I C A A C 9 9 Pneumonies communautaires MALADIE DES LÉGIONNAIRES ET ANTIGÈNES URINAIRES pourrait témoigner d’une infection antérieure. La durée d’excrétion des antigènes est encore mal connue. N. Sopena et coll. (Barcelone, Espagne [225]) ont suivi la cinétique d’élimination des antigènes urinaires Lp1 chez 42 patients chez qui cette recherche (méthode immunoenzymatique) avait été positive. Les prélèvements urinaires ont été contrôlés une fois par mois pendant quatre mois puis tous les trois mois jusqu’à la négativation. L’antigénurie se négative dans les deux mois qui suivent le diagnostic chez 28 patients (66,6 %), dans 7 cas entre le deuxième et le troisième mois (16,6 %) et, dans les 7 derniers cas, après le troisième mois (plus de 6 mois dans deux cas, et plus d’un an chez un patient) (figure 1). L’étude des caractéristiques épidémiologiques et cliniques des patients montre que l’excrétion urinaire prolongée au-delà de 60 jours est corrélée de façon significative à un délai d’apyrexie supérieur à 48 heures et une séroconversion plus fréquente. L’absence de signes cliniques spécifiques de la maladie des Légionnaires et la mortalité élevée de celle-ci en l’absence de traitement précoce adapté justifient la nécessité d’un diagnostic rapide. La détection dans les urines des antigènes de Legionella pneumophila de sérotype 1 (Lp1), responsable de plus de 80% des cas de légionelloses, est une méthode diagnostique rapide, qui paraît sensible et spécifique. E. de Carolis et coll. (Montréal, Canada [522]), à l’occasion d’une étude prospective multicentrique menée de janvier 1996 à octobre 1997, ont cherché à évaluer l’incidence des pneumonies à Legionella, chez 822 patients âgés de plus de 16 ans hospitalisés pour pneumonie communautaire (signes cliniques de pneumonie plus infiltrat pulmonaire radiologique), en réalisant systématiquement une détection d’antigène urinaire Lp1 (ELISA), une sérologie de légionelle (IF et ELISA) à la phase aiguë et lors de la convalescence, et une culture de prélèvements respiratoires. Vingt et un cas de pneumonies à Legionella (2,6 %) ont ainsi été diagnostiqués : Lp1 dans 18 cas (86 %), dont 17 révélés par la présence d’antigènes urinaires et 1 par la culture, Lp2 dans 2 cas (9 %) identifiés par la culture d’un lavage broncho-alvéolaire, et 1 cas à Legionella micdadei diagnostiqué par culture. La sensibilité de la recherche d’antigènes urinaires de Lp1 dans cette étude est de 81 %. Dix-sept des 18 pneumonies à Lp1 n’auraient pas été détectées sans la recherche des antigènes urinaires. Cependant, les antigènes peuvent persister dans les urines même après un traitement antibiotique spécifique, et leur présence PNEUMONIES D’INHALATION La place des pneumonies d’inhalation communautaires est diversement appréciée dans la littérature (3 à 9 %) et probablement sous-estimée. B. Rosonet et coll. (Barcelone, Espagne [521]) ont trouvé une incidence de 6 % dans une série de 847 patients hospitalisés entre février 1995 et décembre 1998 pour pneumonie communautaire. L’enquête microbiologique comportait des hémocultures, un examen cytobactériologique des crachats, des sérologies et, pour certains patients, des méthodes invasives ont été réalisées. Le diagnostic de pneu- Nombre de patients 25 20 15 10 5 0 1 2 3 D 1.