La Lettre du Neurologue - n° 10 - vol. VII - décembre 2003 351
La fin des AVK
dans la fibrillation auriculaire ?
Tout neurologue connaît le risque
hémorragique des antagonistes de la
vitamine K (AVK). Et si nombre de patients,
en pratique, lorsqu’ils ont une fibrillation
auriculaire, ne reçoivent pas d’AVK en pré-
vention d’embolies cérébrales ou systé-
miques, c’est souvent par crainte d’une
hémorragie intracrânienne ou systémique
majeure. C’est aussi car la surveillance est
compliquée, avec une période d’équilibra-
tion du traitement lors de laquelle de nom-
breuses prises de sang doivent être effectuées,
puis la surveillance de l’INR et ses fluctua-
tions souvent liées à la prise de certains ali-
ments, et souvent sans explication.
Ainsi, le ximélagatran, antithrombine par
voie orale (36 mg deux fois par jour) qui ne
nécessite pas de surveillance de l’INR se
place comme une excellente alternative thé-
rapeutique. Il a déjà fait ses preuves après
chirurgie de la hanche et du genou, et récem-
ment en postinfarctus du myocarde dans
l’étude ESTEEM. Voici les résultats de
l’étude SPORTIF III.
Dans cette étude européenne, les auteurs
ont randomisé 3 410 patients qui avaient
une fibrillation auriculaire avec un ou plu-
sieurs facteurs de risque d’embolie céré-
brale (antécédent d’AIT ou AVC, HTA,
âge > 75 ans, dysfonction ventriculaire gauche
avec FE < 40 %, âge > 65 ans chez un dia-
bétique ou coronarien) entre ximélagatran
et warfarine (INR 2 à 3) avec une hypo-
thèse de non-infériorité. Après 18 mois de
suivi, sur le critère de jugement primaire
– AVC ischémique ou hémorragique et
embolie systémique – il y a eu une réduction
de risque de 29 % (–6,5 à 52 %) sous ximé-
lagatran (2,3 % sous warfarine et 1,6 % sous
ximélagatran), soit une vérification de la
non-infériorité du ximélagatran. Il y a eu de
plus une diminution significative des hémor-
ragies majeures et mineures combinées
(29,8 % sous warfarine comparativement à
25,8 % sous ximélagatran), soit une réduc-
tion de risque de 14 % (4 à 22 % ; p = 0,007).
Enfin, sur le bénéfice net (combinaison du
critère de jugement primaire et des compli-
cations hémorragiques majeures), il y avait
supériorité du ximélagatran sur la warfarine
avec 6,1 % sous warfarine et 4,6 % sous
ximélagatran, soit une réduction relative du
risque de 25 % (4 à 42 %), p = 0,019.
Commentaire. Il s’agissait d’une étude
ouverte mais avec méthodologie PROBE
(événements jugés par un investigateur indé-
pendant en aveugle du traitement pris). Les
résultats récemment présentés de l’étude
américaine SPORTIF V, faite en double
aveugle, vérifient aussi l’hypothèse de non-
infériorité, et la méta-analyse des deux
études montre que le bénéfice net reste en
faveur du ximélagatran. Une excellente
avancée pour notre pratique médicale.
P. Amarenco,
centre d’accueil et de traitement
de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, Paris.
Du génotype au phénotype...
L’objectif de cette étude était de tenter
de clarifier les relations entre géno-
type et phénotype des épilepsies générali-
sées idiopathiques (EGI). Les auteurs ont
étudié sur un plan phénotypique 31 familles
dont 2 membres au moins souffraient d’EGI
(épilepsie absence de l’enfant ou de l’ado-
lescent ou épilepsie myoclonique juvénile).
L’analyse portait essentiellement sur la dis-
tribution et la fréquence des types de crises
(absences ou myoclonies) au sein de ces
familles. Il a été retrouvé une distribution
significative de crises identiques au sein des
membres d’une même famille, ce indépen-
damment du diagnostic syndromique. Ces
résultats indiquent donc que les gènes sous-
tendant les absences ou les myoclonies pour-
raient être distincts.
