Tamponnade et lupus C R é s u m é

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Tamponnade et lupus
● C. Pop*, A. Aliouche*, L. Chapoutot*, L. Nduwayo**, Y. Billon***, D. Metz****
R é s u m é
Il s’agit une observation de lupus révélé par une tamponnade, survenue chez une patiente âgée de 34 ans.
L’échocardiographie mettait en évidence un épanchement circonférentiel comprimant les cavités droites
et le téléthorax, un épanchement pleural gauche.
La biologie initiale montrait une anémie inflammatoire isolée.
L’analyse du liquide de drainage (500 cc), séro-hématique, n’identifiait pas de cellule maligne ; celle de la
biopsie de péricarde ne révélait pas de lésion tumorale ou tuberculeuse.
Après un intervalle libre de 3 mois, la patiente présente une pleurésie récidivante et des arthralgies migratrices, inflammatoires. Le bilan biologique montre alors une anémie inflammatoire récidivante avec lymphopénie, des anticorps antinucléaires, anti-SSA, anticardiolipines, permettant de porter le diagnostic de
lupus. L’évolution est favorable sous corticothérapie.
Bien qu’il s’agisse d’une complication exceptionnellement révélatrice du lupus (moins de 1 % des cas), le
diagnostic doit être systématiquement envisagé devant une tamponnade dont l’étiologie n’est pas évidente, notamment chez une femme jeune.
Mots-clés : Lupus érythémateux disséminé – Tamponnade péricardique – Échocardiographie.
L‘
atteinte péricardique est la principale manifestation cardiaque du lupus érythémateux ; la tamponnade est toutefois une complication rare, exceptionnellement révélatrice de la
maladie lupique.
Observation
Mme H.V., âgée de 34 ans, est hospitalisée pour des symptômes
apparus brutalement, associant douleur thoracique en barre et dyspnée d’effort d’aggravation rapide. Elle ne prend aucun traitement.
L’auscultation cardiaque retrouve des bruits du cœur assourdis et
un frottement péricardique. Il n’y a pas de signe de défaillance
cardiaque, ni de pouls paradoxal. L’ECG objective des troubles
diffus de la repolarisation (figure 1).
* Service de cardiologie. ** Service d’endocrinologie. *** Service de pneumologie, CHG, rue Godard-Jeanson, 52100 Saint-Dizier. **** Service de
cardiologie, centre hospitalier universitaire Robert-Debré, Reims.
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La radiographie pulmonaire montre une cardiomégalie en
“théière” associée à un épanchement pleural gauche peu abondant, sans anomalie du parenchyme pulmonaire.
L’échocardiographie révèle un épanchement péricardique circonférentiel, abondant, sans signes de compression (figures 2
et 3).
Le bilan biologique initial retrouve une anémie modérée à
10 g/dl, une lymphopénie à 650/mm3 et un syndrome inflammatoire avec une VS à 76/121 mm, une CRP à 105 mg/l. La
recherche de facteurs rhumatoïdes et d’anticorps antinucléaires
est négative, le complément sérique est normal. Les sérologies
virales (CMV, grippe, Coxsackie) sont négatives. La recherche
de BK, effectuée dans les crachats et l’urine, est négative ainsi
que l’IDR. Le scanner thoraco-abdominal confirme la pleuropéricardite sans autre anomalie. La fibroscopie bronchique est
sans particularité.
La Lettre du Cardiologue - n° 359 - novembre 2002
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Figure 1. ECG d’admission. Troubles diffus de la repolarisation ventriculaire (ondes T négatives) sans microvoltage, ni alternance électrique.
Figure 2. Échocardiogramme bidimensionnel d’admission. Coupe parasternale grand axe : épanchement péricardique circonférentiel, abondant,
sans compression des cavités ventriculaires.
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Figure 3. Échocardiogramme mode M d’admission. Coupe transmitrale :
décollement péricardique systolo-diastolique important, sans compression
du ventricule gauche à l’inspiration et sans compression diastolique du
ventricule droit.
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Un traitement par aspirine à forte dose (3 g/24 h) est instauré,
mais l’évolution est défavorable, avec une aggravation de la
dyspnée et l’apparition d’un signe de Kussmaul au 7e jour. L’échocardiographie confirme l’apparition d’une tamponnade avec
aggravation de l’épanchement, notamment au contact du VG
(figure 4), compression diastolique des cavités droite et inspiratoire du ventricule gauche. La fonction systolique ventriculaire
gauche est conservée (60 %).
Le diagnostic initial était orienté vers une péricardite virale, en
l’absence d’argument en faveur d’une maladie systémique, d’une
tuberculose ou d’une affection néoplasique. Le diagnostic de
lupus n’est posé que 3 mois plus tard, lors d’une phase de réactivation de la maladie sur les critères suivants : polyarthrite non
érosive, épanchements des séreuses (pleurésie récidivante, péricardite récente), anomalies hématologiques (anémie, lymphopénie) et immunologiques (présence d’anticorps antinucléaires, antiSSA, anticardiolipines).
Dans cette observation, les signes immunologiques apparaissent
de façon retardée par rapport aux manifestations cliniques initiales. Il semble donc utile de refaire un bilan d’auto-immunité
en cas de péricardite d’évolution inhabituelle.
