REVUE DE PRESSE
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La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
NUTRITION, POIDS ET CANCER DU SEIN
On parle beaucoup des phyto-estrogènes, mais quels
rôles ont-ils et où les trouve-t-on ?
Pour approfondir vos connaissances, une excellente mise au
point de C. Bennetau-Pelissero dans Le Quotidien du Médecin,
Les phyto-estrogènes, des molécules néfastes ou bénéfiques,
n° spécial nutrition, 26.2.1998.
Le rôle éventuellement protecteur d’une alimentation riche en
phyto-estrogènes contre le risque de cancer du sein est étudié
dans l’article suivant : Ingram D. et coll. Case-control study of
phyto-estrogens and breast cancer. Lancet 1997 ; 350 : 990.
Voir aussi le commentaire de Messina M. et coll. dans le même
numéro, p. 971.
Soja et bouffées de chaleur. Albertazzi P. et coll. The effect of
dietary soy supplementation on hot flushes. Obst Gynecol
1998 ; 91 : 6. L’adjonction quotidienne de soja dans l’alimen-
tation des femmes ménopausées atteintes de bouffées de cha-
leur réduit ces dernières de façon significative par comparai-
son avec le groupe placebo. Les phyto-estrogènes, et en parti-
culier la poudre de protéine de soja, pourraient être proposés
en cas de contre-indications aux estrogènes.
Le rôle de l’alimentation, avec une place particulière pour les
protéines de soja, longtemps sous-estimé dans le risque de can-
cer du sein faute de preuves, pourrait donc, surtout si les résul-
tats d’études ultérieures le confirment, être mis en exergue.
Les rubriques suivantes concernant alcool et huile d’olive vont
d’ailleurs dans ce sens.
La consommation d’alcool augmente-t-elle le risque ?
Deux études récentes tendent à le prouver.
Smith-Warner S. et coll. JAMA 1998 ; 279 : 535. Méta-analyse
sur six travaux prospectifs au Canada, aux Pays-Bas, en Suède
et aux États-Unis. Le risque de cancer du sein augmente de
façon linéaire avec la consommation d’alcool. Pourrait-on
réduire le risque chez les femmes grandes consommatrices en
proposant de réduire l’ingestion d’alcool ?
Zumoff B. Editorial : The critical role of alcohol consumption
in determining the risk of breast cancer with postmenopausal
estrogen administration. J Clin Endocrinol Metab 1997 ; 82 :
1656. L’absorption d’alcool chez les femmes sous traitement
substitutif augmente l’estradiolémie. Ce facteur pourrait
d’ailleurs représenter un biais important dans l’apparente aug-
mentation du risque chez les femmes traitées rapportée par cer-
taines études.
À propos de l’huile d’olive. Wolk A. et coll. A prospective
study of association of monounsaturer fat and other types of
fat with risk of breast cancer. Arch Intern Med 1998 ; 158 :
41. La consommation d’huile d’olive, particulièrement riche
en acides gras mono-insaturés, réduirait le risque de cancer du
sein à condition de diminuer les autres matières grasses.
Relation entre le poids et la prise de poids sur le risque
de cancer du sein. Huang Z. et coll. Dual effects of weight
and weight gain on breast cancer risk. JAMA 1997 ; 278 :
1407. Un poids élevé à 18 ans diminue le risque avant et après
la ménopause. En revanche, une prise de poids après l’âge de
18 ans n’a pas de lien avec le risque de cancer du sein prémé-
nopausique, mais augmente le risque après la ménopause,
d’autant plus qu’il n’y a pas de THS. Une des façons de prévenir
le cancer post-ménopausique serait donc de conseiller l’absence
de prise de poids à l’âge adulte. Lire en outre l’Éditorial de
Kelsey et Baron dans le même numéro, p. 1448.
THS ET CANCER DU SEIN
Plusieurs études, largement reprises par les médias, ont évoqué
le risque d’augmentation de cancer du sein sous THS. Rappe-
lons à cette occasion que ces mêmes médias ne font pas écho
des publications montrant une non-augmentation du risque,
comme par exemple l’article de Stanford, JAMA 1995, 274 :
137.
Collaborative group on hormonal factors in breast cancer.
