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Amylose cardiaque
Particularités cliniques et aspects échocardiographiques
● M. Mokhtari, Y. Hemery, O. Varenne, L. Doutrelant, H. Bouali, L. Cabanes, S. Weber*
PRÉSENTATION CLINIQUE
Monsieur D., âgé de cinquante ans, ayant comme antécédent une
isthmectomie de la thyroïde sur adénome, et sous opothérapie
substitutive depuis l’intervention, nous est adressé pour une dyspnée d’effort évoluant depuis six mois. La pression artérielle est
normale, sans hypotension orthostatique. L’examen clinique note
un galop gauche, sans autre signe d’insuffisance cardiaque.
L’électrocardiogramme s’inscrit en rythme sinusal, avec bloc de
branche droit incomplet et ischémie sous-épicardique en latéral.
Le bilan biologique est sans particularité ; la fonction rénale est
normale. L’échographie cardiaque par voie transthoracique note
une hypertrophie concentrique touchant les deux ventricules. Le
myocarde a un aspect scintillant évocateur d’amylose cardiaque
(figure 1). La fonction systolique globale et segmentaire ventriculaire gauche est normale. Il existe un épanchement péricardique
de faible abondance, sans critère de compression (figure 2). Le
profil doppler transmitral est restrictif (type 2), avec un temps de
relaxation isovolumique (TRIV) raccourci, une grande onde E,
un rapport E/A > 1 (figure 3) et un temps de décélération mitral
également très court. La coronarographie est normale, ainsi que
la ventriculographie gauche. Le diagnostic d’amylose est
confirmé par la biopsie rectale, qui retrouve des dépôts de substance amyloïde AL.
Figure 2. Échographie transthoracique bidimensionnelle (vue apicale
quatre cavités). Hypertrophie concentrique du myocarde avec aspect
typique scintillant particulièrement visible au niveau du septum. Épanchement péricardique de faible abondance, sans signe de compression.
Pas de dilatation auriculaire retrouvée.
Figure 3. Doppler continu transmitral. Aspect de flux restrictif typique,
avec onde E prédominante et rapport E/A > 1. Le temps de relaxation isovolumique est raccourci.
GÉNÉRALITÉS SUR LES AMYLOSES
Figure 1. Échographie transthoracique bidimensionnelle (vue parasternale grand axe). Hypertrophie ventriculaire gauche et aspect scintillant
des parois myocardiques. Épaississement des feuillets valvulaires
mitraux, épanchement péricardique en regard du ventricule droit.
* Service de cardiologie, hôpital Cochin, Paris.
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On distingue les amyloses primitives, secondaires, héréditaires
et associées aux dysglobulinémies. L’amylose primitive touche
volontiers le cœur et est de mauvais pronostic. La substance amyloïde se situe au niveau des espaces intercellulaires. Les marquages histologiques mettent en évidence une substance amyloïde composée de protéine AL. L’amylose secondaire se voit
La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
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dans les affections inflammatoires ou malignes chroniques. La
substance amyloïde est la substance AA. L’amylose associée aux
dysglobulinémies se rencontre dans les gammapathies monoclonales bénignes ou malignes. La substance amyloïde responsable
est la substance AL (1).
L’AMYLOSE CARDIAQUE
Les manifestations cardiaques sont essentiellement le fait des
amyloses primitives. L’amylose cardiaque est plus fréquente chez
l’homme, et survient plus volontiers après 50 ans. La présentation clinique est généralement celle d’une cardiomyopathie restrictive (2). Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont alors
prédominants, mais les patients peuvent aussi se présenter en
insuffisance cardiaque congestive par dysfonction systolique,
associée parfois à une coronaropathie. Dans 10 % des cas enfin,
le tableau est celui d’une hypotension orthostatique isolée, liée,
selon toute vraisemblance, à l’infiltration amyloïde du système
nerveux autonome. Des douleurs thoraciques pseudo angineuses
sont aussi signalées. Dans la forme habituelle, l’examen clinique
est dominé par la présence de signes droits, associés à un galop
protodiastolique. Un quatrième bruit est rare, du fait de l’infiltration des oreillettes. Les patients sont typiquement normo- ou
hypotendus. Le cœur est de taille normale dans la forme restrictive, mais il peut exister une cardiomégalie en cas de dysfonction
systolique, moins importante cependant que ne le laisserait supposer la défaillance clinique. Il existe alors une congestion pulmonaire, et les épanchements pleuraux sont fréquents. L’électrocardiogramme est rarement normal : le microvoltage est noté
chez 50 % des malades, les ondes R sont rabotées, voire absentes,
dans les précordiales, des ondes Q de pseudo-nécrose peuvent
être observées en l’absence d’infarctus dans les dérivations inférieures. Une déviation axiale gauche du QRS est commune. Le
patient peut être en fibrillation auriculaire ; les arythmies ventriculaires complexes sont fréquentes, et parfois responsables de
mort subite. Différents troubles de la conduction auriculoventriculaire ont également été signalés.