La péricardite est la manifestation cardiaque la plus fréquente du
lupus, et sa fréquence varie selon les critères diagnostiques retenus : clinique 20-30 %, échographique 30-55 %, autopsique 6080 % (1-4).
En revanche, la tamponnade est une complication rare et exceptionnellement révélatrice (5, 6). Sa fréquence est estimée à moins
de 10 % et à 1 % pour la forme révélatrice (3).
Figure 4. Échocardiogramme bidimensionnel à J7. Coupe apicale 4 cavités : aggravation de l’épanchement au contact du ventricule gauche.
Un drainage chirurgical par voie sous-xiphoïdienne, avec biopsie péricardique, est effectué en urgence, permettant l’évacuation
de 500 ml d’un liquide séro-hématique. L’examen cytochimique
identifie un exsudat avec une formule inflammatoire et la biopsie révèle un péricarde fibrineux avec prolifération fibroblastique,
sans signe de malignité ni argument en faveur d’une tuberculose.
Les suites opératoires sont simples.
Après un intervalle libre de 3 mois, Mme V. présente une asthénie marquée, avec un amaigrissement, une dyspnée d’effort en
relation avec un épanchement pleural droit modéré sans péricardite récidivante associée, et des arthralgies migratrices avec signes
inflammatoires locaux touchant les mains, les coudes et les chevilles. Le bilan inflammatoire montre une réascension de la VS
à 84/115 mm et de la CRP à 80 mg/l, la présence d’anticorps antinucléaires (1/640, fluorescence de type moucheté, homogène-IFI
sur cellules Hep 2), anti-SSA (> 80 Uarb), anticardiolipines
(23 U GPL/ml), alors que la recherche d’anticorps anti-DNA est
négative et que le complément sérique reste normal. Le diagnostic de lupus érythémateux disséminé est posé. L’évolution est
rapidement favorable, avec disparition de la pleurésie et normalisation du bilan inflammatoire 3 mois après l’instauration d’une
corticothérapie per os (1 mg/kg/j), permettant une décroissance
rapide des doses sur 8 mois avec relais par Plaquenil® (2 cp/j).
Discussion
Nous décrivons ici un cas de tamponnade, manifestation initiale
d’un lupus érythémateux, ayant nécessité un drainage chirurgical en urgence, le traitement anti-inflammatoire étant inefficace.
Le bilan biologique initial n’est pas contributif.
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Cette rareté, contrastant avec la fréquence de l’atteinte péricardique, pourrait être due à la large utilisation des corticoïdes et des
AINS dans le traitement de la maladie (2). La péricardite survient
généralement lors des phases d’activation de la maladie ; la tamponnade est souvent associée à une pleurésie et à des manifestations graves telles que l’anémie hémolytique, la néphropathie
étant notée dans 50 % des cas (3, 7).
Les facteurs responsables de l’apparition de tamponnade sont
l’inflammation, l’insuffisance rénale et le sepsis (3).
Cette complication peut être présente dans les lupus spontanés,
mais aussi induits. Les observations rapportées concernent la
procaïnamide, l’isoniazide, l’hydralazine, la carbamazépine,
la salazopyrine. Leur caractéristique biologique principale est la
présence d’anticorps anti-histone (2, 8, 9).
Le traitement de la tamponnade repose sur la corticothérapie, sur
la péricardiocentèse sous-xiphoïdienne sous contrôle échocardiographique ou la péricardiotomie (3). Le risque iatrogène de la
péricardiocentèse (lacération myocardique et ponction coronaire)
étant considéré comme important, certains la réservent aux tamponnades engageant le pronostic vital et en cas de suspicion de
péricardite purulente (2-4). Des doses massives de corticoïdes
administrées par voie parentérale seraient efficaces et constitueraient une alternative à la péricardiocentèse (2, 4).
L’évolution est presque constamment favorable. La récidive de
péricardite est rare et reste sensible aux anti-inflammatoires. Dans
les formes récidivantes avec épanchement abondant, certains
auteurs préconisent l’injection intrapéricardique de corticoïde
après péricardiocentèse, mais il est parfois nécessaire de recourir à une péricardectomie ou à une fenêtre péricardique (2). Certains auteurs recommandent un traitement par colchicine (1 mg/j)
pendant un à deux ans pour prévenir les récidives ; il permettrait
la diminution, et même l’arrêt, de la corticothérapie (en l’absence
de signes d’activité du lupus) (2).
L’évolution vers la constriction est exceptionnelle (2).
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CONCLUSION
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3. Kahl LE. The spectrum of pericardial tamponade in systemic lupus erythematosus : report of ten patients. Arthritis Rheum 1992 ; 35 : 1343-9.
La tamponnade cardiaque est une complication rare du lupus.
Elle est exceptionnellement révélatrice de la maladie, mais cette
collagénose doit être recherchée dans le cadre du bilan étiologique, d’autant plus que le patient est jeune et de sexe féminin.
Les manifestations biologiques peuvent apparaître de façon retardée, ce qui incite à recontrôler le bilan d’auto-immunité en cas
de péricardite d’évolution inhabituelle.
■
6. Nour-eddine M, Bennis A, Soulami S, Chraibi N. Tamponnade cardiaque révélatrice d’un lupus érythémateux systémique. Ann Cardiol Angeiol 1996 ; 45 : 71-3.
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