direct du dommage et celui qui en est l’auteur indirect
par action ou par omission :
– dans le premier cas,une faute simple est suffisante
pour retenir sa culpabilité;
– dans le second cas,une faute plus importante est exi-
gée,soit la violation manifeste d’une obligation particu-
lière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, soit une faute caractérisée,exposant autrui à
un danger qui ne pouvait être ignoré.
EXEMPLE 1: DISTINCTION ENTRE L’AUTEUR
DIRECT DU DOMMAGE ET L’AUTEUR INDIRECT
Cour de cassation,chambre criminelle 5 septembre
2000 : JCP G.2001, II,10507 rejette le pourvoi interjeté
contre un arrêt de la cour d’appel de Nancy.
Un ordre,destiné à un interne spécialisé, est
délégué à un étudiant stagiaire
Un chef de service de réanimation médicale d’un hôpital
demande à un interne de transférer un patient en radio-
logie. Ce dernier délègue l’ordre à un étudiant stagiaire.
Lors du transfert,le malade subit un grave préjudice du fait
d’une réintubation commise «à l’aveugle» par l’étudiant.
Le chef de service,auteur indirect, est relaxé
en l’absence de faute caractérisée
Le chef de service, auteur de la prescription de l’examen
radiologique,à qui il était reproché un défaut de suivi
dans sa décision,est relaxé; il a sollicité un interne spé-
cialisé,compétent pour effectuer le transfert du malade.
Le comportement du chef de service est très éloigné
dans l’enchaînement causal des faits.On ne peut pas lui
reprocher une faute caractérisée,seule propre à révéler
une culpabilité pénale pour blessures involontaires.
L’interne, auteur direct du dommage,
est condamné pour une faute simple
Tel n’est pas le cas de l’interne,considéré par les juges
comme l’auteur direct du dommage pour avoir délégué
l’ordre reçu,à une personne non qualifiée et non habili-
tée pour opérer le transfert (et cela sans l’accord du chef
de service).Une faute simple suffit à retenir sa culpabilité.
EXEMPLE 2: DISSOCIATION ENTRE LA FAUTE
CIVILE ET LA FAUTE PÉNALE
Cour de cassation,chambre criminelle (n°G,01-80.871,F-D).
Une oxygénation insuffisante au cours
d’une anesthésie
Au cours d’une opération effectuée dans une clinique
privée,un patient est intubé et placé sous respirateur.Il
meurt à la suite d’une oxygénation insuffisante aboutis-
sant à une hypoventilation majeure.La famille intente
une action pénale contre l’anesthésiste ainsi que le direc-
teur de la clinique et se constitue partie civile.
L’expertise révèle une fuite sur le respirateur en rapport
avec la déconnexion d’une cellule servant à mesurer la
concentration en oxygène.
Le médecin est condamné pénalement
pour une négligence d’une gravité certaine
Le médecin est condamné,car il avait été averti par l’in-
firmier que la salle dans laquelle il souhaitait prendre en
charge le patient était hors d’usage en raison de l’ab-
sence d’oxymètre de pouls (en réparation).Le praticien
a cependant procédé à l’anesthésie dans cette pièce au
prétexte que l’absence d’un tel appareil ne lui faisait pas
peur, car il avait déjà endormi des patients bien avant
l’existence d’un tel instrument. Le juge correctionnel a
considéré qu’il a agi avec un manque de prudence et que
sa négligence est d’une gravité certaine dans la mesure
où la présence de l’oxymètre était courante et lui aurait
permis de détecter plus précocement l’hypoxie.Confor-
mément à l’arrêté du ministre de la Santé « le médecin
anesthésiste-réanimateur qui pratique l’anesthésie s’as-
sure avant l’induction que les vérifications relatives au bon
état et au bon fonctionnement des matériels ont été faites ».
Le directeur de la clinique…
… est relaxé sur le plan pénal.Le directeur de la cli-
nique,lui aussi mis en cause, est relaxé car son compor-
tement n’avait qu’un lien indirect avec le décès et qu’il n’a
pas commis de «violation manifeste d’une obligation par-
ticulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, ou de faute caractérisée, exposant autrui à un
danger qui ne pouvait être ignoré». Il lui était reproché
d’avoir omis de mettre en place une procédure efficace
de non-utilisation de la salle en question,au moins visuelle
par affichage. Le directeur de la clinique ayant fait
confiance à la transmission orale,pratiquée de longue date
dans son établissement,n’a pas commis de faute caracté-
risée nécessaire pour le mettre en cause sur le plan pénal.
… mais mis en cause civilement. Si sa carence est
insuffisante pour constituer une faute pénalement sanc-
tionnée, il est tout de même condamné à réparer une
partie du préjudice moral de la famille (sur le fondement
de l’article 1383 du Code civil : «chacun est responsable
du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou son imprudence »). Cette mise
en cause civile en dépit d’une relaxe *est une nouveauté
instituée par la loi du 10 juillet 2000.Cette dernière dis-
socie la faute civile et la faute pénale pour les infractions
non intentionnelles.En la matière,le pénal n’a plus auto-
rité sur le civil.
CONCLUSION
La loi du 10 juillet 2000 est réaliste et paraît équitable.
Dans certains cas,il sera néanmoins difficile pour le juge
d’identifier les auteurs directs et indirects des délits. ■
438 LA REVUE DU PRATICIEN - MÉDECINE GÉNÉRALE. TOME 18. N°646/647 DU 29 MARS 2004
DÉLITS INVOLONTAIRES
*Une relaxe est une
décisison du juge
pénal prononçant
la non-culpabilité
d’un prévenu.