A B S T R A C T S Angioplastie de première intention ou thrombolyse : traitement de l’infarctus du myocarde aigu dans la pratique quotidienne Des essais randomisés récents donnent l’avantage à l’angioplastie de première intention pour le traitement de l’infarctus du myocarde (IDM) à sa phase aiguë. Qu’en est-il pour une large population traitée au quotidien en France ? Cette étude prospective a analysé le devenir à un an de patients pris en charge lors des six premières heures d’un IDM en novembre 1995 dans 312 centres français et traités par fibrinolyse (569 patients) ou angioplastie primaire (152 patients). Les deux groupes sont comparables, excepté une plus grande incidence d’antécédents d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) pour le groupe angioplastie primaire (10 % vs 2 %, p < 0,01). La mortalité à 5 jours est de 5,6 % pour les patients fibrinolysés et de 6,6 % pour ceux ayant eu une angioplastie primaire (p = NS). À 30 jours, la différence reste non significative (respectivement 7,6 % et 9,2 %). À un an, la probabilité globale de survie est de 89,5 % pour le groupe thrombolyse et de 85,5 % pour le groupe angioplastie primaire (p = 0,18). À un an, 51 % des patients thrombolysés et 36 % des patients dilatés ont eu au moins une procédure de revascularisation myocardique (p < 0,005). En analyse multivariée, un âge avancé, la localisation antérieure de l’IDM, le sexe féminin et des antécédents d’insuffisance cardiaque grèvent la mortalité à un an, et pour les patients vivant au-delà du cinquième jour post-IDM, on note quatre facteurs indépendants prédictifs du devenir à un an : l’âge, la classe Killip lors des cinq premiers jours de l’IDM, des antécédents d’insuffisance cardiaque et le traitement par angioplastie primaire. L’utilisation précoce des bêtabloquants est associée à une amélioration du pronostic vital (risque relatif = 0,31). Conclusion. Cette étude met en évidence la différence entre des essais randomisés dans le cadre de protocoles et la pratique clinique au quotidien, analysée ici à large échelle en France : on ne parvient pas à mettre en évidence de supériorité de l’angioplastie primaire sur la thrombolyse à la phase aiguë d’un IDM avec un suivi d’une année. Ces données se rapprochent de celles du MITI (Myocardial Infarction Trial and Intervention ; N Engl J Med 1996 ; 335 : 1253-60) et, plus récemment, du NRMI-2 (second National Registry of Myocardial Infarction ; J Am Coll Cardiol 1998 ; 31 : 1240-5). L’utilisation du stenting est estimée à environ 30 % lors de cette période de novembre 1995 : il est possible que la pose plus systématique de stent améliore les résultats. En attendant, ces données rendent prudent quant au développement d’une politique de santé privilégiant à l’heure actuelle l’angioplastie de première intention pour traiter un IDM à sa phase aiguë. C. Adams, CH Argenteuil Treatment of acute myocardial infarction by primary coronary angioplasty or intravenous thrombolysis in the “real world” ; one-year results from a nationwide French survey. Danchin N., Vaur L., Genès N. et coll. ● Circulation 1999 ; 99 : 2639-44. A B S T R A C T S Devenir à 5 ans après angioplastie ou pontage mammaire interne de l’IVA Cette étude prospective suisse compare le devenir de 134 patients ayant une ischémie myocardique documentée et une sténose monotronculaire et proximale de l’artère interventriculaire antérieure (IVA) avec fraction d’éjection ventriculaire gauche > 50 % après randomisation entre angioplastie coronaire (68 patients) et pontage mammaire interne (66 patients) sur un suivi 5 ans. Sont analysés la mortalité, les infarctus du myocarde (IDM), le recours ultérieur à une procédure de revascularisation myocardique, le statut clinique et le traitement médical. À 5 ans, 6 patients (9 %) du groupe angioplastie et 2 patients (3 %) du groupe pontage sont décédés (p = 0,12). Les IDM sont plus fréquents pour le groupe angioplastie (15 % vs 4 %, p = 0,0001), mais cette différence devient non significative si l’on ne tient compte que des IDM transmuraux (respectivement 6 % vs 3 %, p = 0,8). Si l’on regroupe les décès cardiaques et les IDM, ils sont plus fréquents pour le groupe angioplastie (p = 0,0004, avec un risque relatif de 2,6). Une nouvelle procédure de revascularisation est nécessaire pour 38 % des patients du groupe angioplastie versus 9 % de ceux du groupe pontage (p = 0,0001). Cette revascularisation ultérieure concerne l’IVA pour 26 % des patients ayant eu une angioplastie initiale et pour 4,5 % des patients opérés (p = 0,002). Le Tableau. Analyse des complications observées à 5 ans pour le groupe angioplastie IVA (n = 68) et le groupe pontage mammaire-IVA (n = 66). Complications Décès – cardiaque – non cardiaque angioplastie n (%) pontage n (%) 6 1 (1,5 %) 5 (7,5 %) 2 1 (1,5 %) 1 (1,5 %) p 0,12 0,8 IDM 10 (15 %) 3 (4 %) 0,0001 Décès cardiaque + IDM 11 (16 %) 4 (6 %) 0,0004 Revascularisation – angioplastie – pontage – angioplastie + pontage 26 (38 %) 13 (19 %) 3 (5 %) 10 (15 %) 6 (9 %) 6 (9 %) 0 0 0,0001 Tout événement 30 (44 %) 9 (14 %) 0,0001 statut fonctionnel est comparable avec 6 % des patients dilatés et 3 % des patients pontés en classe NYHA III ou IV. Les traitements médicaux sont similaires pour les deux groupes. En définitive, 62 % des patients du groupe angioplastie et 91 % des patients du groupe pontage mammaire interne gauche-IVA sont indemnes des complications