Les myocardiopathies restrictives D

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O S S I E R
Les myocardiopathies restrictives
● Ph. Charron*
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P O I N T S
F
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T
S
F O R T S
■ Il s’agit de la moins fréquente des trois principales catégories de myocardiopathies, et sans doute aussi de la moins
connue.
■ Le diagnostic positif et différentiel de la maladie est le
plus souvent rendu possible par l’examen échocardiographique couplé au doppler (analyse du flux mitral de remplissage, du flux veineux pulmonaire ou sous-hépatique).
■ Les étiologies sont variées et sont dominées, dans les
pays occidentaux, par l’amylose cardiaque (primitive le plus
souvent) et les formes idiopathiques.
■ Le traitement est symptomatique et peu efficace, sauf
pour certaines étiologies qui bénéficient d’un traitement
spécifique (amylose familiale, hémochromatose).
L
es myocardiopathies restrictives (MCR) sont des maladies du myocarde caractérisées avant tout par une dysfonction diastolique : le remplissage ventriculaire est
anormal, en relation avec des parois ventriculaires particulièrement rigides, aboutissant à des volumes ventriculaires diastoliques souvent diminués (1, 2). La fonction ventriculaire systolique est par contre normale, tout au moins au début de la maladie,
et l’épaisseur des parois ventriculaires est normale ou augmentée selon la cause sous-jacente.
Il s’agit de la moins fréquente des trois principales catégories de
myocardiopathies (avec les myocardiopathies dilatées et hypertrophiques). C’est sans doute aussi la moins connue, en raison
non seulement de sa rareté mais également des difficultés parfois
rencontrées à établir le diagnostic et en raison de la multiplicité
des étiologies possibles, responsable de la grande hétérogénéité
clinique.
La présente revue s’efforcera de faire le point sur les données les
plus récentes, qui portent sur le diagnostic positif et différentiel
de la maladie et sur la meilleure connaissance des différentes
causes.
* Service de cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 312 - mai 1999
Courbe de péricardite.
21
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DIAGNOSTIC POSITIF ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
En pratique, le diagnostic de MCR est habituellement évoqué
chez un patient présentant une poussée d’insuffisance cardiaque, une fonction systolique normale ou proche de la normale,
des pressions de remplissage ventriculaire élevées, une absence
de dilatation ventriculaire. Le diagnostic positif est conforté par
divers examens paracliniques, invasifs ou non invasifs. En l’absence d’étiologie spécifique identifiée, le diagnostic différentiel
peut être délicat : d’une part avec certaines formes de myocardiopathie hypertrophique, lorsque l’hypertrophie est modérée ou
minime ; d’autre part avec la péricardite chronique constrictive
(tableau I), dont l’identification est pourtant d’une grande importance du fait des possibilités de traitement chirurgical dans ce
dernier cas (décortication péricardique).
Tableau I. Diagnostic différentiel entre la MCR et la PCC*.
Examen
Myocardiopathie restrictive
signe de Kussmaul** parfois
choc de pointe palpable
B3, parfois B4
Radiographie thoracique absence de cardiomégalie
dilatation auriculaire
ECG
microvoltage, axe gauche,
ac/fa, troubles de conduction
Échographie-doppler
dilatation bi-auriculaire marquée
faibles variations respiratoires
– TRIV et pic E < 15 %
– veine pulmonaire :
S/D < 0,65 et pic D < 40 %
DTI : ➴ pic précoce diastolique
Examen physique
Péricardite chronique
constrictive
signe de Kussmaul souvent
choc de pointe non palpable
absence de cardiomégalie
calcification péricardique
microvoltage
fortes variations respiratoires
– TRIV et pic E > 25 %
– veine pulmonaire :
S/D 0,65 et pic D 40 %
DTI : pic précoce diastolique
normal
Hémodynamique
PtdVG / PtdVD > 5 mmHg
P syst. VD 50 mmHg
P ventri. diastole < 1/3 syst.
HTAP
PtdVG = PtdVD
P syst. VD < 50 mmHg
P ventri. diastole > 1/3 syst.
