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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. II - janvier/février/mars 2002
d’agression sexuelle et/ou physique (10). Plus
de 40 % des patients interrogés souffrant de
troubles fonctionnels intestinaux rapportent
des antécédents d’agression sexuelle (11). La
constipation est le symptôme le plus fréquem-
ment rapporté par ces patients. Trente-neuf
patientes sur 40 victimes d’agression sexuelle
ont une dyssynergie recto-sphinctérienne
(anisme) diagnostiquée à la manométrie ano-
rectale. Ces résultats montrent que si tout
patient présentant un anisme n’a pas été vic-
time d’agression sexuelle, en revanche, lors-
qu’on a été victime d’une telle agression, le
risque d’avoir un anisme est très élevé.
Un autre argument en faveur de l’origine com-
portementale de l’anisme est l’efficacité du trai-
tement par rééducation, qui suggère que
l’anisme correspond à un apprentissage
sphinctérien déficient plutôt qu’à une maladie.
Ainsi, beaucoup d’enfants constipés et enco-
prétiques poussent lorsqu’on leur demande de
serrer leur sphincter anal et, au contraire, ser-
rent leur sphincter, lorsqu’on leur demande de
pousser. Ce dysfonctionnement appelé syn-
drome du sphincter désobéissant, peut être
corrigé par la rééducation périnéale.
De la même façon que chez les patients neuro-
logiques, les patients ayant une dyssynergie
recto-sphinctérienne d’origine comportemen-
tale présentent fréquemment des symptômes
urinaires (dysurie, infection) traduisant un dys-
fonctionnement périnéal plus global (12).
Q
UELLES CONSÉQUENCES
?
Hormis la constipation terminale, l’existence
d’une dyssynergie recto-sphinctérienne, par les
efforts de poussée abdominale qu’elle impose,
peut être responsable de troubles de la sta-
tique pelvienne (procidence rectale, rectocèle,
ulcère solitaire) avec descente périneale (voir
infra). Les efforts de poussée abdominale chro-
niques, répétés exposent également les
patients à la survenue d’une incontinence anale
ultérieure (13).
Q
UELS TRAITEMENTS
?
Traitements médicamenteux
Dans notre expérience, les résultats des traite-
ments myorelaxants sont décevants lorsqu’il
existe une dyssynergie recto-sphinctérienne.
Les traitements médicamenteux reposent sur
l’utilisation de laxatifs, de suppositoires et de
lavements à l’eau qui, en ramollissant les
selles, rendent les exonérations plus faciles.
Les injections de toxine botulique dans le
sphincter strié de l’anus semblent donner de
bons résultats, bien que transitoires, chez les
patients souffrant de constipation terminale
secondaire à une dyssynergie recto-sphincté-
rienne (14, 15). L’efficacité de l’infiltration s’ac-
compagne d’une chute des pressions anales.
Biofeedback
Le biofeeback est une technique de rééducation
instrumentale qui a pour objectif d’apprendre
au patient à laisser s’ouvrir l’anus au moment
des poussées. Le biofeedback peut permettre
de corriger une dyssynergie recto-sphincté-
rienne lorsque celle-ci est d’origine comporte-
mentale. Dans ces conditions, son taux de réus-
site avoisine les 70 % (16). Il est efficace quels
que soient l’âge du sujet et l’ancienneté des
troubles. Le biofeedback est l’approche la plus
logique pour corriger un sphincter anal déso-
béissant chez l’enfant encoprétique. Si la dys-
synergie est secondaire à une pathologie neu-
rologique, les résultats du biofeedback sont
plus aléatoires et dépendent du caractère com-
plet ou non de la lésion des voies de la com-
mande motrice périnéale. Cependant, il est sou-
vent difficile d’apprécier le rôle propre du
biofeedback sur la constipation terminale car il
est rarement dissocié des règles hygièno-diété-
tiques habituelles (présentation régulière aux
toilettes, régime riche en fibres...), du traite-
ment laxatif et des lavements évacuateurs.
Le mode d’action exact du biofeedback dans la
constipation reste à préciser. L’incidence de la
personnalité du sujet sur la réussite du bio-
feedback (17), l’importance de l’échange verbal
entre le patient et le thérapeute chargé de la
rééducation (18), les agressions sexuelles
et/ou physiques parfois subies par les patients
présentant un anisme, laissent penser que le
biofeedback agirait davantage comme une thé-
rapie comportementale. Le biofeedback devien-
drait ainsi un moyen de communication non
verbale pour des sujets chez qui l’apparition
des symptômes constitue une demande d’aide
mais qui sont incapables de verbaliser leur
souffrance.
dossier