éDurée d del’l’excrétion é ides antigènes d i è Lp1. Figure urinaires 470 4 i 5 i 6 L 1 7 8 9 10 11 12 Mois .../... La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 I .../... monie d’inhalation (PI ) certaine est défini par l’isolement de germes de la flore oropharyngée aérobie/anaérobie dans un prélèvement non contaminé, et la PI est probable en présence de facteurs prédisposant à l’inhalation, de signes cliniques hautement évocateurs et d’atteinte radiologique concordante. Ainsi définie, une PI a été identifiée chez 52 patients, soit 6 % : 11 PI certaines (21 %), 41 probables (79 %). Il s’agit de la troisième cause de pneumonie identifiée après Streptococcus pneumoniae (24 %) et Legionella pneumophila (8 %). Haemophilus influenzae et les autres germes atypiques sont en cause dans 5 % des pneumonies, alors qu’aucune cause n’a été identifiée dans 49 % des cas. Les 11 PI certaines sont toutes polymicrobiennes et comportent une flore uniquement anaérobie dans 9 %, aérobie seule dans 45 % et mixte dans 46 % des cas. Les principaux facteurs prédisposant à l’inhalation sont les troubles neurologiques (21 cas), un cancer cervico-facial (6 cas), une tentative de suicide médicamenteuse et l’ivresse (6 cas). Les patients atteints de PI sont plus souvent des hommes, ont plus fréquemment des facteurs prédisposant à l’inhalation et une altération de la conscience, des abcès et empyèmes. Cliniquement, le début est moins brutal, les patients ont moins souvent de frissons, de douleurs pleurales, de myalgies et de céphalées que dans les autres pneumonies. Dans cette série, la mortalité évaluée à J30 est de 21 % en cas de PI contre 11 % dans les autres pneumonies. GERMES ATYPIQUES J.T. Summersgill et coll. (Louisville, États-Unis [523]) ont présenté les résultats d’une enquête microbiologique de 413 pneumonies communautaires au cours de laquelle ils ont tenté d’identifier un germe atypique par toutes les méthodes diagnostiques actuellement diponibles : analyse bactériologique des crachats par coloration de Gram et cultures, y compris pour la recherche de Legionella pneumophila (Lp), de Chlamydia pneumoniae (Cp), de Mycoplasma pneumoniae (Mp). La recherche de Cp, Mp et Lp a aussi été faite par PCR dans le prélèvement oropharyngé. Étaient associées deux séries d’hémocultures, la sérologie de Cp, Mp, Lp à la phase aiguë et lors de la convalescence, enfin la recherche d’antigènes Lp1 dans les urines. Le diagnostic de pneumonie à Mp était probable en présence d’un titre d’IgM 16, ou d’IgA 32, certain en présence d’IgM et/ou d’une séroconversion IgG ou d’une baisse du taux d’anticorps après traitement, ou d’une PCR positive, ou d’une culture positive. L’infection à Cp était probable pour des taux d’IgM 10 ou d’IgA 512, certaine en présence d’IgM et/ou d’une séroconversion IgG ou d’une baisse du taux d’anticorps après traitement, ou d’une PCR positive, ou d’une culture positive. L’infection à Lp était certaine en cas de séroconversion, en présence d’antigène urinaire, de PCR positive ou de culture positive. Aucun germe n’a pu être identifié dans 47 % des cas. Un germe “typique” est trouvé chez 141 patients (34 %), et un germe atypique chez 110 patients (26 %). Le diagnostic de pneumonie atypique a été porté de façon certaine dans 35 % des cas. Les germes atypiques sont seuls responsables de la pneumonie dans 74 des 110 cas identifiés, et associés à d’autres germes dans 36 cas (tableau I). Cette étude La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 C A A C 9 9 montre la place significative des germes dits atypiques comme agent étiologique aussi bien isolé qu’associé dans les pneumonies communautaires. L’identification d’un germe dit typique ne doit pas exclure la possibilité d’une association à un germe atypique copathogène, et inversement. Ces résultats pourraient inciter, en cas d’échec d’une antibiothérapie probabiliste d’une pneumonie communautaire, à réaliser une association active sur les deux catégories de germes plutôt que d’effectuer un changement de classe thérapeutique. Tableau I. Les germes “atypiques” au cours des pneumonies communautaires : seuls ou associés ? Germes atypiques seuls 74/110 Germes atypiques associés 36/110 Mp + Cp 5 Mp + Lp 3 Cp + Lp 1 Mp + germe “typique” 14 Cp + germe “typique” 9 Lp + germe “typique” 4 MP : Mycoplasma pneumoniae ; Cp : Chlamydia pneumoniae ; Lp : Legionella