A B S T R A C T S Amiodarone et prévention des récurrences de fibrillation auriculaire Bases de l’étude. La fibrillation auriculaire constitue le trouble rythmique le plus fréquent (5 % de la population de plus de 65 ans), et donne lieu à un grand nombre d’hospitalisations, en particulier pour insuffisance cardiaque ou accident vasculaire cérébral, dont le risque est multiplié par 5. Le maintien du rythme sinusal constitue donc pour le praticien un objectif prioritaire. Cependant, à six mois, le taux de rechute reste élevé, avoisinant les 50 % dans la plupart des études. Plusieurs études non randomisées ont évoqué la supériorité de l’amiodarone sur les autres antiarythmiques. Le but de cette étude était de confirmer, dans le cadre d’un essai prospectif, randomisé, la supériorité de l’amiodarone sur deux autres antiarythmiques : le sotalol et la propafénone. Méthodes. Quatre cent trois patients répondant aux critères d’inclusion (épisode d’arythmie complète par fibrillation auriculaire [AC par FA] symptomatique dans les six mois précédents avec décision d’un traitement antiarythmique au long cours) ont été enrôlés dans l’étude. Les sujets étaient randomisés pour recevoir soit de l’amiodarone soit du sotalol ou de la propafénone. Une seconde randomisation affectait les sujets au groupe sotalol ou propafénone. La cardioversion était recommandée en cas de persistance de l’AC par FA 14 jours après le début du traitement par amiodarone, et 4 jours après le début du traitement par sotalol ou propafénone. La durée de suivi était d’au moins un an. Le temps écoulé entre le retour en rythme sinusal et la première récidive d’AC par FA confirmée par l’ECG constituait le critère principal de jugement. Résultats. Deux cent un sujets ont été randomisés dans le groupe amiodarone, 202 dans le groupe sotalol et propafénone. La durée moyenne de suivi a été de 468 ± 150 jours. Durant cette période, 35 % des patients du groupe amiodarone ont présenté une récidive de l’AC par FA, contre 63 % de ceux du groupe sotalol ou propafénone (p < 0,001). Quatre-vingt-treize pour cent des patients du groupe amiodarone et 81 % de ceux du groupe sotalol ou propafénone étaient en rythme sinusal au début du suivi, soit 21 jours après le début de la randomisation. À un an, la probabilité de maintien du rythme sinusal était de 69 % dans le premier groupe, contre 39 % dans le second (p < 0,001). On a recensé 0,4 % de décès dans le groupe amiodarone (3 par arythmie, 1 par IDM, 1 par infarctus mésentérique), tout comme dans le groupe sotalol-propafénone (2 par arythmie, 1 par IDM, 1 par insuffisance cardiaque, 1 par AVC). Dix-huit pour cent des sujets du premier groupe ont présenté des effets secondaires, contre 17 % de ceux du second (tableau I). Trente-quatre pour cent des sujets du groupe amiodarone ont arrêté le traitement avant la fin du suivi, contre 46 % de ceux du groupe sotalol-propafénone (tableau II). La Lettre du Cardiologue - n° 336 - octobre 2000 Tableau I. Effets secondaires. Effets secondaires (n) Arrêt cardiaque (TSP)* Insuffisance cardiaque Tachycardie ventriculaire Allongement du QT Bradyarythmie Pulmonaires Hypothyroïdie Hyperthyroïdie Amiodarone (n = 201) Sotalol-propafénone (n = 202) 36 (18 %) 0 11 (5,4 %) 0 1 6 (3 %) 10 (5 %) 2 (0,01 %) 1 35 (17 %) 1 9 (4,5 %) 1 0 7 (3,5 %) 0 0 0 * Torsades de pointe. Tableau II. Causes d’arrêt du traitement. Manque d’efficacité* Non-observance Effets secondaires Amiodarone Sotalol-propafénone 8% 7% 18 % 28 % 7% 11 % * Récidives d’AC par FA et/ou nécessité de cardioversions répétées. Conclusion. Dans le cadre d’une étude multicentrique randomisée, l’amiodarone s’est montrée supérieure au sotalol et à la propafénone en termes de maintien du rythme sinusal sur une période moyenne de suivi de 468 jours, avec une efficacité au moins deux fois plus importante. Aucune différence n’a été observée entre le sotalol et la propafénone, confirmant les résultats d’études antérieures. Le traitement par amiodarone s’est en outre révélé bien toléré, aucun effet proarythmogène n’ayant été observé. M. Poupineau, Paris Amiodarone to prevent recurrence of atrial fibrillation. Roy D, Talajic M, Dorian P et al. ● N Engl J Med 2000 ; 342 (13) : 920-3. 