Cas clinique - F.B. C A 6/05/04 16:58 S Page 25 C L I N I Q U E Une dyspnée récente et un traumatisme thoracique ancien. M onsieur M., 58 ans, est hospitalisé pour une dyspnée d’effort d’apparition récente, sans douleur thoracique, toux ou expectoration. Dans ses antécédents, on retient un traumatisme thoracique en 1983 par choc frontal avec un joueur de football, responsable d’une contusion thoracique invalidante mais non explorée à l’époque et ayant régressé spontanément en un mois. À l’examen clinique, patient apyrétique présentant une ausculta- tion cardiaque normale. On retrouve quelques crépitants dans les bases pulmonaires et des signes d’insuffisance cardiaque droite francs (reflux hépatojugulaire, hépatalgie). Il n’est pas noté d’œdème des membres inférieurs ni de signe de phlébite. La gazométrie artérielle est normale. La recherche des D-dimères est négative. La radiographie thoracique et l’électrocardiogramme sont joints (figures 1 et 2). ➤ Figure 1. Radiographie du thorax à l’admission de Monsieur M. Quel serait votre diagnostic ? Figure 2. Électrocardiogramme à l’admission de Monsieur M. La Lettre du Cardiologue - n° 290 - mars 1998 (voir page 26) 25 Cas clinique - F.B. C 6/05/04 A S 16:58 Page 26 C L I N DISCUSSION La radiographie thoracique révèle une silhouette cardiaque augmentée de volume, engainée dans un liseré calcifié des feuillets péricardiques. Il n’y a pas d’élargissement du médiastin ni d’épanchement pleural. L’électrocardiogramme met en évidence un microvoltage diffus associé à un aplatissement de l’onde T sur l’ensemble des dérivations ; le rythme est sinusal. Ce tableau clinique évoque une péricardite constrictive, diagnostic confirmé par une échocardiographie montrant la présence de calcifications péricardiques épargnant la face postérieure du cœur, associées à une dilatation de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques. En mode TM, le ventricule gauche a un mouvement de ressaut télédiastolique. Le remplissage du ventricule gauche est pathologique, associant une grande onde E suivie d’une petite onde A avec diminution du temps de relaxation isovolumique, signifiant une anomalie du remplissage du ventricule gauche sur un mode restrictif. La fonction ventriculaire gauche est conservée. L’exploration hémodynamique montre une égalisation des pressions télédiastoliques avec un dip-plateau. L’intradermoréaction à la tuberculine est banalement positive, non phlycténulaire, et la recherche de bacilles de Koch dans les tubages gastriques, à la broncho-aspiration et dans les urines, est négative. La recherche d’autoanticorps et des sérologies virales est négative. L’étiologie très probable de cette péricardite constrictive est un hémopéricarde survenu en 1983, passé sous silence, ayant évolué à bas bruit vers la constriction péricardique actuelle. Monsieur M. bénéficie d’une décortication péricardique avec des suites opératoires simples. L’étude histologique a conclu à un péricarde fibro-calcifié non spécifique. I Q U E plateau n’est retrouvé que dans 76 % des cas (1). La présentation habituelle des péricardites constrictives est un tableau d’insuffisance cardiaque avec une dyspnée de classe III de la NYHA dans près de deux tiers des patients de Nataf (1) ou de McCaughan (2). Près de 90 % des patients présentent des signes d’insuffisance cardiaque droite. Le diagnostic étiologique d’une péricardite constrictive reste toujours difficile à établir puisque, dans plus de 50 % des cas, elle est dite idiopathique. En fait, l’origine traumatique est sous-évaluée car, au moment du traumatisme, l’absence de blessures apparentes de la paroi thoracique externe ou au contraire la présence d’autres lésions vicérales majeures associées n’incitent pas à l’exploration systématique du péricarde. Par ailleurs, l’évanescence de la notion d’un traumatisme ancien dans la mémoire des patients au moment du diagnostic de constriction péricardique est fréquente. Ceci justifie la recherche systématique d’un hémopéricarde par échocardiographie devant tout traumatisme à thorax fermé, même mineur, avant qu’il n’évolue vers la constriction. F. Bernard, J.P. Ollivier, service de cardiologie, Hôpital militaire du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris Bibliog raphie 1. Nataf P., Cacoub P., Dorent R., Jault F., Bors V., Pavie A., Cabrol COMMENTAIRES La seule réalisation d’une radiographie pulmonaire a permis, dès le début de la prise en charge de ce patient, de poser le diagnostic très probable de péricardite constrictive. Ceci n’est pas toujours possible car les calcifications péricardiques peuvent passer inaperçues dans 40 % des cas sur une radiographie thoracique, surtout si un cliché de profil n’a pas été réalisé. De même, un dip- C., Gandjbakhch I. Results of subtotal pericardiectomy for constrictive pericarditis. Eur J Cardiothorac Surg 1993, 7 : 252-6. 2. McCaughan B.C., Schaff H.V., Piehler J.M. Early and late results of pericardiectomy for constrictive pericarditis. J Thorac Cardiovasc Surg 1985 ; 86 : 240-360. ANNONCEURS BYK FRANCE SA (Eupressyl), p. 2 ; M S D CHIBRET (Cozaar/Hyzaar), p. 9-10 ; NOVARTIS PHARMA (Tareg), p. 27 ; SERVIER (Vastarel), p. 24. 26 La Lettre du Cardiologue - n° 290 - mars 1998