La Lettre du Rhumatologue - n° 241 - avril 1998
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ALIMENTATION
i l’accent a été mis ces dernières années sur la place
du calcium et de la vitamine D dans la prévention de
l’ostéoporose, de nombreux travaux récents souli-
gnent l’importance d’autres nutriments et, en premier lieu, celle
des apports en sel et en protéines.
LES APPORTS SODÉS
Alors que les apports calciques peuvent être facilement évalués
par l’interrogatoire alimentaire, les apports en sodium sont plus
difficiles à apprécier par ce moyen. La natriurèse des 24 h consti-
tue le moyen le plus fiable du fait du strict équilibre entre absorp-
tion et excrétion : une consommation quotidienne de 6 g de sel
s’accompagne d’une natriurèse de 100 mmol/j. Il n’existe pas
d’apports recommandés en sel ; les apports observés se situent,
en France, entre 5 et 15 g/j. Les apports en sodium sont très for-
tement corrélés à la calciurie du fait d’une compétition pour le
même système de transport au niveau du tubule proximal du
néphron : à 100 mmol de sodium ingéré (et excrété) correspond
une élimination urinaire de 1 mmol de calcium (1). Chez les sujets
jeunes, il existerait un mécanisme de compensation passant par
une augmentation de la sécrétion de parathormone et de la syn-
thèse de 1,25 OH-vitamine D, et donc de l’absorption intestinale
du calcium. Ce mécanisme serait déficient chez les sujets âgés.
Il en résulterait une augmentation sodium-dépendante des mar-
queurs de la résorption osseuse.
Devine et coll. (2) ont montré, dans un groupe de femmes méno-
pausées depuis plus de dix ans, que les apports calciques et le
sodium urinaire étaient des déterminants de la perte osseuse fémo-
rale. Une réduction identique de la perte osseuse pouvait être obte-
nue, en théorie, en augmentant les apports calciques de 891 mg/j
ou en diminuant de moitié l’excrétion sodée. En pratique, il
semble licite d’essayer d’obtenir une natriurèse des 24 h proche
de 100 mmol. Le sel de l’alimentation est pour 10 % contenu dans
les aliments eux-mêmes, pour 15 % ajouté par le consommateur
et pour 75 % contenu dans des préparations industrielles (3).
LES APPORTS EN PROTÉINES
Les liens entre apports en protéines et minéralisation diffèrent
selon qu’il s’agit d’un excès ou d’une insuffisance (4). En situa-
tion d’excès (apports supérieurs à 1g/kg/j), l’effet des apports pro-
téiques sur la balance calcique paraît prédominer. Les apports pro-
téiques sont fortement liés à l’élimination calcique urinaire : à
chaque gramme de protéine métabolisé correspond une élimina-
tion urinaire de 0,025 mmol de calcium. Ce lien est dû à l’effet
des protéines au niveau rénal : augmentation de la filtration glo-
mérulaire, diminution de la réabsorption tubulaire du calcium,
mais surtout à la charge acide que représente le métabolisme des
protéines et, en premier lieu, celui des acides aminés soufrés (5).
Notre alimentation entraîne la production de 1 mEq d’ions
H+/kg/j. Le tissu osseux constitue la plus importante réserve de
l’organisme en bases sous la forme de phosphate et de carbonate
de calcium, qui peuvent être solubilisés en présence d’ions H+
avec libération d’ions Ca++. À l’inverse, l’administration de bases
diminue la calciurie et le taux des marqueurs de la résorption
osseuse (6). Si l’effet négatif à court terme sur la balance calcique
des apports protéiques paraît bien documenté, les effets à long
terme sont mal connus bien qu’une étude retrouve une corrélation
entre les apports en protéines animales dans différentes régions
du globe et la fréquence des fractures du col du fémur (7).
D’un autre côté, les altérations métaboliques induites par les
carences en protéines peuvent être cause de déminéralisation.
Ainsi, au cours du vieillissement, certaines études ont-elles
retrouvé une corrélation, chez les sujets ayant de faibles apports
en protéines, entre apports protéiques et densité minérale fémo-
rale (8). Bien plus, chez des sujets des deux sexes de plus de
70 ans, il a été observé une corrélation inverse entre la perte
osseuse mesurée au niveau du col fémoral et le pourcentage en
protéines des apports énergétiques. Enfin, dans l’étude de Mat-
kovic et coll. sur la fréquence des fractures du col fémoral dans
deux régions de Yougoslavie (9), cette fréquence est plus élevée
dans la région où les apports protéiques (et calciques) sont les
plus faibles. La supplémentation en produits laitiers (sous forme
de yaourts par exemple) paraît donc indiquée chez les sujets âgés
à la fois du fait de l’augmentation des apports en calcium ainsi
Autres facteurs nutritionnels
F. Oberlin, O. Maugenest*
Le maintien d’une natriurèse proche de 100 mmol/j est
une mesure efficace de prévention d'une déminéralisation.
Chez les sujets âgés, la dénutrition protéique est un fac-
teur de perte osseuse et un risque de fracture du col fémoral.
La prescription inadéquate ou mal comprise d’un régime
pauvre en graisses comporte un risque de déminéralisation.