PAP normale
Scintigraphie
temps survenue du pic de
vitesse du remplissage > 125 ms
fraction de remplissage à 70 %
de la diastole : < 65 %
contribution auriculaire au
remplissage : > 30 %
temps de survenue 125 ms
Scanner/IRM
épaisseur normale du péricarde
fraction 65 %
contribution auriculaire < 30 %
épaisseur augmentée
* Adapté de (2).
** Signe de Kussmaul : augmentation de la pression veineuse jugulaire à l’inspiration.
Le symptôme majeur est la dyspnée
Le symptôme majeur est la dyspnée, qu’elle se manifeste à
l’effort, qu’elle soit paroxystique nocturne ou à type d’orthopnée.
Les douleurs angineuses sont rares en dehors du contexte d’amylose. Les signes droits sont habituellement présents, avec œdème
des membres inférieurs, hépatomégalie, ascite, voire anasarque.
Dans les formes avancées, tous les signes de l’insuffisance cardiaque globale peuvent se rencontrer. L’examen physique retrouve
22
la turgescence des veines jugulaires, avec un signe de Kussmaul
souvent présent (augmentation de la pression veineuse jugulaire
à l’inspiration). La radiographie thoracique montre une silhouette
cardiaque avec un rapport cardio-thoracique normal, parfois une
déformation liée à une dilatation des oreillettes. L’ECG peut montrer un microvoltage, un axe gauche du QRS, une fibrillation auriculaire et des troubles de la conduction, dont des blocs auriculovenriculaires.
L’examen hémodynamique
La confirmation du diagnostic de MCR reposait classiquement
sur les résultats de l’examen hémodynamique. Il montre sur la
courbe de pression ventriculaire un syndrome caractéristique
d’adiastolie avec, en début de diastole, une chute rapide et profonde de la pression, suivie d’une remontée rapide, elle-même
suivie d’un plateau en diastole précoce (aspect en dip-plateau ou
en racine carrée).
Trois éléments orientent classiquement vers une MCR et non
une péricardite constrictive : une pression de remplissage ventriculaire gauche supérieure d’au moins 5 mmHg à celle du ventricule droit ; une pression systolique du ventricule droit élevée
( 50 mmHg) ; une pression ventriculaire diastolique (plateau)
inférieure au tiers de la pression systolique. Ces différents critères diagnostiques ont été évalués par Vaitkus et coll., qui retrouvent une bonne valeur prédictive globale de chacun de ces critères (70 à 86 %), avec cependant une performance meilleure
vis-à-vis de la péricardite chronique constrictive (PCC) (3).
Lorsque ces trois critères sont concordants, 90% des patients qui
peuvent être classés le sont correctement (un quart des patients
ne sont pas classés) (3). Parmi les autres paramètres hémodynamiques, citons l’existence de pressions artérielles pulmonaires
élevées, qui est en faveur d’une MCR. La biopsie endomyocardique est parfois associée à l’examen hémodynamique et peut
s’avérer particulièrement utile en identifiant certaines causes de
MCR (amylose, hémochromatose, sarcoïdose, maladie de
Fabry...).
L’échographie-doppler
L’échographie-doppler a été largement étudiée ces dernières
années et de nombreux paramètres, en particulier doppler, permettent désormais de suspecter très fortement le diagnostic de
MCR. L’échographie retrouve des cavités ventriculaires de
dimensions normales et de fonction contractile normale, des
parois d’épaisseur normale ou augmentée (amylose, infiltration),
et surtout une dilatation souvent franche des deux oreillettes.
L’analyse par doppler du flux de remplissage mitral objective un
profil “restrictif” (figure 1), avec typiquement une augmentation
de la vitesse du remplissage rapide (E 1 m/s), une diminution
de la vitesse du remplissage tardif (A 0,5 m/s), une augmentation du rapport E/A ( 2), une diminution du temps de décélération de l’onde E ( 150 ms) et une diminution du temps de relaxation isovolumétrique ( 70 ms) (4). Les autres éléments qui
confortent le syndrome d’adiastolie reposent sur l’analyse du flux
veineux pulmonaire (avec amplitude de l’onde S < onde D) et du
flux pulmonaire (aspect de dip-plateau du flux d’insuffisance pulmonaire).
