335-41. 4. Meigs JV. Carcinoma of the cervix – the Wertheim operation. Surg Gynecol Obstet 1944;78:195-8. 5. Piver MS, Rutledge F, Smith JP. Five classes of extended hysterectomy for women with cervical cancer. Obstet Gynecol 1974;44:265-72. 6. Symmonds RE. 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