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Cancer du côlon : quel traitement adjuvant, et pour qui ?
Colonic cancer: which adjuvant treatment and for whom?
쐌쎲 G. Rahmi*, M. Ducreux**
왘 POINTS FORTS
왘 En traitement adjuvant après résection des cancers coliques de stade III, une chimiothérapie de type LV-5FU2 doit
être préférée à celle de type Fufol, car elle est moins toxique
et aussi efficace.
왘 Les fluoropyrimidines orales (capécitabine ou UFT) sont
une alternative au 5-FU intraveineux dans le traitement adjuvant des cancers coliques de stade III.
왘 Le schéma FOLFOX-4 pendant 6 mois, commencé si
possible avant le 42e jour postopératoire, est le nouveau
traitement adjuvant standard dans les cancers coliques de
stade III.
왘 L’arrêt de l’administration de l’oxaliplatine est recommandé
dès l’apparition d’une neuropathie de grade II persistante
(paresthésies douloureuses persistantes entre deux cycles),
et obligatoire en cas d’apparition d’une gêne fonctionnelle
(grade III) ou d’une réaction allergique.
왘 La chimiothérapie adjuvante peut être discutée pour les
cancers coliques de stade II, surtout s’ils sont à haut risque de
récidive (tumeurs peu différenciées, T4, présence d’emboles
veineux, périnerveux et lymphatiques, analyse de moins de
12 ganglions, perforation et, pour certains, occlusion révélatrice) ; elle doit avoir un faible risque toxique.
Mots-clés : Cancer colique – Chimiothérapie adjuvante –
Indications.
Keywords: Colonic cancer – Adjuvant chemotherapy –
Indications.
* Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
** Institut Gustave-Roussy, Villejuif.
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es progrès considérables ont été réalisés concernant
le traitement des cancers coliques. En effet, les avancées techniques de la chirurgie permettent une exérèse
complète de la tumeur et des ganglions tributaires. Sur le plan
médical, les meilleurs résultats sont dus d’une part à l’apparition
de nouvelles drogues, et d’autre part à l’affinement des stratégies thérapeutiques. La prise en charge des patients doit être
pluridisciplinaire, après une concertation entre le radiologue,
le chirurgien et l’oncologue ou le gastroentérologue.
Les récidives locorégionales et les métastases métachrones ont
incité à adjoindre à une chirurgie d’exérèse considérée comme
carcinologiquement complète des traitements adjuvants. L’intérêt
est de réduire le risque de récidive de la maladie, essentiellement
représenté par le risque métastatique dans le cadre des cancers
coliques, par l’éradication de microscopiques foyers tumoraux à
distance de la tumeur primitive. Les principales molécules testées
dans le cancer colorectal non métastatique, seules ou en association, sont les fluoropyrimidines (5-FU), en intraveineux associées
à de l’acide folinique ou par voie orale, l’oxaliplatine et l’irinotécan.
Actuellement, une chimiothérapie adjuvante n’est pas recommandée pour les cancers coliques de stade I ; elle est discutée
pour les stades II et doit être proposée pour les stades III.
LA CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE À BASE DE 5-FU
L’efficacité de la chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU + lévamisole dans les cancers coliques avec extension ganglionnaire a été
démontrée au début des années 1990 à la suite de la publication de
Moertel et al. (1). Puis le schéma associant 5-FU et acide folinique
administré en bolus 5 jours consécutifs tous les mois pendant
6 mois (protocole Fufol) a été le standard recommandé lors de la
Conférence de Paris en 1998 (2). Ce bénéfice est toujours présent
lorsque les résultats sont analysés après un suivi de 10 ans (3).
Une étude multicentrique française a comparé le protocole Fufol
Mayo Clinic (5-FU en bolus) au protocole LV-5FU2 (5-FU et
acide folinique en administration bimensuelle de deux jours
pendant 24 semaines) chez 900 patients présentant un cancer
colique de stades II et III (4). Il n’y avait pas de différence significative en termes de survie sans récidive ou de survie globale
à 3 ans entre les deux alternatives, mais le protocole LV-5FU2
était significativement moins toxique que le protocole Fufol en
termes de neutropénies (respectivement 7 % et 16 % ; p < 0,001),
de diarrhées (respectivement 4 % et 9 % ; p < 0,001) et de mucites
(respectivement 2 % et 7 % ; p < 0,001) de grades 2 et 3. L’essai
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 1-2 - janvier-février 2007
paneuropéen PETACC 2 en cours, concernant 1 800 patients,
devrait avoir la puissance nécessaire pour répondre à la question
de la supériorité éventuelle du 5-FU en utilisation intraveineuse continue versus l’utilisation en bolus (les résultats seront
présentés à l’ASCO 2007).
FAUT-IL ASSOCIER D’AUTRES DROGUES AU 5-FU ?
