n°1 21/04/04 R 10:03 E Page 30 V U E D E P R E S S E Revue de presse ● A. Travade*, C. Barlier, P. Boulet, B. Cutuli, V. Servent NUTRITION, POIDS ET CANCER DU SEIN ❏ On parle beaucoup des phyto-estrogènes, mais quels rôles ont-ils et où les trouve-t-on ? Pour approfondir vos connaissances, une excellente mise au point de C. Bennetau-Pelissero dans Le Quotidien du Médecin, Les phyto-estrogènes, des molécules néfastes ou bénéfiques, n° spécial nutrition, 26.2.1998. Le rôle éventuellement protecteur d’une alimentation riche en phyto-estrogènes contre le risque de cancer du sein est étudié dans l’article suivant : Ingram D. et coll. Case-control study of phyto-estrogens and breast cancer. Lancet 1997 ; 350 : 990. Voir aussi le commentaire de Messina M. et coll. dans le même numéro, p. 971. Soja et bouffées de chaleur. Albertazzi P. et coll. The effect of dietary soy supplementation on hot flushes. Obst Gynecol 1998 ; 91 : 6. L’adjonction quotidienne de soja dans l’alimentation des femmes ménopausées atteintes de bouffées de chaleur réduit ces dernières de façon significative par comparaison avec le groupe placebo. Les phyto-estrogènes, et en particulier la poudre de protéine de soja, pourraient être proposés en cas de contre-indications aux estrogènes. Le rôle de l’alimentation, avec une place particulière pour les protéines de soja, longtemps sous-estimé dans le risque de cancer du sein faute de preuves, pourrait donc, surtout si les résultats d’études ultérieures le confirment, être mis en exergue. Les rubriques suivantes concernant alcool et huile d’olive vont d’ailleurs dans ce sens. ❏ La consommation d’alcool augmente-t-elle le risque ? Deux études récentes tendent à le prouver. Smith-Warner S. et coll. JAMA 1998 ; 279 : 535. Méta-analyse sur six travaux prospectifs au Canada, aux Pays-Bas, en Suède et aux États-Unis. Le risque de cancer du sein augmente de façon linéaire avec la consommation d’alcool. Pourrait-on réduire le risque chez les femmes grandes consommatrices en proposant de réduire l’ingestion d’alcool ? Zumoff B. Editorial : The critical role of alcohol consumption in determining the risk of breast cancer with postmenopausal estrogen administration. J Clin Endocrinol Metab 1997 ; 82 : 1656. L’absorption d’alcool chez les femmes sous traitement substitutif augmente l’estradiolémie. Ce facteur pourrait d’ailleurs représenter un biais important dans l’apparente augmentation du risque chez les femmes traitées rapportée par certaines études. *Centre d’imagerie médicale République, 99, avenue de la République, 63023 Clermont-Ferrand Cedex 2. 30 ❏ À propos de l’huile d’olive. Wolk A. et coll. A prospective study of association of monounsaturer fat and other types of fat with risk of breast cancer. Arch Intern Med 1998 ; 158 : 41. La consommation d’huile d’olive, particulièrement riche en acides gras mono-insaturés, réduirait le risque de cancer du sein à condition de diminuer les autres matières grasses. ❏ Relation entre le poids et la prise de poids sur le risque de cancer du sein. Huang Z. et coll. Dual effects of weight and weight gain on breast cancer risk. JAMA 1997 ; 278 : 1407. Un poids élevé à 18 ans diminue le risque avant et après la ménopause. En revanche, une prise de poids après l’âge de 18 ans n’a pas de lien avec le risque de cancer du sein préménopausique, mais augmente le risque après la ménopause, d’autant plus qu’il n’y a pas de THS. Une des façons de prévenir le cancer post-ménopausique serait donc de conseiller l’absence de prise de poids à l’âge adulte. Lire en outre l’Éditorial de Kelsey et Baron dans le même numéro, p. 1448. THS ET CANCER DU SEIN Plusieurs études, largement reprises par les médias, ont évoqué le risque d’augmentation de cancer du sein sous THS. Rappelons à cette occasion que ces mêmes médias ne font pas écho des publications montrant