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onde E
onde E
onde A
onde A
Flux mitral
TDE
TDE
TRIV
TRIV
onde S
onde D
onde D
onde S
Flux veineux pulmonaire
onde A
Profil normal
onde A
Syndrome restrictif
Figure 1. Analyse par doppler du flux de remplissage mitral.
Le diagnostic différentiel entre la MCR et la PCC repose essentiellement sur l’analyse des variations respiratoires des flux sanguins. L’inspiration entraîne une diminution des pressions intrathoraciques, d’où une augmentation du retour veineux, avec par
conséquent une augmentation plus rapide des pressions de remplissage du cœur droit. Dans la PCC, du fait des contraintes péricardiques importantes (qui limitent l’expansion du ventricule
droit) et de l’augmentation de l’interdépendance VG-VD, l’inspiration va majorer le mouvement anormal du septum et limiter
plus précocement le remplissage du VG, aboutissant à une diminution des flux du cœur gauche. Dans la MCR, l’absence de
contrainte péricardique et la faible interdépendance VD-VG (du
fait d’un septum peu compliant) expliquent le peu de conséquences qu’a le cycle respiratoire sur le remplissage du ventricule gauche. Les paramètres les plus utiles pour distinguer la
MCR de la PCC sont : le pic de l’onde E du flux mitral de remplissage, la mesure du TRIV (temps de relaxation isovolumique)
et l’analyse du flux veineux pulmonaire en échographie transœsophagienne. Dans la MCR, les variations respiratoires du pic de
l’onde E et du TRIV restent < 15 % (> 25 % dans la PCC : diminution du pic de E et augmentation du TRIV en inspiration) (5).
L’étude du flux veineux pulmonaire retrouve, de la même façon,
une variation modeste du flux diastolique dans la MCR
( moyenne 16 %) et notable dans la PCC ( moyenne 29 %) (6).
De plus, le rapport flux systolique/flux diastolique, mesuré en
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inspiration ou bien en expiration, est plus élevé dans la PCC
(moyenne 0,9) que dans la MCR (moyenne 0,4). Parmi les autres
données, citons l’analyse du flux veineux sus-hépatique, qui permet également de suspecter une MCR devant une onde S très
diminuée, voire inversée (se majorant en inspiration). Enfin, la
plus intéressante des études échographiques récentes est sans
doute celle de Garcia et coll., qui a étudié par doppler tissulaire
(DTI) deux groupes de patients (MCR, PCC) ainsi que des sujets
contrôles (7). L’hypothèse sous-jacente, qui s’est vérifiée, était
que la dysfonction diastolique de la MCR résultait d’une atteinte
intrinsèque du myocarde, alors que celle de la PCC résultait d’une
cause extrinsèque. Le paramètre étudié était la mesure du pic précoce de vélocité diastolique de l’axe longitudinal du cœur (volume
d’échantillonnage sur la partie latérale de l’anneau mitral). Il s’est
avéré très abaissé dans le groupe MCR (5,1 ± 1,4 m/s), alors que
dans le groupe PCC, il était comparable à celui du groupe contrôle
(14,8 ± 4,8 versus 14,5 ± 4,7).
Enfin, d’autres examens peuvent aider au diagnostic différentiel,
comme la scintigraphie myocardique (temps au “peak filling
rate”, pourcentage du remplissage qui se fait dans la première
partie de la diastole, contribution auriculaire au remplissage) (8),
le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM), en
analysant l’épaisseur du péricarde (normale dans les MCR), ou
bien encore l’analyse de la réserve coronaire (décélération du flux
diastolique) (9).
.../...
23
D
.../...
L’évolution est variable, en particulier selon l’étiologie sousjacente. Le pronostic est cependant globalement mauvais à partir du moment où les symptômes apparaissent, avec une évolution progressive vers l’insuffisance cardiaque réfractaire. Le
traitement est le plus souvent uniquement symptomatique, et parfois de maniement difficile (amylose).