La chimiothérapie associant 5-FU et acide folinique pendant
6 mois était donc considérée jusqu’à récemment comme le standard thérapeutique pour le traitement adjuvant des cancers
coliques.
L’étude muticentrique MOSAIC, comparant le LV-5FU2 au
FOLFOX-4 (LV-5FU2 associé à de l’oxaliplatine à la dose de 85 mg/
m2 pendant 6 mois), a permis de définir un nouveau standard
thérapeutique pour les cancers coliques de stade III (5). En effet,
le taux de patients vivant sans rechute à 3 ans dans l’ensemble de
la population (40 % de stade II et 60 % de stade III) était de 78,2 %
pour les patients traités par FOLFOX-4 versus 72,9 % pour ceux
traités par LV-5FU2 (p = 0,002), ce qui traduit une réduction de
23 % du risque de rechute (cette différence était significative pour
les stades III : 72,2 % versus 65,3 %, mais non significative pour les
stades II : 87 % versus 84,3 %). L’analyse de la tolérance a montré
que l’oxaliplatine ajoutait une toxicité modérée et acceptable au
LV-5FU2, notamment neurologique (les paresthésies étaient
l’effet indésirable le plus fréquent, présent tous grades confondus,
chez 92 % des patients traités par FOLFOX versus 15,6 % dans le
bras LV-5FU2). Cette toxicité semblait régresser dans la plupart
des cas (un an après le traitement, il persistait une toxicité de
grade 3 pour 1 % des patients, de grade 2 pour 4 % des patients
et de grade 1 pour 24 % des patients).
Ainsi, le FOLFOX-4 administré pendant 6 mois doit être considéré comme le nouveau standard thérapeutique pour les cancers
colorectaux de stade III.
Actuellement, le protocole associant de l’irinotécan au 5-FU et à
l’acide folinique n’est pas validé en traitement adjuvant. Le premier
essai (6) a comparé un schéma hebdomadaire en bolus (irinotécan
plus fluorouracile/leucovorine : IFL) à un schéma associant fluorouracile et leucovorine. L’IFL était plus toxique et n’améliorait ni
le taux de rechute, ni la survie. Les résultats des deux autres essais
prospectifs randomisés comparant LV-5FU2 à LV-5FU2/irinotécan
ont été présentés au congrès de l’ASCO 2005. L’essai FFCD 9802ACCORD 02 a comparé ces deux schémas chez des patients ayant
un cancer colique de stade III à haut risque de récidive (N2 ou N1
perforé ou en occlusion) et n’a pas montré d’amélioration de la
survie sans récidive ; les facteurs pronostiques péjoratifs étaient
toutefois déséquilibrés entre les deux bras. L’étude PETACC 3
(7), portant sur 2 014 patients opérés pour un cancer de stade III,
a montré un bénéfice non significatif en termes de survie sans
maladie incluant les seconds cancers non colorectaux (DFS pour
les stades III, objectif principal de l’essai [HR : 0,89 ; p = 0,091]),
mais significatif pour la survie sans maladie n’incluant pas les
seconds cancers non coliques (RFS pour les stades III, objectif
secondaire de l’essai ; p = 0,045), ce qui correspondait à la définiLa Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 1-2 - janvier-février 2007
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tion de la DFS utilisée dans l’essai MOSAIC. Les résultats ne sont
cependant pas suffisamment convaincants pour que l’association
LV-5FU2-irinotécan puisse être considérée comme un standard
dans le traitement adjuvant du cancer colique.
Les nouvelles molécules ciblées comme les anti-EGF (epidermal
growth factor) et anti-VEGF (vascular endothelial growth factor),
actuellement largement utilisées pour les cancers colorectaux
métastatiques, doivent être étudiées dans le contexte d’un traitement adjuvant.
L’essai AVANT teste l’efficacité de la combinaison 5-FU et oxaliplatine (6 mois) seule ou associée au bévacizumab (Avastin®
pendant 12 mois). Le 5-FU est administré sous forme intraveineuse
(FOLFOX-4) ou orale (Xelox®). L’essai PETACC 8 en cours, concernant les cancers coliques de stade III, compare le schéma FOLFOX4 (6 mois) au schéma FOLFOX-4 et cétuximab (6 mois).
Les études sur la chimiothérapie par fluoropyrimidines orales
(capécitabine et UFT) ont montré une efficacité voisine de celle
du FUFOL bolus en termes de survie sans progression et de
survie globale, ainsi qu’une tolérance plutôt meilleure (8-10).
FAUT-IL PROPOSER UNE CHIMIOTHÉRAPIE
ADJUVANTE POUR LES CANCERS COLIQUES
DE STADE II ?
