Soins Libéraux 39 Prurit Un impérieux besoin de se gratter Physiologique, le prurit est rare mais il peut devenir gênant lorsqu’il se répète, et franchement pathologique s’il devient chronique. En dehors de la gêne qu’il occasionne, il ne doit pas être négligé car il peut être révélateur d’une affection locale ou générale. L e prurit est un symptôme fonctionnel qui peut, selon son importance, faire consulter le malade ou simplement être signalé par lui, en fin de consultation déclenchée pour une autre pathologie. Ce n’est jamais un événement mineur à négliger. Il peut être localisé, diffus ou généralisé à l’ensemble du tégument. Le grattage le fait disparaître complètement, mais temporairement. Interrogatoire L’interrogatoire est un temps capital du diagnostic. Le patient doit signaler les premières manifestations du symptôme, leur cadre d’apparition, leur forme évolutive. Y a-t-il des circonstances particulières liées à cette apparition, à son déclenchement ou à sa réactivation ? Le prurit est-il toujours localisé ? Si oui, à quel endroit, à quel moment, voire à quelle heure se produit-il ? S’il est généralisé, l’estil depuis toujours ou au contraire d’apparition progressive ? Tous ces éléments doivent être soigneusement notés et repris en cas de besoin, comme autant d’indices de début de preuves. Une véritable enquête policière ! Parallèlement, existe-t-il des signes d’accompagnement comme une fièvre, une asthénie, des douleurs ? Existe-t-il des manifestations locales du prurit en plus des lésions de grattage, signant alors une éventuelle lésion cutanée ? Diagnostic L’orientation diagnostique tient compte de deux éléments importants : la topographie du prurit et l’existence de lésions élémentaires dermatologiques ne pouvant pas être expliquées par le seul grattage. En cas de dermatose, le prurit est pratiquement toujours constant : que la cause soit parasitaire (gale), infectieuse (varicelle, zona), allergique (urticaire) ou auto-immune (LEAD). En cas de gale, le prurit est généralisé et à prédominance nocturne et familiale. En revanche, il est localisé et topographiquement significatif en cas de pédiculose atteignant les zones pileuses ou leurs lisières. En cas de parasitose interne, selon le type de l’infestation : filarioses, distomatoses ou bilharzioses, le prurit peut être localisé ou diffus. Dans ces cas pathologiques difficiles, seul le résultat des explorations complémentaires permettra de trancher et d’arriver au diagnostic. Le bilan peut, en s’appuyant sur l’interrogatoire, retrouver une cause allergique. Médicamenteuse parfois : plus de 300 médicaments peuvent être en cause parmi lesquels les sartans, comme les inhibiteurs calciques, les IEC… Le prurit peut être aussi un signe de cholestase, par l’accumulation de sels biliaires qu’elle entraîne dans le sang. En l’absence d’autres signes, un prurit doit être, chez un sujet jeune, une indication à pratiquer un bilan sanguin. En effet, le risque d’hémopathie est important, parmi lesquels les lymphomes hodgkiniens ou non. Par ailleurs, beaucoup de dysfonctionnements glandulaires peuvent s’accompagner de prurit : du diabète à l’hyperthyroïdie ou l’hyperparathyroïdie. Lorsque aucune anomalie n’est notée, il peut alors s’agir d’un prurit psychogène. Diagnostic d’élimination, il est plutôt présent sur un terrain anxiodépressif, et surtout amélioré par un traitement psychiatrique. Chez la personne âgée, le prurit sénile est fréquent et quasi physiologique au point de rendre son traitement extrêmement délicat. Ainsi, cuisson ou douleur sont parfois difficiles à distinguer d’un prurit. La diminution de l’intensité d’un stimulus douloureux peut produire du prurit, l’injection d’une faible quantité d’histamine dans la peau provoque un prurit mais une quantité plus importante peut induire une sensation de brûlure et même une douleur. Toutefois, prurit et douleur sont bien des sensations différentes : les opiacés calment la douleur mais renforcent le prurit ; la chaleur et le grattage soulagent le prurit et non la douleur. A la différence du prurit, la douleur ou la cuisson n’entraînent pas le besoin impérieux de se gratter, et le grattage ne les fait pas disparaître. On le voit : le diagnostic n’est pas toujours aisé. Traitement Le traitement local doit se limiter à une hydratation de la peau et à un nettoyage avec des savons neutres ou surgras. On doit surtout s’abstenir localement de pommades antihistaminiques et retarder aussi longtemps que possible, l’utilisation de dermocorticoïdes. L’administration par voie générale d’antihistaminiques est fréquente mais cependant son efficacité n’est pas avérée. JB Il existe un prurit physiologique. Ce prurit est discret, inconscient, n’entraînant pas de désagrément. Il est particulièrement important le soir et/ou quand le malade se dévêt. Chaque individu se gratte de nombreuses fois dans une journée sans que cela soit désagréable. Le prurit doit être distingué de sensations cutanées voisines mais non identiques (cuisson ou douleur). Infos ... Bilan biologique NFS, VS, Protéine C réactive, électrophorèse des protéines, glycémie, bilan hépatique, bilan sérologique, bilan parasitologique sanguin et de selles. Si besoin, explorations radiologiques : échographie, et biopsies des lésions cutanées éventuelles. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005