La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 10 - décembre 2011 | 605
Résumé
Le pronostic du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) s’est considérablement amélioré ces
dernières années, notamment grâce à la découverte à l’échelle moléculaire de certaines mutations qui
engendrent une sensibilité particulière aux inhibiteurs des tyrosine kinases (ITK) de l’EGFR. L’utilisation
de ces derniers, selon des critères biocliniques bien définis, a affiné la prise en charge thérapeutique
des CBNPC, qui, désormais, ne repose plus seulement sur le type histologique et le stade de la tumeur.
LesITK de l’EGFR ont également dessiné leur place dans la stratégie de maintenance et dans le traitement
des sujets fragiles ne supportant pas une chimiothérapie classique. Nous présentons ici les résultats des
principaux essais ayant évalué ces molécules, leurs indications ainsi que les perspectives d’avenir.
Mots-clés
Récepteur du facteur
de croissance
épidermique
Inhibiteurs
destyrosine kinases
Cancer bronchique
non à petites cellules
Summary
The prognosis of non-small-
cell lung cancer (NSCLC) has
improved considerably in the
past years, particularly through
the discovery at the molecular
level of some mutations that
cause a particular sensitivity
to EGFR tyrosine kinase inhib-
itors (TKI). The use of these,
according to bioclinical criteria,
refined the management of
NSCLC, which is now no longer
based solely on the histological
type and stage of the tumor.
The EGFR TKI have also their
place in the maintenance
strategy and in treatment of
patients that do not support
conventional chemotherapy.
We will develop in this work
the results of major trials that
evaluated these molecules,
their indications and future
prospects.
Keywords
Epidermal growth factor
receptor
Tyrosine kinase inhibitor
Non-small-cell lung cancer
L’essai IDEAL 1 (10), mené au Japon, et l’essai
IDEAL 2 (11), mené en Europe et aux États-Unis,
sont des études de phase II randomisées comparant
250 et 500 mg/j de géfi tinib, en monothérapie en
deuxième, troisième ou quatrième ligne de traite-
ment après échec d’une chimiothérapie à base de
platine et/ou de docétaxel. Cinquante pour cent
des patients ont tiré un bénéfi ce clinique du traite-
ment (réponse partielle ou stabilisation). Un tiers
des patients étaient en vie 1 an après le début du
traitement par géfi tinib. En revanche, dans l’essai de
phase III randomisé ISEL (12) comparant le géfi tinib
au placebo chez 1 692 patients atteints de CBNPC en
échec après 1 ou 2 lignes de chimiothérapie, le taux
de réponse était de 8 % pour le géfi tinib versus 1 %
pour le placebo, mais ni la survie médiane (5,6 versus
5,1 mois ; p = 0,089) ni la survie à 1 an (27 versus
21 mois) n’étaient signifi cativement améliorées. Les
résultats de cet essai n’ont pas fait retenir le géfi tinib,
initialement approuvé par la Food and Drug Admi-
nistration (FDA) en mai 2003, dans cette indication.
Dans l’essai canadien BR.21 (13) portant sur
730 patients atteints de CBNPC de stade avancé,
l’erlotinib à la dose de 150 mg/j a été comparé au
placebo. Les patients avaient reçu une première,
une deuxième ou une troisième ligne de chimio-
thérapie (avec du cisplatine dans plus de 90 % des
cas). L’objectif principal était la survie globale (SG).
Le taux de réponse était de 9 % avec l’erlotinib (1 %
de réponse complète et 8 % de réponse partielle).
La survie médiane était de 6,7 versus 4,7 mois et
la survie à 1 an, de 31 versus 22 %. Ces différences
étaient statistiquement signifi catives (p = 0,0001) et
à l’origine de l’approbation de l’erlotinib aux États-
Unis et en Europe dans le CBNPC après échec d’une
première ligne de chimiothérapie.
Par ailleurs, les études précédentes ont montré une
effi cacité des ITK de l’EGFR plus importante chez les
patients d’origine asiatique, de sexe féminin ou non
fumeurs et lorsque la tumeur était de types histo-
logiques adénocarcinome et bronchiolo-alvéolaire. La
survenue d’un rash cutané chez les patients au cours
du traitement par les ITK, qui sont généralement bien
tolérés, la survenue d’une diarrhée et ou d’une toxicité
cutanée (principalement) ainsi que la présence d’un
grand nombre de copies de l’EGFR étaient des facteurs
prédictifs de la réponse et de la survie (13, 14).
Association d’inhibiteurs
des tyrosine kinases de l’EGFR
et de chimiothérapie
en première ligne
Après que les ITK de l’EGFR eurent prouvé une
certaine efficacité en deuxième ligne thérapeu-
tique dans le CBNPC avancé, il était logique de
conduire des études évaluant la combinaison de
ces molécules à une chimiothérapie standard en
première ligne de traitement. Cependant, aucun
des 4 essais de phase III réalisés n’a pu montrer
un bénéfice en termes de survie à associer un
ITK à la chimio thérapie de première ligne ; au
contraire, cette association augmente la toxicité
(tableau I) [15-18]. L’essai de phase II, présenté par
P.A. Janne et al. à l’ASCO® 2010 (American Society
of Clinical Oncology), a randomisé 181 patients
peu ou non fumeurs entre un traitement combi-
nant erlotinib et chimiothérapie par paclitaxel-
carboplatine, d’une part, et une monothérapie par
erlotinib, d’autre part. Il n’y avait aucun bénéfice
du triplet par rapport à l’erlotinib seul en termes
de survie sans progression (SSP) : 6,6 et 6,7 mois
respectivement [19].
Actuellement, l’association des ITK et de la chimio-
thérapie est contre-indiquée dans le traitement des
CBNPC avancés ou métastatiques.
Tableau I. Essais de phase III évaluant l’ajout des inhibiteurs des tyrosine kinases de l’EGFR à la
chimiothérapie en première ligne thérapeutique dans le CBNPC.
Étude Molécule Médiane de survie
(mois)
Survie à 1an
(%)
p
INTACT1
(15)
Géfi tinib 250-500mg
Placebo
9,9
11,7
41-43
45
NS
INTACT2
(16)
Géfi tinib 250-500mg
Placebo
8,7-9,8
9,9
37-41
42
NS
TALENT
(17)
Erlotinib 150mg
Placebo
9,9
10,1
41
42,1
NS
TRIBUTE
(18)
Erlotinib 150mg
Placebo
10,6
10,5
45,9
43,9
NS
NS : non signifi catif.
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