analysées (p = 0,00001) (tableau). Conclusion. Face à une lésion monotronculaire proximale IVA responsable d’une ischémie myocardique documentée, l’angioplastie coronaire et le pontage aorto-coronaire par mammaire interne gauche améliorent le pronostic et le statut fonctionnel. Cinq ans après une procédure de revascularisation myocardique d’une sténose isolée et proximale de l’IVA, on observe pour le groupe angioplastie une majoration du nombre des IDM non transmuraux par rapport au groupe ayant eu un pontage mammaire interne gauche-IVA : cela est essentiellement dû aux complications péri-procédurales et ne s’accompagne pas d’une augmentation de la mortalité cardiaque, qui est comparable pour les deux groupes. Le recours à une nouvelle procédure de revascularisation myocardique est plus fréquent après angioplastie coronaire en relation avec un taux de resténose IVA élevé de 32 %. Il faut noter que la pose d’un stent n’a pas été proposée de première intention et a été laissée au jugement du praticien en cas de complication au niveau du site d’angioplastie. Après pontage, la nécessité d’une revascularisation est plus rare et correspond pour la moitié des cas à une évolutivité de la maladie coronaire sur les autres vaisseaux coronaires. Le choix thérapeutique doit donc tenir compte du statut clinique, de la morphologie de la lésion et de l’avis du patient clairement informé des modalités de revascularisation et de leurs résultats respectifs. Dr C. Adams, PH, service de cardiologie, CH Argenteuil Five-year outcome in patients with isolated proximal left anterior descending coronary artery stenosis treated by angioplasty or left internal mammary artery grafting ; a prospective trial. Goy J.J., Eeckhout E., Moret C. et coll. ● Circulation 1999 ; 99 : 3255-9. Annonceurs EXPAND CONNEXION (RAP), p. 39 ; FOURNIER (Cholstat), p. 7 ; GLAXO WELLCOME (Bourse congrès AHA 2000, Pritor), p. 2, p. 11 ; KNOLL FRANCE (Isoptine LP), pp. 30-31 ; 10 LIPHA SANTÉ (Lodoz), p. 8 ; PFIZER (Amlor), p. 17 ; SCHERING-PLOUGH (Integrilin), pp. 22-23 ; SERVIER (Preterax), p. 40 ; WYETH LEDERLÉ (Wytens), pp. 12-13. La Lettre du Cardiologue - n° 324 - février 2000 A B S T R A C T S L’étude RALES : effets de la spironolactone sur la mortalité et la morbidité dans l’insuffisance cardiaque sévère L’aldostérone a un rôle majeur dans l’insuffisance cardiaque : diminution de la fibrose myocardique et vasculaire, diminution de l’activité sympathique, rétention potassique... Plusieurs études ont montré que, malgré un traitement par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), un échappement était observé avec une réaugmentation des taux d’aldostérone. But. Étudier les effets de la spironolactone à la posologie de 25 mg/jour chez des insuffisants cardiaques sévères recevant des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et un diurétique de l’anse. Méthode et patients. Étude randomisée, en double insu, contrôlée, multicentrique, en groupes parallèles. Les principaux critères d’inclusion étaient les suivants : insuffisants cardiaques sévères en classe III ou IV, traitement concomitant par un IEC et un diurétique de l’anse, fraction d’éjection < 35 %. Mille six cent soixante-trois patients ont été randomisés. Le tableau I indique leurs caractéristiques au début de l’étude. mortalité par progression de l’insuffisance cardiaque et de la mort subite. La réduction globale était observée quel que soit le sousgroupe spécifié a priori : sexe, classe NYHA, kaliémie initiale, utilisation de suppléments potassiques ou de bêtabloquants. Il n’a pas été observé plus de cas d’hyperkaliémie dans le groupe spironolactone, mais les gynécomasties ont été plus fréquentes que dans le groupe placebo (10 versus 1 %, p < 0,001). 1 Placebo 0,9 Spironolactone 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 Tableau I. 0 65 ± 12 27 0,4/69/31 25,2 ± 6,8 54 65 ± 12 27 0,5/72/27 25,6 ± 6,7 55 100 94 72 37 27 100 95 75 36 29 Résultats. Une réduction de 30 % de la mortalité a été observée avec la spironolactone (intervalle de confiance 0,60 à 0,82, p < 0,001) (figure 1). Le résultat était lié à une réduction de la 24 36 Mois Groupe placebo Groupe spironolactone n = 841 n = 822 Âge (ans) Femmes (%) Classe NYHA II/III/IV (%) FE (%) Étiologie ischémique (%) Traitements associés Diurétique de l’anse IEC Digitaliques Aspirine Supplémentation potassique 12 Figure 1. Courbes de survie de Kaplan-Meier. Conclusion. L’adjonction de spironolactone au traitement associant IEC et diurétique de l’anse permet une réduction de la mortalité globale, des décès cardiovasculaires, des hospitalisations cardiovasculaires (réduction de 30 %), et ce au prix de peu d’événements indésirables graves (trois cas d’hyperkaliémie versus un cas dans le groupe placebo). La spironolactone vient s’ajouter à la riche pharmacopée utilisée dans l’insuffisance cardiaque : IEC, diurétiques de l’anse, bêtabloquants, digitaliques. Ph. Duc, service de cardiologie A, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. Pitt B., Zannad F., Remme W.J., Cody R., Castaigne A., Perez A., Palenzky J., Wittes J. ● N Engl J Med 1999 ; 341 : 709-17. Les articles publiés dans “La Lettre du Cardiologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © mai1983 - EDIMARK S.A. Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois Dépôt légal 1er trimestre 2000 14 La Lettre du Cardiologue - n° 324 - février 2000