La Lettre du Cardiologue - n° 307 - février 1999
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DOSSIER
Cette étude suggère que la rapidité de la fréquence ventriculaire
est le déterminant principal de l’apparition d’une dysfonction
ventriculaire, mais que l’irrégularité de rythme ventriculaire, si
la fréquence est basse, n’est pas délétère. En revanche, il n’a pas
été possible de préciser le rôle de l’ancienneté de l’arythmie non
ressentie chez ces patients dont le symptôme majeur était l’in-
suffisance cardiaque.
L’ablation du nœud auriculoventriculaire par radiofréquence
avec mise en place d’un stimulateur cardiaque est une tech-
nique plus récente permettant de régulariser et de ralentir la fré-
quence cardiaque. Elle est proposée en dernier recours aux
patients ayant une arythmie rebelle après échec du traitement
médical. Plusieurs équipes (4-6) ont suivi l’évolution des para-
mètres échographiques de patients traités par cette méthode, en
isolant un sous-groupe de sujets ayant une dysfonction ventricu-
laire gauche initale.
Toutes ont constaté une amélioration globale de la fonction ven-
triculaire gauche. L’équipe d’Edner (6) a réalisé une étude pros-
pective incluant 29 patients ; 14 avaient une dysfonction ventri-
culaire gauche associée. Parmi eux, 11 ont eu une amélioration
significative de la fraction d’éjection durant les mois suivant la
procédure. Cependant, chez un patient qui avait bénéficié d’un
remplacement valvulaire mitral, la fraction d’éjection est inchan-
gée ; enfin, pour deux patients porteurs d’une cardiopathie isché-
mique, on constate une dégradation de la fonction VG.
D’autres équipes comme celles de G. Heinz (4) et M.L. Rodri-
guez (5) ont retrouvé, pour de petites séries, des résultats com-
parables : amélioration de la fraction d’éjection dans les mois sui-
vant l’ablation de la jonction auriculoventriculaire chez environ
80 % des patients ayant une myocardiopathie dilatée hypokiné-
tique.
MODIFICATION DES PARAMÈTRES ÉCHOGRAPHIQUES
Cette amélioration est d’autant plus importante que les paramètres
échographiques initiaux sont altérés. Ces études concordent pour
montrer que l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche
est due à une augmentation de la contractilité (majoration de la
fraction de raccourcissement), mais que le volume télédiasto-
lique varie peu : altération irréversible du myocarde ou suivi cli-
nique insuffisant ? Seule l’étude de Rodriguez (5), dont le suivi
moyen est supérieur à un an, montre une diminution significative
de la moyenne des diamètres télédiastoliques mesurés chez les
différents patients avant et après ablation, mais cela est essen-
tiellement expliqué par la spectaculaire régression de ce para-
mètre chez un seul sujet.
D’autre part, la fonction diastolique étudiée par Edner (6) montre
un allongement du temps de décélération du flux transmitral sans
modification de la vitesse maximale ni du temps de relaxation
isovolumétrique après ablation du nœud auriculoventriculaire,
aussi bien chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire
que chez ceux ayant un ventricule gauche normal. Cette amélio-
ration est plus rapidement significative chez les premiers que chez
les seconds.
Mais ces études soulèvent une interrogation : parmi ces patients,
tous inclus pour le même motif (trouble du rythme supraventri-
culaire rebelle au traitement médical), pourquoi certains ont-ils
développé une dysfonction ventriculaire gauche secondaire ?
L’étude rétrospective de Rodriguez ne retrouve qu’un seul para-
mètre différenciant ces deux groupes : ce n’est ni l’âge, ni le sexe,
ni le stade fonctionnel selon la NYHA, ni le type de FA (paroxys-
tique ou chronique), mais l’ancienneté du trouble du rythme qui
est plus grande, en moyenne onze ans pour les sujets ayant une
dysfonction ventriculaire gauche contre cinq ans pour les autres.
L’équipe d’Edner n’a pas retrouvé ces résultats. Par ailleurs, si le
chiffre de la fréquence cardiaque lors de l’examen avant ablation
est comparable entre les deux groupes, il n’est pas rapporté de
données holter ECG : fréquence maximale, fréquence moyenne
et variabilité de RR.
D’autres formes de tachycardies plus rares que la FA, comme
les tachycardies de Coumel (7), peuvent entraîner une dysfonc-
tion ventriculaire gauche, notamment chez l’enfant. C’est une
cause beaucoup plus anecdotique chez l’adulte, mais là encore
un traitement efficace permet une régression des signes cliniques
et une amélioration de la fraction d’éjection (8). Il faut, pour cela,
savoir les reconnaître, et ne pas les interpréter a priori comme des
troubles du rythme secondaires à une dysfonction ventriculaire
gauche.
LES FAITS EXPÉRIMENTAUX ET LES MÉCANISMES
À partir de ces données cliniques, la stimulation ventriculaire à
fréquence rapide a été utilisée pour induire chez différents
modèles animaux une dysfonction myocardique réversible. Chez
le chien, une stimulation à environ 200 battements par minute
pendant trois à quatre semaines entraîne une dilatation ventricu-
laire, un amincissement des parois, une augmentation des
contraintes pariétales responsable d’une insuffisance cardiaque,
semblable à celle observée chez l’homme. L’étude anatomopa-
thologique (9) montre l’apparition de multiples points de fibrose
représentant environ 6 % du myocarde, une destruction de la
matrice collagène, une perte de plus de 30 % du nombre de myo-
cytes, compensée par une hypertrophie des cellules restantes avec
une augmentation plus importante de la longueur que de l’épais-
seur. Une élévation du taux d’ARNm codant pour les protéines
du cytosquelette est corrélée au degré d’altération de celui-ci (10).
Différents mécanismes ont été évoqués comme l’ischémie myo-
cardique, l’activation des systèmes nerveux sympathique et
rénine-angiotensine, ou encore la baisse du facteur natriurétique
auriculaire.
Il est probable que le remodelage électrique joue également un
rôle dans l’apparition des myocardiopathies rythmiques. Le remo-
delage électrique est mieux connu à l’étage auriculaire chez
l’homme (11) : diminution des périodes réfractaires lors des sti-
mulations à fréquences croissantes, la perte de l’adaptation des
périodes réfractaires favorisant le déclenchement de FA.
À l’étage ventriculaire chez le chien (12),il a été récemment mon-
tré qu’une stimulation rapide d’un myocarde ayant un rythme de