13 A B S T R A C T S Évaluation du risque cardiaque avant une chirurgie non vasculaire Le but de cette étude est d’évaluer l’intérêt de l’échocardiographie dobutamine avant une chirurgie non vasculaire chez des patients suspects de coronaropathie ou coronariens connus. De janvier 1990 à décembre 1995, 530 patients d’un âge moyen de 71 ans, incapables d’effectuer un effort, ont eu, au cours des six mois précédant une intervention chirurgicale non cardiovasculaire, une échocardiographie de stress sous dobutamine. Sur la base des critères d’Eagle (âge > 70 ans, antécédents cardiaques, diabète...), ils ont été classés en trois groupes de risque clinique cardiaque croissant. Deux cent un patients ont eu une échocardiographie dobutamine normale, 115 avaient une séquelle d’infarctus du myocarde sans évidence d’ischémie surajoutée et 214 présentaient des signes d’ischémie myocardique avec apparition ou aggravation de troubles de la cinétique segmentaire. Lors de la période postopératoire, des complications cardiaques sont survenues pour 32 patients (6 %) : 32 infarctus du myocarde, dont un létal. Tous ces patients avaient une ischémie induite par l’échocardiographie dobutamine (sensibilité 100 %, spécificité 63 %). En analyse multivariée, les facteurs prédictifs des événements cardiaques postopératoires pour les patients ischémiques sont les antécédents d’insuffisance cardiaque congestive (p = 0,006) et la survenue de l’ischémie pour une fréquence cardiaque inférieure à 60 % de la fréquence maximale théorique (FMT) (p = 0,0001). Sur les critères d’Eagle, 21 % des sujets étaient classés en risque faible, 68 % en risque intermédiaire et 11 % en risque important ; les complications cardiaques postopératoires sont survenues dans respectivement 3 %, 6 % et 14 % des cas. L’échocardiographie dobutamine a identifié pour sa part 60 % des patients en risque faible (absence d’ischémie), 32 % des patients en risque intermédiaire (positivité pour 60 % de la FMT ou davantage) et 8 % des patients en risque important (positivité avant le seuil de 60 % de la FMT) ; les complications cardiaques postopératoires sont survenues dans respectivement 0 %, 9 % et 43 % des cas (tableau). À VOTRE BON CŒUR ! “JE ROULE POUR LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE” Vous pouvez soutenir cette cause (avec la possibilité de gagner un prix) en essayant de deviner combien de kilomètres la Tournée du Plat du Jour va parcourir. Pour participer, renvoyez-nous le coupon-réponse ci-dessous accompagné de votre don, à la Fédération Française de Cardiologie 50, rue du Rocher – 75008 Paris en indiquant le nombre de kilomètres estimés. ✄ JEU “LA TOURNÉE DU PLAT DU JOUR” Charlie Berridge fait le Tour de France, depuis le 15 juillet 2000, sur un Piaggio (3 roues) avec l’objectif de recueillir des dons pour la recherche sur les maladies cardiovasculaires, au bénéfice de la Fédération Française de Cardiologie. 14 Nom.................................................................................. Adresse........................................................................... .......................................................................................... C.P. ............................... Ville.......................................... Téléphone ........................................................................ Je pense que La Tournée du Plat du Jour parcourra ..................... kilomètres Je joins un don de 50 F 100 F 150 F Autre montant .............................. Merci de libeller les chèques à l’ordre de la Fédération Française de Cardiologie La Lettre du Cardiologue - n° 336 - octobre 2000 A Tableau. Impact des classifications de groupes à risque (critères cliniques d’Eagle, critères échocardiographie dobutamine) sur les complications cardiaques postopératoires. Critères de risque d’Eagle Risque faible (0 FdR*) n = 109 intermédiaire (1 à 2 FdR*) n = 361 important (> 2 FdR*) n = 57 Écho-dobu. Faible risque (ischémie = 0) n = 316 0/74 (0 %) 0/217 (0 %) 0/25 (0 %) Risque intermédiaire (ischémie 60 % FMT) n = 171 1/26 (4 %) 8/118 (7 %) 6/27 (22 %) Risque important (ischémie < 60 % FMT) n = 40 2/9 (29 %) 13/26 (46 %) 2/5 (40 %) B S T R A C T S Conclusion. Dans le domaine de la chirurgie extracardiaque, l’échocardiographie dobutamine avait surtout été étudiée avant chirurgie vasculaire périphérique, indication où elle avait fait la preuve d’une excellente valeur prédictive négative. Ce travail évalue l’intérêt de l’échocardiographie dobutamine avant une chirurgie extracardiaque non vasculaire (chirurgie orthopédique, abdominale, tête et cou, pelvienne et thoracique). L’examen confirme une valeur prédictive négative de 100 % (pas de complications cardiaques pour le groupe de patients dont le test est négatif). Il autorise par ailleurs une discrimination entre les patients à risque intermédiaire (9 % de complications) et ceux à haut risque (43 % de complications) en utilisant le seuil de survenue de l’ischémie myocardique, supérieur ou inférieur à 60 % de la FMT. