La Lettre du Cardiologue - n° 317 - septembre 1999
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CAS CLINIQUE
dans les affections inflammatoires ou malignes chroniques. La
substance amyloïde est la substance AA. L’amylose associée aux
dysglobulinémies se rencontre dans les gammapathies monoclo-
nales bénignes ou malignes. La substance amyloïde responsable
est la substance AL (1).
L’AMYLOSE CARDIAQUE
Les manifestations cardiaques sont essentiellement le fait des
amyloses primitives. L’amylose cardiaque est plus fréquente chez
l’homme, et survient plus volontiers après 50 ans. La présenta-
tion clinique est généralement celle d’une cardiomyopathie res-
trictive (2). Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont alors
prédominants, mais les patients peuvent aussi se présenter en
insuffisance cardiaque congestive par dysfonction systolique,
associée parfois à une coronaropathie. Dans 10 % des cas enfin,
le tableau est celui d’une hypotension orthostatique isolée, liée,
selon toute vraisemblance, à l’infiltration amyloïde du système
nerveux autonome. Des douleurs thoraciques pseudo angineuses
sont aussi signalées. Dans la forme habituelle, l’examen clinique
est dominé par la présence de signes droits, associés à un galop
protodiastolique. Un quatrième bruit est rare, du fait de l’infil-
tration des oreillettes. Les patients sont typiquement normo- ou
hypotendus. Le cœur est de taille normale dans la forme restric-
tive, mais il peut exister une cardiomégalie en cas de dysfonction
systolique, moins importante cependant que ne le laisserait sup-
poser la défaillance clinique. Il existe alors une congestion pul-
monaire, et les épanchements pleuraux sont fréquents. L’élec-
trocardiogramme est rarement normal : le microvoltage est noté
chez 50 % des malades, les ondes R sont rabotées, voire absentes,
dans les précordiales, des ondes Q de pseudo-nécrose peuvent
être observées en l’absence d’infarctus dans les dérivations infé-
rieures. Une déviation axiale gauche du QRS est commune. Le
patient peut être en fibrillation auriculaire ; les arythmies ventri-
culaires complexes sont fréquentes, et parfois responsables de
mort subite. Différents troubles de la conduction auriculoventri-
culaire ont également été signalés.
L’ÉCHO-DOPPLER CARDIAQUE DANS L’AMYLOSE
L’échographie transthoracique est l’élément clé fournissant des
éléments diagnostiques et pronostiques. Elle montre une hyper-
trophie pariétale généralement concentrique concernant le ven-
tricule gauche (VG) et le ventricule droit. La cavité ventriculaire
gauche reste de petite taille (< 45 mm). On est souvent frappé par
l’aspect particulier, brillant et granité des parois ventriculaires.
La dilatation des oreillettes est également évocatrice (la taille des
oreillettes est parfois supérieure à celle des ventricules). L’épan-
chement péricardique est présent dans 50 % des cas, le plus sou-
vent bien toléré. L’atteinte de la fonction diastolique du VG est
précoce : trouble initial de la relaxation évoluant ensuite, en fonc-
tion de la gravité de l’affection, vers un profil restrictif (3). L’al-
tération de la fonction systolique est plutôt rencontrée dans les
formes sévères et tardives.
La présentation est parfois atypique : dans une série de
132 patients porteurs d’une amylose documentée, l’équipe de la
Mayo Clinic conclut à un examen normal dans 19 % des cas et à
un aspect de dilatation du VG > 55 mm dans 4 % des cas. L’hy-
pertrophie des parois peut prédominer sur le septum et détermi-
ner une obstruction dynamique (4). Enfin, un thrombus ventri-
culaire ou auriculaire est une complication non exceptionnelle.
Les données de l’échocardiographie ont aussi une valeur pro-
nostique. L’espérance de vie est corrélée à l’importance de l’hy-
pertrophie des parois et à l’altération de la fonction VG systo-
lique, évaluée par la fraction de raccourcissement (5). Plus
récemment, la valeur pronostique défavorable d’un profil de rem-
plissage de type restrictif à été prouvée. L’analyse de la valeur du
temps de décélération de l’onde E (TDE) est discriminative, avec
une mortalité à un an de 51 % dans le groupe avec TDE < 150 ms,
contre 8 % dans le groupe avec TDE > 150 ms (3).
La survenue
d’une dilatation du ventricule droit au cours de l’évolution de
l’affection est également un critère particulièrement péjoratif (6).
En revanche, les données strictement échocardiographiques ne
permettent pas de trancher entre les différents types d’amylose
AL et AA, dont le pronostic est très différent.
L’amylose est donc une affection non exceptionnelle, grave, dont
le diagnostic peut être fortement suspecté à l’échographie trans-
thoracique couplée au doppler. L’échographie permet en outre de
stratifier les patients dont l’évolution est la plus péjorative, sans
que la stratégie thérapeutique soit alors clairement établie dans
l’état actuel de nos connaissances. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Philadelphie. 4eéd. ; 1416-9.
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4. Oh J.K.,Tajik A.J., Edwards W.D. et coll. Dynamic left ventricular outflow tract
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cardiography. Am J Cardiol 1987 ; 59 : 1008-10.
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