FORMES ÉTIOLOGIQUES
Les causes de MCR sont très variées (tableau II), mais les étiologies sont dominées dans les pays occidentaux par l’amylose, et
dans les pays tropicaux, par la fibrose endomyocardique.
Tableau II. Classification des causes de myocardiopathie restrictive.
1. Maladies myocardiques
❏ Non infiltratives
Myocardiopathies idiopathiques* (familiales ou non)
Connectivites (sclérodermie*)
Myocardiopathie diabétique
Pseudo-xanthome élastique
❏ Infiltratives (acquises)
Amylose*
Sarcoïdose*
❏ Par surcharge (congénitales)
Hémochromatose*
Maladie de Fabry (sphingolipidose)
Maladie de Gaucher (glucocérébrosidose)
Maladie de Hurler (mucopolysaccharidose)
Glycogénoses
2. Maladies endomyocardiques
Fibrose endomyocardique* et syndrome hyperéosinophilique
Syndrome carcinoïde
Radiothérapie médiastinale
Toxicité médicamenteuse
(anthracyclines*, dérivés ergot de seigle, sérotonine, busulfan).
Adapté de (2).
* Désigne les pathologies les plus fréquentes.
Amylose cardiaque
Des progrès ont été récemment réalisés dans la connaissance des
différentes étiologies d’amylose et aussi dans la prise en charge
thérapeutique, qui diffère selon la cause sous-jacente. Parmi les
très nombreuses formes d’amylose humaine, celles qui impliquent
le cœur sont nettement dominées par l’amylose primitive (AL)
liée à un dépôt de chaînes légères d’immunoglobuline, habituellement en rapport avec un myélome multiple. Les deux autres types
d’amylose cardiaque sont l’amylose familiale et l’amylose sénile.
L’amylose familiale se transmet selon un mode autosomique
dominant. Elle associe une localisation cardiaque (inconstante et
souvent tardive après l’âge de 35 ans) et surtout des signes de
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neuropathie périphérique (avec une atteinte fréquente du système
nerveux autonome). Le gène responsable code pour la transthyrétine (TTR) (10), anciennement appelée préalbumine, protéine
synthétisée par le foie et transportant la thyroxine et le rétinol
dans la circulation sanguine. Plus de 50 mutations ont été identifiées. Il s’agit de mutations faux-sens, dont la plus fréquente est
la TTR Met30. La fréquence de ce type d’amylose était largement sous-estimée jusqu’alors, et toute amylose cardiaque non
associée à des dépôts de chaînes légères doit faire rechercher une
amylose génétique, car les signes de neuropathie sont parfois
frustes et le contexte familial pas toujours identifié. La confirmation du diagnostic se fait par immunohistochimie du tissu biopsié (anticorps anti-TTR) ou par identification de la mutation dans
le gène TTR. Bien établir le diagnostic est important puisque l’on
dispose d’un traitement efficace (même s’il est lourd) : la transplantation hépatique (± associée à une greffe cardiaque).
L’amylose sénile, quant à elle, est rarement identifiée du vivant
du patient. Elle ne comporte pas de manifestations extracardiaques. Elle est due à des dépôts de facteur atrial natriurétique
et de transthyrétine (non mutée) ; il n’existe pas de traitement
efficace.
Le diagnostic d’amylose cardiaque primitive (AL) est évoqué
devant les manifestations systémiques de la maladie et l’aspect
échographique du cœur (hypertrophie importante, texture myocardique brillante et granitée, épaississement du septum interauriculaire...). La confirmation est donnée par la biopsie (graisse
abdominale, rectum, gencive, endomyocarde...), qui retrouve la
substance amyloïde (avec typage par immunohistochimie), et par
l’identification d’une gammapathie monoclonale. Cette amylose
est caractérisée par un pronostic excessivement péjoratif, avec
une médiane de survie d’environ un an (11), et même inférieure
à 6 mois une fois les symptômes cardiaques survenus (12).