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil Assessment of cardiac risk before nonvascular surgery. Dobutamine stress echocardiography in 530 patients. Das MK, Pellikka PA, Mahoney DW et al. ● J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 1647-53. * FdR : facteurs de risques cliniques. Angioplastie avec stent sur tronc commun non protégé Si l’angioplastie coronaire au seul ballon ne donne pas satisfaction pour traiter des sténoses de tronc commun coronaire gauche non protégé, l’utilisation du stent peut-elle concurrencer la chirurgie dans ce cadre pathologique particulier ? L’équipe de Marseille (hôpital Beauregard) présente les résultats de 140 patients consécutifs stentés sur des sténoses de tronc commun non protégé de janvier 1993 à septembre 1998. Deux groupes sont individualisés : le groupe 1 comporte 47 patients à haut risque chirurgical, en particulier en raison de l’âge avancé et d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique ; le groupe 2 comprend 93 patients candidats potentiels à une chirurgie de pontage aortocoronaire à faible risque. Les patients ont été évalués cliniquement chaque mois après l’angioplastie, pendant 6 mois, délai au terme duquel un contrôle angiographique a été également réalisé. Le taux de succès primaire de la procédure est de 100 %. À un mois, le groupe 1 comptabilise quatre décès (2 thromboses subaiguës de stents, 1 insuffisance cardiaque terminale, 1 thrombose de prothèse aortique), soit 9 %, et deux infarctus du myocarde non létaux, soit 4 % ; au même terme, le groupe 2 présente pour seule complication un faux anévrisme au point de ponction. Pour les patients survivants, on observe, à 6 mois, 1 décès cardiaque (2 %) pour le groupe 1, dans le cadre d’une probable resténose, ainsi que 2 décès non cardiaques (2,6 %) et 1 infarctus du myocarde non létal (0,8 %) pour le groupe 2. Quatre patients du groupe 1 (10,5 %) et 16 patients du groupe 2 (21 %) sont revascularisés sur le site initialement traité, le plus souvent par pontages aortocoroLa Lettre du Cardiologue - n° 336 - octobre 2000 naires, le taux de resténose à 6 mois étant de 23 % sur l’ensemble de la population contrôlée angiographiquement. Conclusion. Ces résultats concernant des sténoses de tronc commun non protégé objectivent une faisabilité excellente (100 % de succès primaire), un taux de resténose (23 %) analogue à celui des autres sites coronaires traités par angioplastie et stent, ainsi qu’une mortalité cardiaque nulle pour le groupe à faible risque chirurgical. La méthode deviendra-t-elle une alternative à la chirurgie de pontage aortocoronaire dans des centres expérimentés de cardiologie interventionnelle ? L’éditorial joint de D.S. Baim affiche davantage de réticences, en particulier pour les sujets à faible risque opératoire : difficultés techniques de l’angioplastie avec stent pour les sténoses distales du tronc commun s’étendant à la bifurcation interventriculaire antérieure-circonflexe, gravité particulière de la resténose compte tenu de son site... en attendant des études randomisées comparant réellement les deux possibilités thérapeutiques. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil Unprotected left main coronary artery stenting : immediate and medium-term outcomes of 140 elective procedures. Silvestri M, Barragan P, Sainsous J et al. ● J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 1543-50. 15 A B S T R A C T S Valeur pronostique de l’hypertrophie ventriculaire gauche échocardiographique en cas de dysfonction ventriculaire gauche (étude SOLVD) Point du sujet. Le rôle de l’hypertrophie ventriculaire gauche sur le pronostic des patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche systolique ou une insuffisance cardiaque est mal connu. But. Le but de cette étude a été de préciser la valeur pronostique de différents indices échocardiographiques, dont la masse ventriculaire gauche (MVG), dans un sous-groupe de patients inclus dans les études SOLVD (Studies Of Left Ventricular Dysfunction) et ayant eu une évaluation échocardiographique initiale. Patients et méthodes. L’étude a porté sur 1 172 patients inclus soit dans le registre SOLVD pour 595 d’entre eux, soit dans les essais SOLVD pour 577 d’entre eux, ayant une fraction d’éjection < 45 % ou ayant été hospitalisés pour une insuffisance cardiaque, et suivis durant un an. Les échocardiogrammes ont fait l’objet d’une relecture centralisée permettant la mesure des dimensions ventriculaires et