L’ÉCHO-DOPPLER CARDIAQUE DANS L’AMYLOSE
L’échographie transthoracique est l’élément clé fournissant des
éléments diagnostiques et pronostiques. Elle montre une hypertrophie pariétale généralement concentrique concernant le ventricule gauche (VG) et le ventricule droit. La cavité ventriculaire
gauche reste de petite taille (< 45 mm). On est souvent frappé par
l’aspect particulier, brillant et granité des parois ventriculaires.
La dilatation des oreillettes est également évocatrice (la taille des
oreillettes est parfois supérieure à celle des ventricules). L’épanchement péricardique est présent dans 50 % des cas, le plus souvent bien toléré. L’atteinte de la fonction diastolique du VG est
précoce : trouble initial de la relaxation évoluant ensuite, en fonction de la gravité de l’affection, vers un profil restrictif (3). L’altération de la fonction systolique est plutôt rencontrée dans les
formes sévères et tardives.
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La présentation est parfois atypique : dans une série de
132 patients porteurs d’une amylose documentée, l’équipe de la
Mayo Clinic conclut à un examen normal dans 19 % des cas et à
un aspect de dilatation du VG > 55 mm dans 4 % des cas. L’hypertrophie des parois peut prédominer sur le septum et déterminer une obstruction dynamique (4). Enfin, un thrombus ventriculaire ou auriculaire est une complication non exceptionnelle.
Les données de l’échocardiographie ont aussi une valeur pronostique. L’espérance de vie est corrélée à l’importance de l’hypertrophie des parois et à l’altération de la fonction VG systolique, évaluée par la fraction de raccourcissement (5). Plus
récemment, la valeur pronostique défavorable d’un profil de remplissage de type restrictif à été prouvée. L’analyse de la valeur du
temps de décélération de l’onde E (TDE) est discriminative, avec
une mortalité à un an de 51 % dans le groupe avec TDE < 150 ms,
contre 8 % dans le groupe avec TDE > 150 ms (3). La survenue
d’une dilatation du ventricule droit au cours de l’évolution de
l’affection est également un critère particulièrement péjoratif (6).
En revanche, les données strictement échocardiographiques ne
permettent pas de trancher entre les différents types d’amylose
AL et AA, dont le pronostic est très différent.
L’amylose est donc une affection non exceptionnelle, grave, dont
le diagnostic peut être fortement suspecté à l’échographie transthoracique couplée au doppler. L’échographie permet en outre de
stratifier les patients dont l’évolution est la plus péjorative, sans
que la stratégie thérapeutique soit alors clairement établie dans
l’état actuel de nos connaissances.
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Herson S., Étienne S.D. Amyloses. In : Godeau P., Herson S., Piette J.C. (éds).
Traité de médecine. Flammarion, Médecines-Sciences, Paris. 4e éd. ; 270-6.
2. Wynne J., Braunwald E. The cardiomyopathies and myocardities : toxic, chemical, and physical damage to the heart. Amyloidosis. In : Braunwald E. (ed.).
Heart disease : a textbook of cardiovascular medicine. W.B. Saunders,
Philadelphie. 4e éd. ; 1416-9.
3. Klein A.L., Hatle L.K., Taliercio C.P. et coll. Prognostic significance of doppler measures of diastolic function in cardiac amyloidosis. Circulation 1991 ; 83 :
808-16.
4. Oh J.K.,Tajik A.J., Edwards W.D. et coll. Dynamic left ventricular outflow tract
obstruction in cardiac amyloidosis detected by continuous-wave doppler echocardiography. Am J Cardiol 1987 ; 59 : 1008-10.
5. Cueto-Garcia L., Reeder G.S., Kyle R.A. et coll. Echocardiographic findings in
systemic amyloidosis : spectrum of involvement and relation to survival. J Am
Coll Cardiol 1985 ; 6 : 737-43.
6. Patel A.R., Dubrey S.W., Mendes L.A. et coll. Right ventricular dilatation in
primary amyloidosis : an independent predictor of survival. Am J Cardiol 1997 ;
80 : 486-92.
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