Breast cancer and hormone replacement therapy : collaborative
reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705
women with breast cancer and 108 411 women without breast
cancer. (Beral V.) Lancet 1997 ; 350 : 1047. Méta-analyse
concernant 51 études épidémiologiques. Le risque de cancer
du sein augmenterait chez les femmes sous THS ainsi qu’avec
la durée d’utilisation. De nombreux biais diminuent la portée
de cette étude :
– Utilisation préférentielle d’estrogènes sans association pro-
gestative.
– Les femmes traitées sont soumises à un dépistage plus précis,
les cancers trouvés le sont à un stade de meilleur pronostic.
– Pas d’augmentation du risque après 5 ans d’interruption.
– Biais statistiques. Par exemple, un risque relatif de 1,1 après
la première année, constitue-t-il une augmentation du risque ?
Un risque global de 1,3-1,4, est-il significatif ?
N.B. La signification clinique d’un risque relatif est difficile à
évaluer. Rappelons, pour avoir un élément de comparaison,
que l’article de J.M. Dixon (Lancet 1997 ; 315 : 545) montre
que les femmes de moins de 45 ans développant des kystes ont
un risque relatif de 6,83, qui est aussi celui provoqué par des
antécédents familiaux sévères ou une hyperplasie atypique.
A. Travade*, C. Barlier, P. Boulet, B. Cutuli, V. Servent
Revue de presse
*Centre d’imagerie médicale République, 99, avenue de la République, 63023
Clermont-Ferrand Cedex 2.
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La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
Grodstein F. et coll. Postmenopausal hormone therapy and
mortality. N Engl J Med 1997 ; 336 : 17609. Les femmes en
cours de traitement ont un risque diminué de mortalité toutes
causes confondues par rapport à celles qui n’ont jamais pris
d’hormones (diminution des risques d’ostéoporose et de mala-
dies cardiovasculaires). Cependant, ce bénéfice apparent dimi-
nue au-delà de 10 ans de traitement du fait d’une augmentation
de mortalité par cancer du sein. Celles qui ont la meilleure
réduction du risque sont celles qui ont le risque coronaire le
plus élevé.
Bien entendu, des commentaires ont suivi cette étude :
- l’Éditorial de Brinton et Schairer dans le même numéro,
page 1821, soulève la possibilité de biais et insiste sur le fait
que le traitement doit être discuté en fonction de chaque cas
particulier. Les bénéfices sont importants chez une femme à
risque coronaire, ils le sont beaucoup moins chez une femme à
haut risque de cancer du sein et sans risque cardiovasculaire
(une notion intéressante dans cette publication : le risque
cumulatif de décès pour une femme de 50 à 94 ans est estimé à
31 % par maladie cardiovasculaire, 2,8 % par cancer du sein et
2,8 % par fracture du col du fémur).
- La correspondance de Whooley et coll. dans le numéro 19,
p. 1389, met en exergue les biais possibles.
La conduite à tenir en pratique quotidienne n’est donc pas
aisée et, pour s’aider, on peut lire la très bonne argumentation
de E. Drapier-Faure dans le Concours Médical ; 20 déc. 1997 :
3129. Doit-on préconiser un arrêt du traitement hormonal
substitutif de la ménopause au bout de 10 ans d’utilisation ?
Pour compliquer la situation, citons l’article de F. Parazzini
et coll., Hysterectomy, oophorectomy in premenopause, and
risk of breast cancer. Obstet Gynecol 1997 ; 90 : 453. Cette
étude réalisée en Italie dans six centres différents confirme le
rôle protecteur de l’ovariectomie bilatérale, rôle qui augmente
avec le temps écoulé depuis l’intervention.
GÉNÉTIQUE
Bien que les cancers du sein liés à la présence d’un gène de
prédisposition ne représentent probablement que 5 à 8 % de
l’ensemble des cancers du sein, les études et donc les publica-
tions sont extrêmement nombreuses tant l’enjeu est important.