une non-augmentation du risque, comme par exemple l’article de Stanford, JAMA 1995, 274 : 137. ❏ Collaborative group on hormonal factors in breast cancer. Breast cancer and hormone replacement therapy : collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women without breast cancer. (Beral V.) Lancet 1997 ; 350 : 1047. Méta-analyse concernant 51 études épidémiologiques. Le risque de cancer du sein augmenterait chez les femmes sous THS ainsi qu’avec la durée d’utilisation. De nombreux biais diminuent la portée de cette étude : – Utilisation préférentielle d’estrogènes sans association progestative. – Les femmes traitées sont soumises à un dépistage plus précis, les cancers trouvés le sont à un stade de meilleur pronostic. – Pas d’augmentation du risque après 5 ans d’interruption. – Biais statistiques. Par exemple, un risque relatif de 1,1 après la première année, constitue-t-il une augmentation du risque ? Un risque global de 1,3-1,4, est-il significatif ? N.B. La signification clinique d’un risque relatif est difficile à évaluer. Rappelons, pour avoir un élément de comparaison, que l’article de J.M. Dixon (Lancet 1997 ; 315 : 545) montre que les femmes de moins de 45 ans développant des kystes ont un risque relatif de 6,83, qui est aussi celui provoqué par des antécédents familiaux sévères ou une hyperplasie atypique. La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998 n°1 21/04/04 10:03 Page 31 ❏ Grodstein F. et coll. Postmenopausal hormone therapy and mortality. N Engl J Med 1997 ; 336 : 17609. Les femmes en cours de traitement ont un risque diminué de mortalité toutes causes confondues par rapport à celles qui n’ont jamais pris d’hormones (diminution des risques d’ostéoporose et de maladies cardiovasculaires). Cependant, ce bénéfice apparent diminue au-delà de 10 ans de traitement du fait d’une augmentation de mortalité par cancer du sein. Celles qui ont la meilleure réduction du risque sont celles qui ont le risque coronaire le plus élevé. Bien entendu, des commentaires ont suivi cette étude : - l’Éditorial de Brinton et Schairer dans le même numéro, page 1821, soulève la possibilité de biais et insiste sur le fait que le traitement doit être discuté en fonction de chaque cas particulier. Les bénéfices sont importants chez une femme à risque coronaire, ils le sont beaucoup moins chez une femme à haut risque de cancer du sein et sans risque cardiovasculaire (une notion intéressante dans cette publication : le risque cumulatif de décès pour une femme de 50 à 94 ans est estimé à 31 % par maladie cardiovasculaire, 2,8 % par cancer du sein et 2,8 % par fracture du col du fémur). - La correspondance de Whooley et coll. dans le numéro 19, p. 1389, met en exergue les biais possibles. ❏ La conduite à tenir en pratique quotidienne n’est donc pas aisée et, pour s’aider, on peut lire la très bonne argumentation de E. Drapier-Faure dans le Concours Médical ; 20 déc. 1997 : 3129. Doit-on préconiser un arrêt du traitement hormonal substitutif de la ménopause au bout de 10 ans d’utilisation ? ❏ Pour compliquer la situation, citons l’article de F. Parazzini et coll., Hysterectomy, oophorectomy in premenopause, and risk of breast cancer. Obstet Gynecol 1997 ; 90 : 453. Cette étude réalisée en Italie dans six centres différents confirme le rôle protecteur de l’ovariectomie bilatérale, rôle qui augmente avec le temps écoulé depuis l’intervention. GÉNÉTIQUE Bien que les cancers du sein liés à la présence d’un gène de prédisposition ne représentent probablement que 5 à 8 % de l’ensemble des cancers du sein, les études et donc les publications sont extrêmement nombreuses tant l’enjeu est important. ❏ D. Stoppa-Lyonnet fait une mise au point très intéressante dans la Presse Médicale 1997 ; 26 : 1978. Prédispositions génétiques aux cancers du sein. Trois gènes de