Hypothyroïdie de l'adulte
La maladie
L'hypothyroïdie résulte de la diminution ou de l'absence de production des hormones
thyroïdiennes. Elle peut être due à une affection de la thyroïde (hypothyroïdie dite
périphérique), sur laquelle est centrée cette Reco, ou à un déficit de stimulation hypophysaire
(hypothyroïdie dite centrale).
Physiopathologie
Environ 50 % des hypothyroïdies périphériques sont auto-immunes (dont la thyroïdite de
Hashimoto), environ 40 % sont secondaires au traitement d'une hyperthyroïdie (iode
radioactif, chirurgie, antithyroïdiens de synthèse), environ 10 % ont pour causes la mauvaise
observance de l'hormonothérapie thyroïdienne substitutive, une radiothérapie cervicale ou
thoracique, les effets secondaires médicamenteux (lithium, amiodarone, interféron).
L'hypothyroïdie d'origine centrale, liée à un déficit en TSH hypophysaire (ou insuffisance
thyréotrope) est rare (voir Cas particuliers).
Epidémiologie
La prévalence de l'hypothyroïdie varie de 3 à 10 % en fonction des études et, surtout, des
populations étudiées, avec une prédominance féminine (sex-ratio 2 à 3). La prévalence de
l'hypothyroïdie infraclinique est plus élevée après 60 ans, ou en cas d'antécédents thyroïdiens
ou de traitements à risque (amiodarone, lithium, interféron).
Complications
Le coma myxœdémateux est une complication devenue exceptionnelle d'une hypothyroïdie
non traitée.
Diagnostic
Les signes cliniques d'hypothyroïdie étant peu sensibles et peu spécifiques (asthénie, troubles
de la mémoire, crampes, paresthésies, frilosité, sécheresse cutanée, syndrome dépressif, prise
de poids, constipation), le diagnostic est fondé sur le dosage des hormones thyroïdiennes,
mais surtout de la TSH.
L'hypothyroïdie est dite clinique (ou patente, ou avérée) lorsque les signes cliniques sont
francs, la TSH augmentée et la T4 libre (ou T4L) abaissée. Elle est dite infraclinique (ou
fruste, ou asymptomatique, ou occulte) lorsque les signes sont minimes ou absents, avec une
TSH augmentée confirmée par un 2e dosage à 1 mois, et une T4 libre normale.
Si l'hypothyroïdie est confirmée, les anticorps antithyroperoxydase (anti-TPO) doivent être
dosés en absence d'étiologie évidente, afin de diagnostiquer une éventuelle thyroïdite auto-
immune ou thyroïdite de Hashimoto.
Quels patients traiter ?
Les patients atteints d'hypothyroïdie confirmée symptomatique, d'hypothyroïdie transitoire si
elle est durable ou mal tolérée, et ceux atteints d'hypothyroïdie fruste si la TSH > 10 mUI/l ou
si les anticorps anti-TPO sont positifs (leur présence et leur taux élevé étant prédictifs d'une
évolution vers l'hypothyroïdie).
Objectifs de la prise en charge
Correction des symptômes avec normalisation de la TSH (sauf en cas d'hypothyroïdie
d'origine centrale).
Prise en charge
Hypothyroïdie
1
Sujets à risque
En cas d'hypothyroïdie, le « travail cardiaque » est réduit. Le traitement substitutif restaure la
fonction cardiaque, donc augmente le travail cardiaque. Les sujets de plus de 70 ans, les
patients atteints ou à risque de pathologies cardiaques (antécédents coronariens, troubles du
rythme ou insuffisance cardiaque) sont à risque. Chez ces patients, la posologie initiale est
plus faible et l'augmentation des doses doit s'effectuer progressivement (Voir Cas
particuliers).
2
Posologie initiale de lévothyroxine
Elle est variable suivant le poids et la sévérité des symptômes, mais la dose cible de 1,6 μg/kg
par jour peut être donnée d'emblée : 50, 75 ou 100 μg par jour. Elle peut être minime (25 μg)
dans les hypothyroïdies frustes.
En cas d'hypothyroïdie liée à une thyroïdectomie (sub)totale, la dose cible peut être
administrée d'emblée.
3
Posologie cible
Dans le cas de la substitution, la posologie cible doit normaliser la TSH.
La posologie moyenne chez l'adulte varie entre 100 et 150 μg par jour. Il existe une variabilité
interindividuelle.
Elle peut être inférieure à 100 μg par jour, notamment chez le sujet âgé et en cas
d'hypothyroïdie fruste.
4
Dosage de la TSH après 8 semaines de posologie cibleGrade B
Un dosage plus précoce (avant stabilisation de la TSH) risquerait d'entraîner une
augmentation injustifiée de la posologie.
5
TSH normalisée
Informer les patients de la régression progressive de la symptomatologie.
En cas de persistance des symptômes avec une TSH normale, se demander s'ils ne sont pas
indûment attribués à l'hypothyroïdie.
