1 Michel Le Scouarnec Sénateur du Morbilhan Paris, le 09 mars 2016 PPL Ancrage territorial de l’alimentation ______ Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues, Le manque de transparence de l’industrie agroalimentaire, animée par la recherche de la compétitivité maximale et le profit, les différents scandales qui ont défrayé la chronique ces dernières années, ont favorisé l’émergence des circuits courts dans le débat public et la réflexion collective. Ainsi, le retour à des relations directes entre producteurs et consommateurs serait un gage de sécurité quant à la qualité des produits consommés mais aussi la possibilité pour les producteurs d’échapper en partie du moins, au pouvoir de la grande distribution et surtout déployer le marché intérieur. Certes la description est csuccinte, mais il est vrai qu’aujourd’hui nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à la qualité nutritive et sanitaire des aliments 2 qu’ils consomment mais aussi et surtout aux conditions de vie des agriculteurs. C’est pourquoi, mes chers collègues, je souhaite saluer l’initiative des auteurs de cette proposition de loi sur l’ancrage territorial de l’alimentation. En effet, ce texte reprend des préoccupations chers aux parlementaires du groupe CRC, que nous avons eu l’occasion de défendre à maintes reprises par voie d’amendements lors des débats sur la LMA ou la loi d’avenir agricole : la qualité de notre alimentation et des repas servis dans la restauration collective, et celui de la relocalisation des productions agricoles. A cet égard, dans un courrier adressé au ministre en novembre 2014, j’avais pointé les incohérences de notre système. En effet, l'essor de ces filières courtes reste encore modeste. Les achats réalisés grâce à un circuit court comptent pour 6 à 7% des courses alimentaires en France. De plus, selon des chiffres donnés par la FNSEA, bien que la France soit le premier pays producteur européen de volailles, elle n’arriverait pas à endiguer le flot des importations sur le marché de la restauration collective ; celles-ci 3 représenteraient 87 %, et elles viendraient majoritairement d’Allemagne, de Belgique, des PaysBas, et de la Pologne. De même, malgré l’importance de l’élevage bovin en France, ce serait entre 55 et 60 % de la viande bovine consommée qui serait importé, en provenance d’Allemagne, d’Angleterre, d’Irlande, et hélas, de plus en plus souvent des Etats-Unis, d’Espagne, d’Argentine ou du Brésil. Dans le secteur des fruits et légumes, nous savons bien également qu’ il existe encore des distorsions au sein de l’Europe sur l’utilisation des pesticides et l’emploi de main-d’œuvre à bas coût qui permettent à certains Pays d’avoir des coûts de production moindres et donc de proposer des prix plus abordables ou plus bas. Ce texte dont nous débattons aujourd’hui va donc dans le bon sens puisqu’il a pour objectif de concrétiser, d’une certaine manière, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt d’octobre 2014, qui avait fait de l’ancrage territorial de la 4 production l’un des enjeux de la politique agricole et alimentaire. Ainsi, comme l’a souligné le rapporteur cette proposition de loi vise à atteindre l’objectif de 40% de produis issus de l’agriculture durable, locaux ou liée aux saisons en restauration collective publique dès 2020. A cet égard il est regrettable que le seuil des 20% issus de l’agriculture biologique ait été supprimé en commission. Nous soutiendrons l’amendement de rétablissement de ce seuil. Pour parvenir à l’objectif des 40 %, le texte prévoit de confier à l’Observatoire de l’alimentation la mission de « veiller au développement des circuits courts et de proximité ». Le texte prévoit d’ajouter un volet alimentaire aux plans régionaux d’agriculture durable, afin que les Régions aident à la structuration des filières locales par l’installation de légumeries et d’abattoirs, ( nous avons déposé un amendement particulier aux abattoirs) et d’insérer les questions alimentaires au cahier des charges de la responsabilité sociale et environnementale des grandes entreprises. 5 Nous ne pouvons qu’adhérer à cette ambition. Toutefois, nous savons hélas que la question de la promotion des circuits courts ne sera pas réglée par cette proposition de loi, qui ne comporte du reste aucune sanction en cas de non-respect de ses objectifs. Mais il maintenant. faut donner En effet, une impulsion comment parler forte du développement des circuits alimentaires de proximité sans parler de l’accès au foncier, des politiques d’installation ou de reconversion des agriculteurs, des outils de planification, de régulation, de maîtrise des volumes produits, ou encore de l’étiquetage. Comment parler des circuits courts sans aborder la question de la structuration des filières alimentaires et de la production agricole, de l’adaptation nécessaire des petites structures agricoles aux contraintes imposées par la restauration collective : volumes, régularité, calibrage, qualité, prix… Comment enfin parler des circuits courts en passant sous silence la situation difficile voire catastrophique pour les plus pauvres dans laquelle se 6 trouvent aujourd’hui les collectivités territoriales en raison de la chute des dotations (DGF). Sans moyens financiers et humains, il est difficile de croire que les collectivités publiques et les agriculteurs s’inscrivent spontanément, et surtout massivement – car c’est bien là l’enjeu –, dans des démarches favorisant les productions de proximité, saisonnières ou sous signe d’identification de la qualité et de l’origine. (Cela a un coût). De plus, aucune mention n’est faite des dangers du traité de libre-échange en cours de négociation qui sont à l’opposé des notions de qualité, proximité et de traçabilité puisqu’ils encouragent au contraire à nous tourner vers plus d’exportation et d’importation, vers un productivisme exacerbé, puisqu’ils imposent des logiques financières à notre agriculture déjà affaiblie. Nous pensons au contraire qu’il faut soustraire de manière raisonnable, pragmatique et efficace l’agriculture aux logiques purement marchandes, à commencer par le périmètre des négociations sur l’accord transatlantique de libre-échange, mais aussi sur l’accord France-Canada. Tout en soutenant cette 7 proposition de loi, nous continuerons à dire que pour nous, la promotion des circuits courts c’est aussi la promotion des petites et moyennes exploitations, que toute politique favorable aux circuits de proximité doit être conditionnée à des pratiques agricoles socialement et écologiquement soutenables. Cette politique répond à la demande des syndicats agricoles pour développer le marché intérieur qui représente 30% en ce qui concerne la restauration collective. Je vous remercie pour votre attention.