REVUE DE PRESSE
Résumés de la littérature
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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L’arrivée des biothérapies dans l’ostéoporose :
un anticorps anti-RANKL (dénosumab)
RANK (receptor activator of NF
k
B), RANKL (RANK
ligand) et ostéoprotégérine (OPG) sont des molécules clés
dans la résorption osseuse et dans la différenciation ostéoclas-
tique. RANKL appartient à la famille des ligands du TNF. On le
trouve exprimé par les cellules du tissu osseux (ostéoblastes, cel-
lules stromales) et par les lymphocytes T. C’est une protéine trans-
membranaire, bien qu’une forme soluble existe. RANKL inter-
agit avec RANK qui est présent à la surface des précurseurs
ostéoclastiques et permet leur différenciation en ostéoclastes
matures ; RANK est également exprimé par les ostéoclastes
matures, l’interaction RANK/RANKL permet leur multiplica-
tion, augmente leur activité de résorption et leur survie. L’OPG
appartient à la famille des récepteurs solubles du TNF ; elle est
secrétée par les cellules mésenchymateuses, les cellules stro-
males de la moelle osseuse et les ostéoblastes. En se liant à
RANKL, elle empêche son interaction avec RANK et inhibe la
résorption osseuse. Nous avions déjà signalé des résultats bio-
logiques préliminaires qui suggéraient une grande efficacité de
l’AMG 162, anticorps monoclonal anti-RANKL, pour freiner la
résorption osseuse chez des femmes ménopausées, avec une
action très rapide et un effet rémanent au moins comparable à
celui des agents antirésorbeurs connus sur les marqueurs de remo-
delage osseux (1).
Une nouvelle étude de la même équipe rapporte cette fois-ci des
résultats sur l’évolution de la densité minérale osseuse (DMO)
sous ce traitement maintenant dénommé “dénosumab”.
Quatre cent douze femmes ménopausées recrutées dans 29 centres
aux États-Unis ont été incluses sur les critères suivants : âge maxi-
mal 80 ans, DMO lombaire T-score entre – 1,8 et – 4 au rachis
lombaire ou entre –1,8 et –3,5 à la hanche totale ou au col fémo-
ral, de manière à inclure à la fois des femmes ostéopéniques et
ostéoporotiques. Elles ont été randomisées pour recevoir une
injection sous-cutanée de dénosumab (tous les 3 mois à la dose
de 6 mg [n = 40], 14 mg [n = 43] ou 30 mg [n = 40] ou tous les 6 mois
à la dose de 14 mg [n = 53], 60 mg [n = 46], 100 mg [n = 41] ou
210 mg [n = 46]), de l’alendronate à la dose de 70 mg par semaine
(n = 46) (en ouvert) ou un placebo (n = 46). Toutes les femmes
recevaient 1 g de calcium et 400 UI de vitamine D quotidienne-
ment. Le critère principal de jugement était la variation de DMO
lombaire à 12 mois. Les critères secondaires étaient la variation
de DMO aux autres sites (notamment à la hanche et au tiers dis-
tal du radius) et des marqueurs de remodelage osseux. L’essai
s’est déroulé de mai 2002 à avril 2004 et 369 femmes (90 %) l’ont
poursuivi jusqu’à son terme (12 mois). Les variations de la
DMO lombaire à 12 mois étaient de + 3 à 6,7 % sous dénosu-
mab, – 0,8 % dans le groupe placebo (p < 0,001) et + 4,6 % dans
le groupe alendronate. Les variations à 12 mois à la hanche totale
étaient de + 1,9 à 3,6 % sous dénosumab,– 0,6 % sous placebo
(p < 0,001) et + 2,1 % sous alendronate. La différence était signi-
ficative dès le premier mois dans les groupes dénosumab 14 et
30 mg tous les trois mois et 60 mg tous les 6 mois versus placebo
(p < 0,05). Au tiers distal du radius, il y avait une variation de
+ 0,4 à 1,3 % dans le groupe dénosumab, une perte de – 2 % dans
le groupe placebo (p < 0,001) et de – 0,5 % dans le groupe alen-
dronate. L’effet du dénosumab était significativement supérieur à
l’alendronate pour les schémas 30 mg/3 mois et 60 mg/6 mois à la
hanche totale et pour tous les schémas sauf 14 mg/3 mois au tiers
distal du radius. Le traitement trimestriel à 30 mg paraissait être le
meilleur, celui à 60 mg semblait optimal parmi les traitements
semestriels. Le dénosumab diminuait significativement et rapide-
ment les marqueurs de remodelage osseux : les CTX sériques pour
la résorption dès le troisième jour par rapport au placebo et maxi-
male dès le premier mois (– 84,7 à – 87,8 % versus – 1,9 %), plus
lentement pour la formation avec un décalage d’un mois pour la
diminution de la phosphatase alcaline osseuse. La diminution était
prolongée jusqu’à la fin de la séquence thérapeutique. Pour les plus
faibles doses, l’effet était réversible en fin de séquence. Deux sujets
sous dénosumab à 100 mg/6 mois avaient des anticorps anti-déno-
sumab, l’un dès le premier mois et l’autre à 12 mois. Cela n’a pas
induit de réponse différente au traitement de ces patients. La tolé-
rance était comparable entre les groupes, hormis les troubles
dyspeptiques un peu plus fréquents sous alendronate.
Conclusion. Ces résultats sont encourageants dans le sens où ils
montrent une action antirésorption puissante du dénosumab, très
rapide (dès le troisième jour), avec une efficacité comparable à
l’alendronate sur la DMO, voire meilleure au niveau des sites cor-
ticaux, notamment au tiers distal du radius. La fréquence d’admi-
nistration, trimestrielle ou semestrielle, pourrait également être un
avantage en termes d’observance. Bien entendu, et comme tou-
jours, il faut attendre les preuves d’un effet antifracturaire avant
de pouvoir juger de l’utilité de ce produit dans le traitement de
l’ostéoporose.
P. Guggenbuhl, Rennes
1. A single-dose placebo-controlled study of AMG 162,
a fully human monoclonal antibody to RANKL, in
postmenopausal women.
Bekker PJ, Holloway DL, Rasmussen AS et al. • J Bone
Miner Res 2004;19:1059-66.
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Denosumab in postmenopausal women with low bone
mineral density.
McClung MR, Michael Lewiecki E, Cohen SB et al. • N Engl
J Med 2006;354:821-31.