pneumoniae. T.J. Marrie et coll. (Halifax, Canada [524]) ont étudié la place des différentes espèces de Chlamydia au cours des pneumonies communautaires. Cinq cent trente-cinq patients ont été inclus entre janvier 1996 et septembre 1997 dans quinze centres. Tous ont bénéficié de la recherche d’anticorps (IF) dirigés contre C. pneumoniae (Cp), C. psittaci (souche aviaire, souche féline, souche turque et souche du pigeon), C. percorum et C. trachomatis. Quarante-deux patients (7,8 %) présentaient les critères d’infection récente à Cp ( séroconversion > 4, ou IgM 16, ou IgG 512 ou IgA 64). Deux patients présentaient une infection à C. psittaci souche féline (0,3 %). Il n’y a eu aucun cas d’infection par les autres souches de Chlamydia. Cp est associé dans 26 cas (62 %) à 39 copathogènes (un seul autre pathogène dans 16 cas, 2 autres pathogènes dans 10 cas) : Streptococcus pneumoniae : 13 (33 %), virus Influenza : 7 (17,9 %), VRS : 5 (12,8 %), Mp : 2 (5,1 %), Lp : 2 (5,1 %). La comparaison entre les patients atteints de pneumonie à Cp et les autres ne montre pas l’existence de signes propres à ce germe. Comme le montre l’étude précédente, Cp est le plus souvent associé à d’autres germes. MORTALITÉ DES PNEUMONIES À PNEUMOCOQUE SENSIBLE OU RÉSISTANT : APPLICATION DES CRITÈRES PRÉDICTIFS DE FINE D.R. Hinthom et coll. (Kansas City, États-Unis [2249]), comme dans la plupart des études précédentes, n’ont retrouvé aucune association entre la mortalité des pneumonies à pneumocoque et la résistance aux antibiotiques. L’originalité est ici d’avoir appliqué les critères prédictifs de Fine pour démontrer qu’ils restent valables quelle que soit la sensibilité du pneumocoque 471 I C A A C 9 9 aux antibiotiques. Cent soixante-deux patients (95 hommes, 67 femmes) atteints de pneumonie (communautaire ou nosocomiale) à pneumocoque ont été inclus. Les patients ont été ensuite répartis selon les classes à risque de Fine et la résistance aux différentes classes d’antibiotiques (tableau II). Aucun des patients des trois premières classes de Fine ne décède, contre 4 (12 %) et 10 (40 %), respectivement, de ceux des classes IV et Tableau II. Pneumonies à pneumocoque : répartition des patients et des souches selon les classes de risque de Fine et leur résistance aux antibiotiques. Paramètre V. Ces différences de pronostic ne sont pas corrélées à des différences de répartition des souches résistantes de pneumocoque. Le taux de mortalité est même légèrement supérieur dans le groupe des patients atteints d’infection à pneumocoque sensible (figure 2). La prise en charge des pneumonies doit être poursuivie sur la base des critères de Fine, déjà largement validés. P. Lecocq Total Nombre de patients 162 Nombre de décès (%) 14 (9) Nombre pneumo. noso. (%) 22 (14) Nombre traités par 1 AT (%) 17 (11) % souches péni-R – CMI* > 0,12 46 – CMI 2 12 % souches ceftriaxone-R – CMI 2 9 % souches érythro-R : – CMI > 0,5 23 – CMI 2 < 128 15 – CMI 128 6 % souches TMP-SMX-R – CMI 1/19 27 Classe I Classe II Classe III Classe IV Classe V 23 0 3 (13) 6 (26) 55 0 7 (13) 4 (7) 25 0 3 (12) 3 (12) 34 4 (12) 5 (15) 3 (9) 25 10 (40) 4 (16) 1 (4) 43 4 49 18 56 12 44 12 32 2 4 20 4 3 0 8 8 0 25 15 5 20 12 8 24 21 3 36 16 12 30 33 36 12 24 Pneumo. noso. : pneumonie nosocomiale ; AT : antibiotique ; péni : pénicilline G ; R : résistant ; érythro : érythromycine ; TMPSMX : triméthoprime-sulfaméthoxazole ; * mg/l. Nombre de patients 100 83 79 11% de mortalité attribuable 6% de mortalité attribuable Pneumocoque sensible Pneumocoque résistant Patients décédés 9 5 0 Pneumonies à pneumocoque (1996-1998) : répartition des décès selon la sensibilité aux antibiotiques Figure 2. Mortalité des pneumonies à pneumocoque sensible ou résistant : application des critères prédictifs de Fine. 472 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999