Commentaire. Au sein des épilepsies géné-
ralisées idiopathiques, les présentations cli-
niques des 3 principaux syndromes (épilepsie
absence, épilepsie myoclonique juvénile,
épilepsie grand mal du réveil) sont relative-
ment proches (association de crises géné-
ralisées tonicocloniques, myocloniques et
d’absences dans des proportions variables)
et peuvent parfois se recouvrir. À l’heure
actuelle, le démembrement génétique de
ces EGI reste flou et l’on pencherait plutôt
pour un déterminisme polygénique avec
des gènes de susceptibilité sous-tendant tel
ou tel syndrome. En 2000, une étude de
Durner et al. (Genome scan of idiopathic
generalized epilepsy : evidence for major
susceptibility gene and modifying genes
influencing the seizure type. Ann Neurol
2000 ; 49 : 328-35) avait déjà analysé des
familles avec EGI en fonction du type de
crises rencontrées : crises généralisées toni-
cocloniques, myoclonies, absences. Ils avaient
ainsi pu démontrer l’existence d’un modèle
oligogénique avec un locus donné répondant
à un type de crise donnée. L’ensemble de
ces résultats conforte donc l’idée que les
EGI constituent en fait le spectre continu
d’une même maladie qui pourrait être redé-
finie sur la base d’une analyse sémiolo-
gique et génétique différente.
S. Dupont, unité d’épileptologie,
hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Épilepsie et mauvaise humeur
L’objectif de cette étude rétrospective
était de déterminer chez les patients
sous lévétiracétam l’incidence des troubles
du comportement suffisamment sévères
pour induire l’arrêt du traitement ainsi que
les facteurs de risque de survenue de tels
troubles du comportement. Cinq cent cin-
quante-trois patients traités par lévétiracé-
tam entre janvier 2000 et février 2002 ont
ainsi été étudiés. Sur cette cohorte de
patients, 74 (13 %) ont arrêté le lévétira-
cétam : 38 (6,9 %) du fait de troubles du
comportement et 26 (4,7 %) pour ineffica-
cité. Les troubles du comportement étaient
divers : attitudes dangereuses pour eux-
mêmes ou leur entourage, idées suicidaires,
agressivité, irritabilité, etc. Dans tous les
cas, les troubles ont été régressifs après
l’arrêt du traitement. Les facteurs de risque
identifiés de survenue de tels troubles com-
portementaux étaient : l’existence d’une
épilepsie généralisée symptomatique (indica-
tion pour laquelle le produit n’a pas encore
l’AMM en France), un antécédent de trouble
psychiatrique, une titration rapide jusqu’à la
dose cible. En revanche, une forte posologie
de lévétiracétam ne semblait pas en cause
puisque les patients ayant arrêté le lévétiracé-
tam pour cause comportementale avaient en
moyenne des posologies plus faibles que
les autres patients sous lévétiracétam.
Commentaire. Certains nouveaux antiépi-
leptiques sont connus pour leurs potentiels
effets secondaires psychiatriques (vigaba-
trin, tiagabine, topiramate). L’utilisation
désormais large du lévétiracétam a permis
de remarquer chez certains patients l’appa-
rition d’effets secondaires comportemen-
taux à type d’agressivité ou de sentiments
dépressifs. Il convient donc chez certains
patients à risque d’être prudents et d’effec-
tuer si besoin une titration prudente.
SD
✔
Executive Steering Committee on besaiguë of
the SPORTIF III Investigators. Stroke prevention
with the oral direct thrombin inhibitor ximelaga-
tran compared with warfarin in patients with non-
valvular atrial fibrillation (SPORTIF III) : randomi-
ser controlled trial. Lancet 2003 ; 362 : 1691-8.
✔
Winaver et al. Genetic influences on myoclonic
and absence seizures. Neurology 2003 ; 61 (11) :
1576-81.
✔
White et al. Discontinuation of levetiracetam
because of behavioral side effects : a case-control
study. Neurology 2003 ; 61 (9) : 1218-21.
REVUE DE PRESSE
Dirigée par le Pr P. Amarenco