Outre le stade NYHA, divers paramètres échographiques se sont
révélés comme de bons marqueurs pronostiques : le pronostic est
d’autant plus péjoratif que l’épaisseur des parois VG est importante (médiane de survie : 0,4 an si 15 mm versus 2,4 ans si
12 mm) (11), que la fraction de raccourcissement est abaissée,
que le flux de remplissage mitral est de type restrictif, avec un
temps de décélération de l’onde E court (49 % de survie à un an
si TDE 150 ms versus 92 % si > 150 ms) ou un rapport E/A
élevé (> 2,1) (13).
Les modalités thérapeutiques sont difficiles avec un traitement
symptomatique de maniement délicat, en raison des hypotensions
artérielles fréquente sous diurétiques ou vasodilatateurs, et de fréquents troubles de la conduction ou du rythme sous digitaliques.
Le traitement spécifique fait appel à la chimiothérapie par melphalan et prednisone, en plus de la colchicine. Son efficacité est
maintenant démontrée dans l’amylose systémique (12, 14). L’efficacité est plus discutée en présence d’une localisation cardiaque,
démontrée (12) ou non démontrée (14), et la survie reste de toute
façon très réduite chez ces patients. La transplantation cardiaque
apparaît contre-indiquée en raison de récidives sur le greffon et
surtout de la progression de la maladie dans les autres localisations, expliquant une survie réduite (39 % à 48 mois) (15). Les
espoirs actuels reposent sur l’autogreffe de moelle, après conditionnement par melphalan, qui nécessite une évaluation plus
approfondie.
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Fibrose endomyocardique et syndrome hyperéosinophilique
Ces deux pathologies, longtemps considérées comme des entités
distinctes, sont probablement deux formes de la même maladie,
en relation avec la libération de substances toxiques par les polynucléaires éosinophiles. La myocardiopathie éosinophilique de
Loeffler se rencontre essentiellement dans les pays tempérés après
une période prolongée d’hyperéosinophilie. La fibrose endomyocardique survient avant tout dans les pays tropicaux humides,
où elle est responsable de plus de 10 % de la mortalité cardiaque.
La maladie est caractérisée par un épaississement endocardique
fibreux de l’apex, de la chambre de chasse et des valves atrioventriculaires du VG et/ou du VD. La cavité ventriculaire se
trouve progressivement comblée par la fibrose, à l’origine d’un
syndrome restrictif. Une fuite mitrale et/ou tricuspide est souvent
présente, et un thrombus apical est parfois associé. Le traitement
est surtout symptomatique. Au stade initial de myocardite éosinophilique, une amélioration est parfois obtenue avec les corticoïdes ou l’hydroxyurée. Au stade plus tardif de fibrose endomyocardique, le traitement peut être chirurgical, avec excision de
l’endocarde fibrosé, plastie mitrale ou remplacement valvulaire.
Hémochromatose
La cardiopathie se présente sous la forme d’un VG dilaté aux
parois épaissies avec dysfonction systolique habituellement associée. La surcharge en fer est responsable d’une hépatomégalie
avec insuffisance hépatocellulaire, d’un diabète, d’un hypogonadisme avec impuissance, d’une hyperpigmentation cutanée et
d’une arthropathie. Cette maladie se transmet selon un mode
autosomique récessif, et le gène responsable a récemment été
identifié : il s’agit du gène HFE, qui appartient à la famille des
protéines du complexe majeur d’histocompatibilité (16). La mutation Cys282Tyr est largement prédominante, puisqu’elle rend
compte de près de 90 % des cas d’hémochromatose familiale. Le
diagnostic d’hémochromatose est fortement suspecté sur la base
d’une ferritinémie élevée, et confirmé par la biopsie ou l’identification directe de la mutation. Le traitement est efficace et repose
sur des saignées répétées et/ou sur l’utilisation de chélateurs du
fer (desferrioxamine).