D. Stoppa-Lyonnet fait une mise au point très intéressante
dans la Presse Médicale 1997 ; 26 : 1978. Prédispositions
génétiques aux cancers du sein. Trois gènes de prédisposition,
BRCA1, BRCA2, BRCA3, ont été localisés sur les chromo-
somes 17, 13 et 8. D’autres gènes sont probablement impli-
qués. On peut évaluer le risque de cancer du sein chez les
femmes ayant des antécédents familiaux. Les conséquences
d’une telle demande sont discutées, la patiente ne désirant pas
forcément connaître le résultat, et la prise en charge clinique et
psychologique de ces patientes à haut risque étant difficile.
Quelles mesures prophylactiques adopter ? Les tests de prédis-
position commencent à être disponibles en France, mais le
risque d’“effets secondaires” doit être particulièrement bien
évalué.
Les cancers du sein liés aux mutations des gènes BRCA1 et
BRCA2 auraient des caractéristiques et un pronostic différents
des formes sporadiques, plus péjoratifs selon les premières
études publiées. Toutefois, les études ultérieures trouvent une
discordance entre les facteurs biologiques, souvent plus mau-
vais, et le pronostic clinique, c’est-à-dire la survie, plus favo-
rable que prévu.
- Karp S.E. et coll. Influence of BRCA1 mutations on nuclear
grade and estrogen receptor status of breast carcinoma in
Ashkenazi Jewish women. Cancer 1997 ; 80 : 435. Dans ce
sous-groupe très précis, femmes juives ashkénazes atteintes
d’un cancer du sein lié à BRCA1, il s’agit significativement de
formes ayant plus facilement un haut grade, III, avec un enva-
hissement ganglionnaire plus fréquent et un pourcentage plus
élevé de récepteurs hormonaux négatifs. On peut donc discuter
dans ces formes de l’inutilité d’un traitement préventif par le
tamoxifène.
- Verhoog L.C. et coll. Lancet 1998 ; 351 : 316. Cette étude
montre que la survie sans récidive et la survie globale sont
semblables dans le groupe BRCA1 et le groupe sporadique.
Voir le commentaire dans le même numéro de Watson,
Marcus et Lynch, p. 305. D’autres études confirment la même
survie alors que les facteurs habituels de pronostic sont plus
mauvais : aneuploïdie, prolifération élevée, grade élevé, récep-
teurs hormonaux négatifs, etc.
- Marcus J.N. et coll. Cancer 1997 ; 80 : 543. BRCA1 and
BRCA2 hereditary breast carcinoma phenotypes. Mêmes
conclusions globales que les articles précédents : les cancers
héréditaires ont des facteurs de pronostic biologiques plus
défavorables, mais la survie paraît meilleure.
- Schrag D. et coll. Decision analysis-effects of prophylactic
mastectomy and oophorectomy on life expectancy among
women with BRCA1 or BRCA2 mutations. N Engl J Med
1997 ; 336 : 1465. Le risque de développer un cancer du sein
ou de l’ovaire en cas de mutation du gène BRCA1 ou BRCA2
avait été évalué comme très important dans les premières
études publiées (80 % pour le sein). Des études ultérieures ont
montré que ces chiffres étaient probablement surestimés ; ils
seraient autour de 40 % dans certains sous-groupes, d’où la
difficulté de proposer des mesures préventives. L’étude de
Schrag évalue, à l’aide d’un modèle mathématique, le taux de
protection apporté par une mastectomie ou une ovariectomie.
Pour une femme de 30 ans, dans le cas d’un cancer du sein, la
mastectomie préventive augmente l’espérance de vie de 2,9 à
5,3 ans, dans le cas d’un cancer de l’ovaire, de 0,3 à 1,7 ans.
Ces chiffres diminuent dans les deux groupes avec l’âge à
l’intervention pour atteindre zéro à 60 ans. Le calcul de risque
de cancer de l’ovaire chez une femme de 30 ans autorise à
reporter l’ovariectomie de 10 ans, l’espérance de vie étant peu
modifiée, mais les facteurs de qualité de vie préservés.
La FDA approuve un test génétique de recherche de récidive
du cancer du sein, basé sur la détection de Her2/neu (chromo-
some 17). La valeur prédictive de ce test reste cependant
controversée et les applications cliniques discutées. Josefson
D. Br Med J 1998 ; 316 : 168.
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