prédisposition, BRCA1, BRCA2, BRCA3, ont été localisés sur les chromosomes 17, 13 et 8. D’autres gènes sont probablement impliqués. On peut évaluer le risque de cancer du sein chez les femmes ayant des antécédents familiaux. Les conséquences d’une telle demande sont discutées, la patiente ne désirant pas forcément connaître le résultat, et la prise en charge clinique et psychologique de ces patientes à haut risque étant difficile. Quelles mesures prophylactiques adopter ? Les tests de prédisposition commencent à être disponibles en France, mais le risque d’“effets secondaires” doit être particulièrement bien évalué. La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998 ❏ Les cancers du sein liés aux mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 auraient des caractéristiques et un pronostic différents des formes sporadiques, plus péjoratifs selon les premières études publiées. Toutefois, les études ultérieures trouvent une discordance entre les facteurs biologiques, souvent plus mauvais, et le pronostic clinique, c’est-à-dire la survie, plus favorable que prévu. - Karp S.E. et coll. Influence of BRCA1 mutations on nuclear grade and estrogen receptor status of breast carcinoma in Ashkenazi Jewish women. Cancer 1997 ; 80 : 435. Dans ce sous-groupe très précis, femmes juives ashkénazes atteintes d’un cancer du sein lié à BRCA1, il s’agit significativement de formes ayant plus facilement un haut grade, III, avec un envahissement ganglionnaire plus fréquent et un pourcentage plus élevé de récepteurs hormonaux négatifs. On peut donc discuter dans ces formes de l’inutilité d’un traitement préventif par le tamoxifène. - Verhoog L.C. et coll. Lancet 1998 ; 351 : 316. Cette étude montre que la survie sans récidive et la survie globale sont semblables dans le groupe BRCA1 et le groupe sporadique. Voir le commentaire dans le même numéro de Watson, Marcus et Lynch, p. 305. D’autres études confirment la même survie alors que les facteurs habituels de pronostic sont plus mauvais : aneuploïdie, prolifération élevée, grade élevé, récepteurs hormonaux négatifs, etc. - Marcus J.N. et coll. Cancer 1997 ; 80 : 543. BRCA1 and BRCA2 hereditary breast carcinoma phenotypes. Mêmes conclusions globales que les articles précédents : les cancers héréditaires ont des facteurs de pronostic biologiques plus défavorables, mais la survie paraît meilleure. - Schrag D. et coll. Decision analysis-effects of prophylactic mastectomy and oophorectomy on life expectancy among women with BRCA1 or BRCA2 mutations. N Engl J Med 1997 ; 336 : 1465. Le risque de développer un cancer du sein ou de l’ovaire en cas de mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 avait été évalué comme très important dans les premières études publiées (80 % pour le sein). Des études ultérieures ont montré que ces chiffres étaient probablement surestimés ; ils seraient autour de 40 % dans certains sous-groupes, d’où la difficulté de proposer des mesures préventives. L’étude de Schrag évalue, à l’aide d’un modèle mathématique, le taux de protection apporté par une mastectomie ou une ovariectomie. Pour une femme de 30 ans, dans le cas d’un cancer du sein, la mastectomie préventive augmente l’espérance de vie de 2,9 à 5,3 ans, dans le cas d’un cancer de l’ovaire, de 0,3 à 1,7 ans. Ces chiffres diminuent dans les deux groupes avec l’âge à l’intervention pour atteindre zéro à 60 ans. Le calcul de risque de cancer de l’ovaire chez une femme de 30 ans autorise à reporter l’ovariectomie de 10 ans, l’espérance de vie étant peu modifiée, mais les facteurs de qualité de vie préservés. La FDA approuve un test génétique de recherche de récidive du cancer du sein, basé sur la détection de Her2/neu (chromosome 17). La valeur prédictive de ce test reste cependant controversée et les applications cliniques discutées. Josefson D. Br Med J 1998 ; 316 : 168. 31