DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999204
lésion une marge de sécurité de 1 cm, le diamètre de la plaie opéra-
toire va atteindre 5 cm, ce qui fait qu’il va être de plus en plus diffi-
cile d’obtenir une marge de sécurité périphérique correcte dans des
conditions techniques acceptables, en cas de tumeur de plus de 3 cm.
L’aspect macroscopique de la lésion
La plupart des auteurs insistent sur le caractère péjoratif des
lésions ulcérées par rapport aux lésions exophytiques, cet aspect
étant corrélé, semble-t-il, à l’envahissement ganglionnaire. Dans
la série de Reed et coll. (7), sur 32 patients traités pour petits can-
cers du rectum par contacthérapie, 22 patients présentaient une
tumeur polypoïde, 5 une tumeur sessile et 5 une tumeur ulcérée.
Avec un recul de 43 mois, 4 des 5 patients (80 %) avec une tumeur
ulcérée ont présenté une récidive locale alors que seulement 4 des
27 autres (15 %) ont récidivé. Malgré tout, le caractère ulcéré
d’une tumeur ne semble pas contre-indiquer formellement un trai-
tement local mais mérite réflexion.
L’infiltration en profondeur
L’envahissement ganglionnaire est corrélé à l’infiltration en pro-
fondeur de la tumeur pour la plupart des auteurs. Il n’est pas nul
pour les cancers limités à la muqueuse et à la sous-muqueuse,
puisque Huddy et coll. (8) retrouvaient 11 % d’envahissements
ganglionnaires pour des cancers limités à la sous-muqueuse contre
30 % pour les cancers atteignant en profondeur la musculeuse.
Cette différence n’était pas statistiquement significative. Pour
Billingham (9), à propos d’une série multicentrique, l’envahis-
sement ganglionnaire était directement corrélé à l’infiltration en
profondeur de la tumeur, puisqu’il retrouvait un taux d’envahis-
sement ganglionnaire de 12 % pour les lésions limitées à la sous-
muqueuse, 35 % pour les lésions limitées à la musculeuse et 44 %
pour les lésions qui dépassaient la musculeuse.
Il semble, à l’heure actuelle, que l’écho-endoscopie puisse per-
mettre de déterminer avec une précision importante l’extension
en profondeur de la lésion et dans la série de Solomon et Mac
Leod (10), cet examen présentait une valeur prédictive positive
de 84 % pour les T2 et de 95 % pour les T1.
La différenciation histologique
Pour la plupart des auteurs (6), le grade histologique selon Bro-
ders est corrélé à l’existence d’un envahissement ganglionnaire.
Dans l’étude de Saclarides et coll. (11) portant sur 69 patients, le
grade histologique est l’élément du pronostic le plus important
dans le cadre d’une étude multivariée. Tous les auteurs sont ainsi
d’accord pour éliminer des traitements locaux des tumeurs peu
différenciées grade III de Broders ou indifférenciées grade IV de
Broders. En revanche, l’unanimité n’est pas faite pour les tumeurs
moyennement différenciées de grade II. Lasser (6) insistait sur le
fait que les biopsies de la tumeur donnent des résultats qui ne sont
pas toujours représentatifs du type histologique réel qui ne peut
être obtenu que sur la pièce opératoire en entier.
Les autres facteurs anatomopathologiques
D’autres facteurs anatomopathologiques semblent défavorables
pour envisager un traitement local sans que l’on en ait la preuve
formelle. Le caractère mucineux de la lésion serait un élément de
mauvais pronostic. La présence d’embols tumoraux dans les lym-
phatiques ou les vaisseaux, au contact de la lésion, serait aussi un
mauvais facteur pronostic. Enfin, l’existence d’un engainement
tumoral périnerveux serait là aussi un facteur pronostic péjoratif.
Ainsi, on pourrait admettre qu’un cancer du rectum pourrait être
une bonne indication de traitement local, s’il mesure moins de
3 cm de diamètre, s’il est bien ou moyennement différencié sur
le plan histologique, si la tumeur est plutôt de type exophytique,
si la lésion n’est pas de type mucineux, s’il n’y a pas d’envahis-
sement vasculaire ou lymphatique sur les prélèvements. Tous ces
critères semblent minimiser le risque d’envahissement ganglion-
naire. De plus, à l’heure actuelle, on peut apprécier la profondeur
de la lésion de façon assez formelle grâce à l’écho-endoscopie ;
profondeur qui ne doit donc pas, si possible, dépasser la muscu-
laire muqueuse. Enfin, l’écho-endoscopie semble jouer un rôle
important dans la recherche d’un envahissement ganglionnaire
et, dans la série de Solomon et Mac Leod (10), cet examen a une
valeur prédictive négative de l’ordre de 85 %.
Si l’on respecte parfaitement ces critères, il semble qu’environ 15 %
des cancers rectaux pourraient bénéficier des traitements locaux (12).
On peut donc sélectionner les tumeurs accessibles à un traitement
local. L’examen clinique permettra de bien apprécier le siège de
la lésion, sa taille, son caractère ulcéré ou non ; l’échographie
endorectale éliminera les tumeurs T3, voire les T2 et les tumeurs
s’accompagnant d’adénopathies locorégionales ; enfin, les biop-
sies préopératoires éradiqueront les tumeurs indifférenciées.
Parmi les traitements locaux, on peut distinguer, d’une part les exé-
rèses locales de la tumeur et d’autre part, les destructions tumorales
par électrocoagulation ou par radiothérapie. Nous ne parlerons pas
dans cet exposé des exérèses par laser, cryochirurgie ou résection
de type endoscopique, qui ne sont que des gestes palliatifs.
EXCISION LOCALE
Seul ce traitement permet d’obtenir une pièce opératoire et donc un
résultat anatomopathologique. Il s’agit d’une véritable intervention
chirurgicale, nécessitant une anesthésie générale ou locorégionale et
qui a sa morbidité propre. Différentes techniques ont été décrites que
l’on peut distinguer en fonction de leur voie d’abord (tableau I).
Tableau I. Critères de choix d’exérèse locale d’un petit cancer du
rectum.
•Critères diagnostiques :
– diamètre de moins de 3 cm
– lésion de type polypoïde
•Critères histologiques :
– lésion histologiquement moyennement à bien différenciée
– caractère non mucineux
– absence d’envahissement nerveux et lymphatique
sur les prélèvements
•Critère échographique :
– lésion uT1 N0