auriculaires gauches, le calcul de la fraction d’éjection et le calcul de la MVG. Les événements pris en compte ont été les décès et les hospitalisations. Résultats. La mortalité à un an était de 9,5 %, et une hospitalisation était notée chez 40 % des patients lors du suivi, avec un motif cardiovasculaire dans les trois quarts des cas. La mortalité à un an était significativement plus élevée en cas de fraction d’éjection < 35 % (p = 0,012). Il existait une relation significa- tive entre la MVG et la mortalité à un an (après ajustement pour l’âge, la fraction d’éjection, le stade NYHA et l’étiologie ischémique ou non de la dysfonction ventriculaire). La mortalité à un an était de 12 % en cas de MVG > 298 g contre 5 % pour une MVG moins élevée (p = 0,0017). Une relation analogue était notée avec la taille de l’oreillette gauche. Il existait un effet protecteur de la fraction d’éjection en cas de MVG > 298 g, avec une évolution moins défavorable en cas de fraction d’éjection > 35 %, alors que la mortalité était plus basse en cas de MVG < 298 g, et non influencée par la fraction d’éjection dans ce cas. Conclusion. Cette étude montre l’existence d’une association entre l’augmentation de la MVG et la mortalité chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche chronique. B. Gallet, service de cardiologie, CH Argenteuil Echocardiographic predictors of clinical outcome in patients with left ventricular dysfunction enrolled in the SOLVD registry and trials : significance of left ventricular hypertrophy. Quinones MA, Greenberg BH, Kopelen HA et al. for the SOLVD investigators ● J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 1237-44. Stents, statines et resténose En raison de leur effet “antiprolifératif” sur les cellules musculaires lisses vasculaires, les statines sont susceptibles de s’opposer à l’hyperplasie néo-intimale après la pose d’un stent et de réduire le taux de resténose. Les auteurs ont testé cette hypothèse à partir de 525 patients consécutifs pour lesquels un stent coronaire a été implanté entre janvier 1996 et mars 1998 : deux groupes sont comparés, avec 258 patients sous statines et 267 patients sans statines. Les patients sous statines avaient des taux de cholestérol total et de LDL-cholestérol plus élevés que les patients sans statines (p < 0,001). À 6 mois, le groupe non traité par les statines comptabilise 10 décès et 18 infarctus du myocarde (IDM) de territoires correspondant aux lésions coronaires stentées, pour des chiffres respectifs de 1 décès et 10 IDM pour le groupe traité par statines (p < 0,05). Quatre-vingt-dix-huit des 267 patients sans statines (36,7 %) ont eu une nouvelle procédure de revascularisation, contre 72 des 258 patients sous statines (27,9 %) : p < 0,05. Le diamètre minimal de la lésion coronaire traitée est significativement plus important sous statines (1,98 ± 0,88 mm vs 1,78 ± 0,88 mm ; p = 0,01) ; la perte en diamètre à 6 mois est moindre pour le groupe sous statines (0,64 ± 0,8 mm vs 0,80 ± 0,8 mm ; p = 0,032). Le taux de resténose angiographique ( 50 %) est significativement réduit sous statines : 25,4 % vs 38 %, p < 0,005. En analyse multivariée, les facteurs indépendants prédictifs influant sur le taux de resténose sont : l’utilisation de statines 12 (p = 0,005), le diamètre minimal de la lésion coronaire stentée après la procédure (p = 0,02), la longueur du segment stenté (p = 0,02). Par contre, la diminution du taux de resténose est indépendante des réductions de taux de cholestérol total et LDL obtenues sous traitement. Conclusion. Lors de cette étude monocentrique et rétrospective après mise en place de stents coronaires, la prescription de statines est associée à une diminution du taux de resténose à 6 mois, avec une amélioration de la survie indemne de complications cardiaques (décès, IDM, revascularisation de la lésion stentée). Pour les auteurs, ces résultats suggèrent la possibilité pour les statines d’interférer avec la prolifération néo-intimale suivant la pose d’un stent coronaire. Ceci ne semble pas en rapport avec la seule réduction des taux de lipides obtenue sous statines. Un essai prospectif randomisé concernant des patients indemnes de dyslipidémies, suivis après la pose de stents coronaires, est souhaitable pour confirmer ces résultats encourageants. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil Effect of statin therapy on restenosis after coronary stent implantation. Walter DH, Schächinger V, Elsner M, Mach S, Auch-Schwelk W, Zeiher AM ● Am J Cardiol 2000 ; 85 : 962-8. La Lettre du Cardiologue - n° 336 - octobre 2000