Mots-clés : Ostéoporose - Sel - Protéines - Café - Alcool -
Fibres - Vitamine K - Graisses.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
S
* Service de rhumatologie, Hôpital de La Pitié, 81, bd de l’Hôpital, 75651
Paris Cedex 13.
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réalisée, mais également d’apports en protéines pauvres en acides
aminés soufrés (l’une des caractéristiques des protéines lactées).
LALCOOL
L’abus d’alcool est un facteur de risque important d’ostéoporose,
en particulier chez les hommes. L’alcoolisation mondaine ne
paraît pas un facteur de risque (10) du fait, notamment chez les
femmes, d’une augmentation de la masse grasse. Les apports éle-
vés en alcool associent une diminution de la formation osseuse à
des perturbations alimentaires dont une dénutrition protéique, une
atteinte hépatique, une baisse de la testostérone...
LE CAFÉ
Certaines études ont relié la consommation de café à un risque
ostéoporotique. Comme pour les protéines, il s’agit d’une aug-
mentation de l’élimination urinaire du calcium : pour compenser
l’effet d’une consommation journalière de 177,5 ml de café, il
faut augmenter les apports de calcium de 40 mg/j (11). Ainsi a-
t-on pu montrer l’existence d’une élevation du risque fracturaire
au col fémoral chez les femmes consommant plus de deux tasses
de café par jour. Cet effet négatif ne se manifesterait, en fait, qu’en
cas de faibles apports calciques. Il n’est pas retrouvé dans une
étude récente (12). Curieusement, le thé, qui contient de la théine,
substance proche de la caféine, a, lui, un effet protecteur, peut-
être du fait de son contenu en flavonoïdes.
LES FIBRES
Les fibres diminuent l’absorption intestinale du calcium, ce qui
pourrait avoir une importance clinique en cas d’apports calciques
insuffisants. En fait, plusieurs études ont retrouvé une corrélation
positive entre la densité minérale et l’importance d’une supplé-
mentation en fibres (13) suggérant un effet propre : la régulari-
sation du transit pourrait s’accompagner d’une amélioration de
l’absorption intestinale du calcium. La supplémentation consti-
tue la source essentielle de fibres de notre alimentation. En effet,
10 g de fibres alimentaires sont apportés par 23 g de son de blé
ou 58 g de son d’avoine ou 435 g d’orange ou 735 g de laitue.
LA VITAMINE K
La vitamine K est un cofacteur de la gamma-carboxylation de
l’ostéocalcine qui est nécessaire à sa liaison avec l’hydroxyapa-
tite. La gamma-carboxylation de l’ostéocalcine sérique diminue
avec l’âge, et l’importance de cette baisse est un facteur de pré-
diction des fractures du col fémoral. La supplémentation en ali-
ments riches en phylloquinones (petits pois, haricots, sauce
tomate, jus de légumes…) augmente le taux sérique d’ostéocal-
cine carboxylée (14). Les effets osseux ne sont pas connus.
LES RÉGIMES PAUVRES EN GRAISSE
Un régime pauvre en matières grasses n’entraîne pas systémati-
quement une diminution des apports calciques : ainsi une réduc-
tion de la proportion des graisses alimentaires de 40 % à 25 %
peut s’obtenir sans modification des apports calciques à condi-
tion d’utiliser des produits laitiers allégés (15). Rappelons que
les produits écrémés conservent leur teneur en calcium. Dans
notre expérience, beaucoup de femmes suivant un régime contre
le cholestérol ont une densité minérale et des apports calciques
bas du fait, en particulier, de l’abandon des produits laitiers, à la
suite d’une prescription de régime mal adaptée.
Bibliographie
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I. Parmi les propositions suivantes, la(les)quelle(s) est
(sont) exacte(s) :
a.un apport sodé excessif augmente l’excrétion urinaire
de calcium
b.le sel de l’alimentation est essentiellement contenu
dans le sel de table ajouté aux aliments par le consom-
mateur
c.une réduction de l’excrétion urinaire de sodium pourrait
réduire la perte osseuse
d.la dénutrition protéique est associée à une augmenta-
tion du risque de fracture du col fémoral
e.il n’existe pas de relation entre apports protéiques et
excrétion urinaire calcique
2. Parmi les propositions suivantes, la(les)quelle(s) est
(sont) exacte(s) :
a.les produits laitiers sont une source de protéines
b.les produits laitiers “allégés” contiennent moins de
calcium
c.Les apports en produits laitiers sont souvent réduits à
la ménopause du fait de la crainte d’une prise de poids
d.les régimes “anti-cholestérol” conservent générale-
ment un apport calcique satisfaisant
e.le végétarisme strict est néfaste pour le tissu osseux
3. Parmi les propositions suivantes, la(les)quelle(s) est
(sont) exacte(s) :
a.une consommation modérée de boissons alcoolisées est
un facteur de risque de perte osseuse
b.un apport de bases (bicarbonate) permet de diminuer la
résorption osseuse
c.une consommation excessive de fibres réduit l’absorp-
tion intestinale du calcium
d.une carence en vitamine K chez les sujets âgés est asso-
ciée à une augmentation du risque de fracture du col
fémoral
e.la consommation de 5 tasses de café par jour est un fac-
teur de risque de fracture du col fémoral
Réponses p. 39
AUTOQUESTIONNAIRE
FMC
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