La myocardiopathie restrictive idiopathique
Les formes idiopathiques de MCR sont, par définition, un
diagnostic d’élimination. Elles sont relativement fréquentes et
représentent, par exemple, près de 40 % des MCR dans la série
de Katrisis et coll. (17). La maladie est caractérisée par des cavités ventriculaires de taille normale. Les parois sont d’épaisseur
normale, la fonction systolique est habituellement conservée, il
existe une dilatation importante des deux oreillettes, les pressions
de remplissage sont élevées et les courbes de pressions retrouvent souvent, mais pas toujours, les anomalies hémodynamiques
d’adiastolie par MCR. Chez l’enfant, le pronostic se révèle moins
bon que chez l’adulte, surtout après l’apparition des premiers
symptômes, avec une survie actuarielle inférieure à 5 % à deux
ans de suivi (18). Chez l’adulte, le pronostic apparaît plus variable,
avec une majorité de patients qui survit plus de 10 ans (50 % de
décès à 10 ans, in 17). Le décès est presque toujours dû à une
insuffisance cardiaque réfractaire, plus rarement à une mort
subite, dans le cas particulier des formes familiales de MCR.
Plusieurs formes familiales ont en effet été rapportées (30 %
des cas de MCR idiopathique dans la série de Katrisis). Le mode
de transmission s’avère autosomique dominant, et le tableau clinique est caractérisé par la fréquence des blocs auriculo-ventriculaires (souvent de troisième degré) ainsi que par l’apparition tardive d’une myopathie squelettique peu invalidante (19). L’analyse
histologique du tissu myocardique et squelettique retrouve des
signes non spécifiques. Toutefois, dans certaines de ces formes de
MCR, l’analyse ultrastructurale par microscopie électronique et
par immunohistochimie a montré une accumulation intramyocytaire anormale et importante de desmine, suggérant une anomalie
dans un gène interagissant avec celui de la desmine (le séquençage
du gène de la desmine lui-même n’a pas montré de mutation) (20).
CONCLUSION
L’analyse minutieuse de l’échographie-doppler cardiaque permet le plus souvent de porter le diagnostic de myocardiopathie
restrictive (diagnostic positif et différentiel). Les causes sont multiples (souvent évoquées par le contexte extracardiaque) et les
modalités évolutives variées, mais l’enquête étiologique doit
être minutieuse, car des thérapeutiques spécifiques sont parfois
■
disponibles.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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AUTOQUESTIONNAIRE
FMC
1. Parmi les signes échographiques suivants, lesquels évoquent un syndrome d’adiastolie :
a . un temps de décélération de E < 150 ms (flux mitral de remplissage)
b . un rapport E/A < 1 (flux mitral de remplissage)
c . un temps de relaxation isovolumétrique < 70 ms
d . une amplitude de l’onde S < onde D sur le flux veineux pulmonaire
2. Parmi les signes suivants, lesquels sont en faveur d’une MCR et non d’une péricardite chronique constrictive ?
a . la présence de troubles de la conduction auriculoventriculaire marqués
b . l’absence de dilatation des oreillettes en échographie
c . de fortes variations respiratoires du pic de E et du TRIV en doppler
d . la différence de pression VG/VD en télédiastole est > 5 mmHg
e . le plateau de pression diastolique ventriculaire est < un tiers de la pression systolique
3. Parmi les affirmations suivantes sur l’amylose, lesquelles sont vraies :
a . l’efficacité de la chimiothérapie par melphalan est démontrée dans l’amylose primitive avec localisation cardiaque
b . le degré d’hypertrophie et le profil restrictif sont deux facteurs pronostiques de l’amylose primitive
c . la transplantation cardiaque n’est pas indiquée dans l’amylose primitive
d . l’amylose familiale est liée à une mutation du gène de la transthyrétine
e . le traitement de l’amylose familiale consiste en une transplantation hépatique
Réponses : 1. a, c, d (le rapport E/A est > 1 dans l’adiastolie) ;
2. a, d, e (la dilatation auriculaire est marquée dans la MCR ;
les variations respiratoires du flux mitral sont, au contraire,
modestes) ;
3. b, c, d, e (l’efficacité de la chimiothérapie est démontrée dans
l’amylose primitive en l’absence de localisation cardiaque ou rénale).
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