Mise au point d’un prurit G. Dupire1, 2, D. Salik2, C. Dangoisse2J André2 1. Clinique d’immuno-allergologie, CHU Brugmann 2. Département inter-hospitalier de dermatologie CHU Brugmann, CHU Saint-Pierre, HUDERF Université Libre de Bruxelles Le prurit est défini comme une sensation cutanée provoquant le besoin de se gratter. Il constitue un des symptômes prédominant des affections dermatologiques. Certains prurits peuvent être le signe d’appel de pathologies internes. Les mécanismes conduisant au prurit restent mal connus mais sont probablement multifactoriels. Les causes du prurit sont classées de façon schématique en 2 groupes : les dermatoses prurigineuses, liées à des maladies d’origine cutanée, et des prurits d’origine interne, signe de désordres métaboliques ou carentiels. Un algorithme décisionnel permet de classer les différentes étiologies possibles, ainsi que le bilan à entreprendre. Cet algorithme se base sur le caractère localisé ou diffus du prurit, de même que sur la présence de lésions cutanées spécifiques permettant d’orienter le diagnostic (Figure 1)1. La prise en charge d’un patient souffrant de prurit nécessite une anamnèse rigoureuse, une évaluation du prurit, son intensité, son mode d’apparition, son évolution au cours du temps, sa localisation, ainsi que les facteurs déclenchants. Un examen clinique est à réaliser, à la recherche de lésions cutanées, ainsi que de signes cliniques extra-cutanés. Ainsi, le clinicien pourra s’aider d’examens complémentaires, telle qu’une biologie, ou une biopsie cutanée afin d’étayer son diagnostic (Tableau I). Différents diagnostics dermatologiques pourront être évoqués en fonction de la localisation du prurit (Tableau II)2. Le clinicien devra cependant être attentif à un prurit diffus sans lésions cutanées, afin de ne pas méconnaitre une pathologie d’origine systémique. Le diagnostic d'un prurit peut être d'autant plus difficile à établir qu’il peut être un signe avantcoureur, précédant les signes plus spécifiques d’une pathologie. Le prurit " sénile " ainsi que le prurit " psychogène ", restent des diagnostics d'exclusion qui ne doivent être retenus qu'après avoir écarté toutes les autres causes de prurit. Le traitement étiologique de la dermatose ou de la pathologie systémique est indispensable. Les médicaments suspects devront être stoppés (Tableau III). Un traitement symptomatique peut être utile pour soulager rapidement le patient 3. 1 Figure 1. Algorithme se basant sur le caractère localisé ou diffus du prurit et sur la présence de lésions cutanées spécifiques. 2 Etiologie Atopie Maladie bulleuse Rénale : IR terminale, bains de dialyse Hépatique : Stase biliaire (hépatocarcinome) Digestive : Entéropathie au gluten Déficit nutritionnel, malabsorption, anorexie Hématologique : Anémie Maladie de Hodgkin Maladie de Vaquez Lymphome, leucémie à cellules T de l’adulte Endocrinologique : Dysthyroïdie Diabète Infectieuse : Parasites (strongyl.stercoralis, toxocarose) Virus (VIH, hépatite C) Hélicobacter pylori Mycobactéries Ectoparasites (gale) Cancers solides : Digestifs, rein, thyroïde, pulmonaire Médicamenteux : Interférons, rétinoïdes, bêtabloquants Variés : Lymphopénie CD4 idiopathique Déficit en α1-antitrypsine Dermite de contact allergique Contexte psychologique Bilan à effectuer IgE totaux ou spécifiques Biopsie, IFD, IFI Urée, créatinine, calcium, phosphates Sels biliaires, imagerie radiologique Anticorps antitransglutaminase Albumine, vitamines Fer, transferrine, ferritine Frottis sanguin HTLV-1 TSH, anticorps antithyroïdiens Glycémie Sérologies parasitaires Dépistage VIH, sérologie hépatite C Breath test PCR, culture, Mantoux Endoscopie, examens radiologiques Imputabilité extrinsèque Typage lymphocytaire α1-antitrypsine Tests épicutanés Tableau I. Bilan paraclinique selon l’étiologie suspectée 3 Localisation du prurit Cuir chevelu Visage Dos et épaules Membres, mains/pieds Ano-génital Principaux diagnostics à envisager - Pédiculose - Dermite séborrhéique - Teigne, folliculite - Dermatite irritative - Eczéma de contact - Dermite séborrhéique - Eczéma - Photodermatoses - Névrodermite - Acné - Folliculite pityrosporique - Séquelle de zona, amylose - Notalgie paresthésique - Dermatite atopique - Dyshidrose - Lichen plan - Psoriasis - Dermatite herpétiforme - Dermatophyties - Gale - Dermite de contact - Psoriasis inversé - Vulvites et balanites - Candidoses et dermatophyties - Gale et parasitoses digestives - Lichen scléreux - Tumeur maligne débutante Tableau II. Diagnostic différentiel dermatologique en fonction de la localisation du prurit 4 Tableau III. Médicaments inducteurs de prurit Figure 1. Algorithme diagnostic, European Guideline on Chronic Pruritus4 5 Références 1. Provost P, Dangoisse C. Rev Med Brux. 2008 ; 29 : 540-5 2. Saurat J-H, Lachapelle J-M, Lipsker D et al. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Elsevier Masson, 5ème édition, 2009 ; Chapitre 20 : pp. 1005-10016. 3. Misery L : Traitement symptomatique du prurit. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132 : 492-5 4. Weisshaar E, Szepietowski J C, Darsow U et al. European Guideline on Chronic Pruritus. Acta Derm Venereol 2012; 92: 563–581 6