La Lettre du Cardiologue - n° 312 - mai 1999
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DIAGNOSTIC POSITIF ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
En pratique, le diagnostic de MCR est habituellement évoqué
chez un patient présentant une poussée d’insuffisance car-
diaque, une fonction systolique normale ou proche de la normale,
des pressions de remplissage ventriculaire élevées, une absence
de dilatation ventriculaire. Le diagnostic positif est conforté par
divers examens paracliniques, invasifs ou non invasifs. En l’ab-
sence d’étiologie spécifique identifiée, le diagnostic différentiel
peut être délicat : d’une part avec certaines formes de myocar-
diopathie hypertrophique, lorsque l’hypertrophie est modérée ou
minime ; d’autre part avec la péricardite chronique constrictive
(tableau I), dont l’identification est pourtant d’une grande impor-
tance du fait des possibilités de traitement chirurgical dans ce
dernier cas (décortication péricardique).
Le symptôme majeur est la dyspnée
Le symptôme majeur est la dyspnée, qu’elle se manifeste à
l’effort, qu’elle soit paroxystique nocturne ou à type d’orthopnée.
Les douleurs angineuses sont rares en dehors du contexte d’amy-
lose. Les signes droits sont habituellement présents, avec œdème
des membres inférieurs, hépatomégalie, ascite, voire anasarque.
Dans les formes avancées, tous les signes de l’insuffisance car-
diaque globale peuvent se rencontrer. L’examen physique retrouve
la turgescence des veines jugulaires, avec un signe de Kussmaul
souvent présent (augmentation de la pression veineuse jugulaire
à l’inspiration). La radiographie thoracique montre une silhouette
cardiaque avec un rapport cardio-thoracique normal, parfois une
déformation liée à une dilatation des oreillettes. L’ECG peut mon-
trer un microvoltage, un axe gauche du QRS, une fibrillation auri-
culaire et des troubles de la conduction, dont des blocs auriculo-
venriculaires.
L’examen hémodynamique
La confirmation du diagnostic de MCR reposait classiquement
sur les résultats de l’examen hémodynamique. Il montre sur la
courbe de pression ventriculaire un syndrome caractéristique
d’adiastolie avec, en début de diastole, une chute rapide et pro-
fonde de la pression, suivie d’une remontée rapide, elle-même
suivie d’un plateau en diastole précoce (aspect en dip-plateau ou
en racine carrée).
Trois éléments orientent classiquement vers une MCR et non
une péricardite constrictive : une pression de remplissage ventri-
culaire gauche supérieure d’au moins 5 mmHg à celle du ventri-
cule droit ; une pression systolique du ventricule droit élevée
(50 mmHg) ; une pression ventriculaire diastolique (plateau)
inférieure au tiers de la pression systolique. Ces différents cri-
tères diagnostiques ont été évalués par Vaitkus et coll., qui retrou-
vent une bonne valeur prédictive globale de chacun de ces cri-
tères (70 à 86 %), avec cependant une performance meilleure
vis-à-vis de la péricardite chronique constrictive (PCC) (3).
Lorsque ces trois critères sont concordants, 90% des patients qui
peuvent être classés le sont correctement (un quart des patients
ne sont pas classés) (3). Parmi les autres paramètres hémodyna-
miques, citons l’existence de pressions artérielles pulmonaires
élevées, qui est en faveur d’une MCR. La biopsie endomyocar-
dique est parfois associée à l’examen hémodynamique et peut
s’avérer particulièrement utile en identifiant certaines causes de
MCR (amylose, hémochromatose, sarcoïdose, maladie de
Fabry...).
L’échographie-doppler
L’échographie-doppler a été largement étudiée ces dernières
années et de nombreux paramètres, en particulier doppler, per-
mettent désormais de suspecter très fortement le diagnostic de
MCR. L’échographie retrouve des cavités ventriculaires de
dimensions normales et de fonction contractile normale, des
parois d’épaisseur normale ou augmentée (amylose, infiltration),
et surtout une dilatation souvent franche des deux oreillettes.
L’analyse par doppler du flux de remplissage mitral objective un
profil “restrictif” (figure 1), avec typiquement une augmentation
de la vitesse du remplissage rapide (E 1 m/s), une diminution
de la vitesse du remplissage tardif (A 0,5 m/s), une augmenta-
tion du rapport E/A ( 2), une diminution du temps de décéléra-
tion de l’onde E ( 150 ms) et une diminution du temps de relaxa-
tion isovolumétrique ( 70 ms) (4). Les autres éléments qui
confortent le syndrome d’adiastolie reposent sur l’analyse du flux
veineux pulmonaire (avec amplitude de l’onde S < onde D) et du
flux pulmonaire (aspect de dip-plateau du flux d’insuffisance pul-
monaire).
DOSSIER
Examen Myocardiopathie restrictive Péricardite chronique
constrictive
Examen physique
signe de Kussmaul** parfois signe de Kussmaul souvent
choc de pointe palpable choc de pointe non palpable
B3, parfois B4
Radiographie thoracique
absence de cardiomégalie absence de cardiomégalie
dilatation auriculaire calcification péricardique
ECG
microvoltage, axe gauche, microvoltage
ac/fa, troubles de conduction
Échographie-doppler
dilatation bi-auriculaire marquée
faibles variations respiratoires fortes variations respiratoires
–TRIV et pic E < 15 % – TRIV et pic E > 25 %
–veine pulmonaire : – veine pulmonaire :
S/D < 0,65 et pic D < 40 % S/D 0,65 et pic D 40 %
DTI : ➴pic précoce diastolique DTI : pic précoce diastolique
normal
Hémodynamique
PtdVG / PtdVD > 5 mmHg PtdVG = PtdVD
P syst. VD 50 mmHg P syst. VD < 50 mmHg
P ventri. diastole < 1/3 syst. P ventri. diastole > 1/3 syst.
HTAP PAP normale
Scintigraphie
temps survenue du pic de temps de survenue 125 ms
vitesse du remplissage > 125 ms
fraction de remplissage à 70 % fraction 65 %
de la diastole : < 65 %
contribution auriculaire au contribution auriculaire < 30 %
remplissage : > 30 %
Scanner/IRM
épaisseur normale du péricarde épaisseur augmentée
Tableau I. Diagnostic différentiel entre la MCR et la PCC*.
*Adapté de (2).
** Signe de Kussmaul : augmentation de la pression veineuse jugulaire à l’inspiration.