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Une tachycardie ventriculaire postopératoire
● Dr Ph. Duc, Pr M.C. Aumont*
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onsieur R., âgé de 69 ans, est hospitalisé en cardiologie pour une tachycardie ventriculaire à
180/min dans les suites d’une cholécystectomie.
Ce patient avait eu, quatre ans auparavant, un bilan cardiovasculaire pour oppression thoracique. Le bilan effectué était normal
(examen clinique, ECG, radiographie thoracique, épreuve d’effort couplée à un marquage isotopique au thallium, échographie
cardiaque) ; tout au plus était-il noté un hémibloc antérieur
gauche. Son frère était décédé d’une insuffisance cardiaque secondaire à une cardiomyopathie dilatée révélée par un flutter auriculaire.
Au décours de sa chirurgie, le patient a eu des palpitations. L’ECG
inscrivait une tachycardie ventriculaire à 180/min à type de retard
gauche axe gauche (figure 1) avec une bonne tolérance clinique.
Un traitement par Cordarone® intraveineuse puis per os a permis
de réduire le trouble du rythme.
Un bilan a été effectué au décours immédiat de cet épisode.
L’échocardiographie montrait un ventricule gauche normal mais
avec une dilatation modérée du ventricule droit. Les potentiels
tardifs étaient positifs (trois critères). Le holter ECG enregistrait
un rythme sinusal avec de nombreuses extrasystoles ventriculaires diurnes et nocturnes. Il existait des accès de tachycardie
ventriculaire, dont la durée variait de quelques secondes à
4 minutes avec une fréquence moyenne de 140/min.
La ventriculographie isotopique ne montrait pas de dilatation des
cavités ventriculaires, mais il existait un retard de phase ventriculaire droit compatible avec une dysplasie ventriculaire droite
arythmogène (DVDA) focale. L’angiocoronarographie était normale.
Le patient a été mis, au décours de cet épisode, sous Cordarone®
et Sotalex® 80 x 2/j. Avec un suivi de plusieurs années, le patient
n’a pas eu de récidive. L’ECG en rythme sinusal montre des ondes
T négatives en précordiales droites (figure 2).
Figure 2. Électrocardiogramme en rythme sinusal avec un traitement
associant Cordarone® et Sotalex®.
COMMENTAIRES
Figure 1. Électrocardiogramme montrant la tachycardie ventriculaire à
180/min à type de retard gauche et axe gauche.
* Service de cardiologie A, CHU Bichat-Claude Bernard, 46, rue HenriHuchard, 75018 Paris.
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Le diagnostic de DVDA repose sur un ensemble de critères. Selon
le groupe de travail myocardiopathies et pathologies péricardiques de la Société Européenne de Cardiologie (1), le diagnostic de DVDA est retenu en présence de deux critères majeurs, ou
un critère majeur et deux critères mineurs, ou quatre critères
mineurs (tableau I). Ce patient avait quatre critères mineurs.
La Lettre du Cardiologue - n° 296 - juin 1998
I. Dysfonctions et anomalies structurales
globales et/ou régionales*
IV. Anomalies
de la dépolarisation/conduction
Majeures
❏ Dilatation sévère et réduction de la FE du VD sans
altération (ou minime) du VG
❏ Anévrysme localisé du VD
❏ Dilatation sévère segmentaire du VD
Majeure
Ondes epsilon ou prolongation (> 110 ms) localisée
du QRS en précordiales droites (V1-V3)
Mineure
Potentiels tardifs positifs
Mineures
V. Arythmies
❏ Dilatation
modérée du VD et/ou FE réduite avec un
VG normal
❏ Dilatation segmentaire modérée du VD
❏ Hypokinésie régionale du VD
Mineures
❏ TV à type de BBG (soutenues et non soutenues)
(ECG, holter ECG, épreuve d’effort)
❏ Fréquentes
II. Caractérisation tissulaire des parois
VI. Antécédents familiaux
Majeure
Remplacement des myocytes par des fibroadipocytes
sur les biopsies endomyocardiques
Majeur
Pathologie familiale confirmée (autopsie ou chirurgie)
III. Anomalies de la repolarisation
Tableau I. Critères
pour le diagnostic
de dysplasie
du ventricule droit.
ESV ( > 1 000/24 h) au holter
Mineurs
❏ Antécédent familial de mort subite (< 35 ans) due à
une DVDA
❏ Antécédent familial (diagnostic clinique sur ces
critères)
Mineures
Ondes T négatives en précordiales droites (V2 et V3)
(sujet > 12 ans et absence de BBD)
* Détectées par échographie, angiographie, RMN ou scintigraphie. VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; FE : fraction d’éjection ; BBG : bloc de
branche gauche ; BBD : bloc de branche droit ; TV : tachycardie ventriculaire. D’après Mc Kenna et coll. (1).
La pathogénie est encore discutée, mais il semble que l’apoptose
joue un rôle important (2). Les modalités évolutives sont
variables. Selon une publication de Fontaine et coll. (3), ce patient
correspond à une DVDA de type I (sans atteinte de la fraction
d’éjection du VG) ; le pronostic est rythmique, l’atteinte du VG
ne s’observant habituellement pas dans l’évolution. Les autres
types décrits (types II et III) correspondent à une atteinte associée du VG. L’activité sportive semble augmenter les TV, mais
cet élément est inconstamment retrouvé. Dans cette observation,
il existe une petite discordance dans l’estimation de la taille du
ventricule droit (VD) entre l’échographie et la scintigraphie.
Celle-ci s’explique par les variations importantes de précharge et
de taille du VD, rendant difficile la comparaison des deux
méthodes. En dehors des cas où la dilatation du VD est importante, il est fréquent d’observer une différence d’estimation entre
les méthodes utilisées.
Le traitement doit être poursuivi indéfiniment, avec un risque de
décès qui est faible. En colligeant les données de plusieurs études,
la mortalité par mort subite est de 1,04 % par an et celle par insuffisance cardiaque de 1,17 % par an (3). Certaines équipes préco-
La Lettre du Cardiologue - n° 296 - juin 1998
nisent de tester l’efficacité du traitement par une stimulation ventriculaire programmée.
Ce cas clinique illustre l’un des modes de survenue de la DVDA
que constituent les troubles du rythme ventriculaire et le faisceau
d’arguments nécessaires pour le diagnostic. Cette forme de
DVDA, sans atteinte du ventricule gauche, est de meilleur pronostic que celle avec atteinte biventriculaire.
■
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. McKenna et coll. Diagnosis of arrhythmogenic right ventricular
dysplasia/cardiomyopathy. Br Heart J 1994 ; 71 : 215-8.
2. Mallat
Z., Tedgui A., Fontaliran F., Frank R., Durigon M., Fontaine G.
Evidence of apoptosis in arrhythmogenic right ventricular dysplasia. N Engl J
Med 1996 ; 16 : 1190-6.
3. Fontaine G., Brestescher C., Fontaliran F., Himbert C., Tonet J., Frank R.
Modalités évolutives de la dysplasie ventriculaire droite arythmogène. Arch Mal
Cœur 1995 ; 88 : 973-9.
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