L’intérêt d’un traitement adjuvant est proportionnel au risque
de récidive de la maladie. Ce risque est pour l’instant évalué par
l’extension de la maladie selon le stade TNM. En pratique, il est
inutile de proposer un traitement adjuvant dans les formes peu
avancées (stade I), où le pronostic après résection chirurgicale
est excellent, bien qu’aucune étude n’ait été conduite sur ce sujet.
À l’inverse, la démonstration de l’utilité d’une chimiothérapie
dans les stades III n’est plus à faire.
Le débat principal porte actuellement sur l’indication d’une chimiothérapie adjuvante chez les patients atteints d’un cancer colorectal
de stade II. En effet, les résultats des différents essais concernant des
cancers colorectaux de stade II n’ont pas clairement montré d’avantage en termes de survie chez les patients ayant reçu une chimiothérapie adjuvante par rapport aux patients traités par chirurgie
seule. Ainsi, l’étude IMPACT B2 (International Multicentre Pooled
Analysis of B2 Colon Cancer Trials), publiée en 1999, évaluait l’efficacité d’une chimiothérapie adjuvante chez 1 016 patients ayant un
cancer colique de stade B2 issus de cinq essais randomisés comportant un bras témoin traité par chirurgie seule et un bras traité par
Fufol postopératoire (11). Il n’y avait pas de différence significative
en termes de survie sans événements (76 % versus 73 % ; p = 0,61)
ou de survie globale à 5 ans (82 % versus 80 % ; p = 0,057).
Le NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project)
a regroupé les cancers coliques de stade II issus de quatre essais
randomisés (C-01, C-02, C-03 et C-04), dont l’un comparait
l’injection intraportale continue de 5-FU en périopératoire à
la chirurgie seule (12). La conclusion des auteurs était que la
chimiothérapie adjuvante semblait aussi efficace chez les patients
avec un cancer colique de stade II que chez ceux de stade III
(réduction du risque absolu de mortalité de l’ordre de 5 %).
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Les différentes méta-analyses ne sont pas concluantes en raison de
leurs résultats contradictoires. Deux sont en faveur d’un bénéfice
thérapeutique d’une chimiothérapie adjuvante dans les stades II
(12, 13). L’une rapporte une différence minime (+ 2 % en survie
globale à 5 ans ; p = 0,06), en cas d’emploi d’une association 5FU-acide folinique mensuelle, avec une puissance modeste, et la
dernière est négative, avec une méthodologie critiquable (14).
L’étude du QUASAR, présentée à l’ASCO 2004, a comparé une
chimiothérapie adjuvante par 5-FU/acide folinique ± lévamisole
à un bras sans chimiothérapie adjuvante chez 3 239 patients
porteurs de cancers colorectaux (92 % de stades II dans une
population mélangée, avec 71 % de cancers du côlon et 29 % de
cancers du rectum) [15]. Les résultats montrent un gain absolu
de 3 % en survie globale à 5 ans en faveur du groupe ayant reçu
une chimiothérapie (p = 0,02).
Plus récemment, dans l’étude MOSAIC comparant la survie sans
événement à 3 ans des patients opérés pour un cancer du côlon
de stades II et III traités par LV-5FU2 à celle des patients traités
par FOLFOX-4, l’analyse de la sous-population des stades II à
haut risque a montré une diminution du risque de rechute à 3 ans
de 28 %, résultat comparable à celui obtenu pour les patients de
stade III (16). Il faut cependant noter que l’étude MOSAIC n’a pas
été élaborée pour montrer une différence statistique significative
en termes de survie sans événement pour les patients de stade II.
Au vu de ces résultats, l’indication d’une chimiothérapie adjuvante pour les patients de stade II est à discuter au cas par cas,
avec évaluation du rapport bénéfice-risque de cette chimiothérapie adjuvante. Le bénéfice en survie étant modéré (entre 2 à 5 %
en valeur absolue selon le risque de récidive), une chimiothérapie
pourra être prescrite pour les stades II avec risque élevé de récidive (tumeurs peu différenciées, T4, présence d’emboles veineux,
périnerveux et lymphatiques, analyse de moins de 12 ganglions,
perforation et, pour certains, occlusion révélatrice).
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CONCLUSION
Actuellement, une chimiothérapie adjuvante n’est donc pas
recommandée pour les cancers coliques de stade I. Elle est
discutée pour les stades II et doit être proposée pour les
stades III. Dans ce dernier cas, l’association actuellement recommandée est le 5-FU en perfusion continue avec l’oxaliplatine.
Les fluoropyrimidines orales (capécitabine et UFT) sont de plus
en plus utilisées et les nouvelles molécules ciblées, très actives
en situation métastatique, doivent encore être étudiées dans le
contexte d’un traitement adjuvant.
■
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II colon cancer: subpopulation data from the MOSAIC trial ASCO 2004;poster
3619 (abstract).
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