Le traitement est poursuivi à vie.
6
Ajustement final de la posologie
Rarement nécessaire, il s'effectue habituellement par paliers de 12,5 μg jusqu'à normalisation
de la TSH.
Une fois la dose de substitution obtenue, aucun ajustement n'est nécessaire, excepté en cas de
prise de poids importante et en fonction de l'âge.
Cas particuliers
Hypothyroïdie fruste
L'hypothyroïdie fruste est définie par un taux de TSH (hormones thyroïdiennes) supérieur à
4 mUI/l, confirmé par un 2e dosage après 1 mois avec une thyroxinémie libre (T4 libre)
normale.
L'évolution vers l'hypothyroïdie avérée n'est pas inéluctable et ne concerne qu'un tiers des cas.
Les répercussions cliniques sont inconstantes, non spécifiques, et généralement négligeables
pour une TSH inférieure à 10 mUI/l.
Le dépistage ciblé est recommandé dans les situations à risque suivantes :
femmes âgées de plus de 60 ans ayant des antécédents thyroïdiens,
chez la femme en début de grossesse ou dans le cadre d'un projet de grossesse, en cas
d'antécédents (voir plus loin Hypothyroïdie et grossesse),
présence d'anticorps antithyroïdiens,
antécédents de chirurgie ou d'irradiation thyroïdienne ou cervicale,
traitements à risque thyroïdien (amiodarone, lithium, interféron).
Le traitement substitutif est recommandé si la TSH est supérieure à 10 mUI/l ou en présence
d'anticorps anti-TPO. Il repose sur la lévothyroxine. La cible est la normalisation de la TSH.
La coexistence d'une coronaropathie doit faire reconsidérer les modalités du traitement.
Les femmes enceintes doivent faire l'objet d'une prise en charge spécifique (voir plus loin
Hypothyroïdie et grossesse).
Si la TSH est augmentée en l'absence de symptomatologie clinique, le seul examen de
surveillance utile est le dosage de la TSH.Grade B En cas d'augmentation régulière de la TSH,
il convient de contrôler parallèlement la T4 libre afin de dépister l'hypothyroïdie.
Si les dosages de la T4 libre et/ou des anticorps anti-TPO n'ont pas été réalisés au cours du
bilan initial, ils peuvent être faits lors du 1er contrôle de la TSH à 3 mois.
Si le patient reste asymptomatique, les contrôles ultérieurs de la TSH s'effectueront tous les
6 mois en cas d'anticorps anti-TPO positifs, et tous les 2 à 3 ans en cas d'anticorps anti-TPO
négatifs.
Hypothyroïdie chez des patients à risque
Sont à risque de décompensation cardiaque au cours du traitement, les patients de plus de
70 ans et les patients atteints ou à risque de pathologie cardiaque : antécédents coronariens,
troubles du rythme ou insuffisance cardiaque.
Chez l'adulte à risque, l'augmentation des doses s'effectue progressivement sous surveillance
clinique et électrocardiographique régulière.
La posologie initiale est de 12,5 ou 25 μg par jour en fonction de la gravité du risque ou de la
pathologie cardiaque.
Hypothyroïdie d'origine thérapeutique
Les traitements par lithium ou amiodarone peuvent entraîner une anomalie de la libération des
hormones thyroïdiennes. Une hypothyroïdie est possible au cours des traitements par certains
inhibiteurs de tyrosine kinase. Les traitements de l'hyperthyroïdie (antithyroïdiens de
synthèse, iode radioactif, chirurgie, etc.) peuvent dépasser l'objectif prévu et entraîner une
hypothyroïdie. De même, les traitements des cancers de la thyroïde nécessitent souvent
d'obtenir une hypothyroïdie.
Si le traitement en cause ne peut être interrompu, l'hypothyroïdie sera traitée pendant toute la
durée de celui-ci.
Dans tous les cas, une évaluation de l'hypothyroïdie sera nécessaire après l'arrêt du traitement
en cause.
Hypothyroïdie et grossesse
Le dépistage ciblé (TSH, T4 libre et anticorps anti-TPO) est indiqué chez toute femme
enceinte en présence de signes évocateurs : contexte thyroïdien personnel ou familial,
antécédents de dysthyroïdie, intervention chirurgicale sur la thyroïde, notion d'élévation des
anticorps antithyroïdiens, maladie auto-immune.
En dehors du risque de fausse-couche, l'hypothyroïdie au cours de la grossesse est associée à
une augmentation du risque d'hématome rétroplacentaire, de prématurité et de détresse
respiratoire néonatale.
Les besoins en hormones thyroïdiennes sont augmentés jusqu'à 50 % au cours de la grossesse.
En raison du risque de complications au cours de la grossesse et de retard psychomoteur pour
l'enfant, le traitement doit être optimisé dès le début de la grossesse avec une surveillance
clinique et hormonale (TSH et T4 libre) qui doit être effectuée tous les 2 mois, avec une
adaptation des doses.
Une TSH > 3 mUI/l doit faire renforcer la surveillance thyroïdienne : contrôle de la TSH à
1 mois et dosage des anticorps anti-TPO.
Le traitement peut être justifié dès que la TSH dépasse 4 mUI/l, avec pour cible thérapeutique
une TSH < 2,5 mUI/l.
Le traitement substitutif par lévothyroxine doit être maintenu pendant toute la grossesse. Un
contrôle de la fonction thyroïdienne du nouveau-né devra être réalisé.
Hypothyroïdie du nouveau-né
L'hypothyroïdie congénitale (anomalie constitutionnelle) peut être une cause de retard mental
et de développement, en particulier si elle n'est pas traitée précocement. Sa prévalence est de
1 nouveau-né sur 3 500. La principale cause est une dysgénésie thyroïdienne.
En France, le dépistage systématique à la naissance permet un diagnostic et un traitement
précoces.
Le traitement doit normaliser rapidement la TSH (inférieure ou égale à 2). Compte tenu des
conséquences de l'hypothyroïdie sur le développement et la croissance, le suivi de l'enfant doit
être scrupuleux dans la petite enfance, et l'ajustement des doses fréquent. Il faut également
sensibiliser les parents à l'importance de l'observance du traitement.
Le traitement (solution buvable dosée à 5 μg de lévothyroxine par goutte) vise à normaliser
rapidement la TSH en maintenant la T4 libre dans les valeurs hautes de la normale. La
surveillance sera rapprochée en début de traitement, puis tous les 6 mois. Un sous-dosage
s'accompagne d'un ralentissement de la croissance et du développement ; un surdosage
s'associe à des troubles du sommeil, essentiellement.
L'hypothyroïdie du nouveau-né peut être due à d'autres causes, par exemple une exposition
fœtale aux antithyroïdiens de synthèse donnés à la mère pour traiter une hyperthyroïdie.
Hypothyroïdie de l'enfant
Les deux situations les plus fréquentes chez l'enfant sont l'hypothyroïdie congénitale (voir ci-
dessus) et la thyroïdite auto-immune.
La thyroidite auto-immune peut revêtir différents tableaux cliniques :
Thyroïdite sans goitre, souvent fruste (TSH modérément élevée, T4 libre normale, anticorps
anti-TPO positifs) : dans la majorité des cas, la TSH se normalise ou est stable. Seul un petit
nombre (moins de 5 %) évolue vers l'hypothyroïdie. Le traitement n'est nécessaire que si la T4
libre est inférieure à la normale.
Thyroïdite avec goitre : les anticorps sont élevés, il s'agit d'une thyroïdite de Hashimoto qu'il
faut traiter s'il existe une hypothyroïdie.
Thyroïdite de Hashimoto
Elle est définie par l'association d'un goitre et d'auto-anticorps antithyroïdiens à un taux très
positif. L'hypothyroïdie complète souvent le tableau.
Le goitre est diffus et indolore, parfois asymétrique, voire nodulaire. Il est d'aspect
hypoéchogène à l'échographie. Certaines zones d'infiltrations lymphocytaires peuvent donner
un aspect pseudo-nodulaire (souvent décrit à l'échographie). La thyroïde peut avoir involué et
être atrophique. Certaines formes sont asymptomatiques, mais l'hypothyroïdie est fréquente et
le plus souvent définitive. La thyroïdite d'Hashimoto peut être le lit d'un lymphome
thyroïdien.
Cancer de la thyroïde
Après thyroïdectomie totale, le traitement doit être freinateur, conduisant à adopter des
posologies élevées (150 à 200 μg par jour) pour obtenir une TSH à la limite inférieure de la
normale.
Hypothyroïdie d'origine centrale
Conséquence d'un déficit hypophysaire en TSH dans le cadre d'une pathologie hypophysaire
souvent méconnue, son diagnostic repose sur la baisse de la T4 libre avec une TSH basse ou
normale. L'ajustement des doses de lévothyroxine s'effectuera sur les taux de T4 libre.
Conseils aux patients
Le mécanisme des troubles doit être expliqué, en précisant que le traitement est « simple »
puisqu'il est substitutif, et qu'il convient de déterminer la posologie nécessaire.
Il est bon d'exposer les signes d'hypothyroïdie persistant en cas de sous-dosage thérapeutique,
et les signes d'hyperthyroïdie possibles apparaissant en cas de surdosage.
L'importance d'une bonne observance thérapeutique doit être soulignée, même lorsque l'on
« se sent mieux ».
Les modalités de surveillance du traitement seront expliquées.
Traitements
Médicaments cités dans les références
Lévothyroxine
La lévothyroxine (L-T4), hormone thyroïdienne, est le seul médicament utilisable dans le
traitement de l'hypothyroïdie, sauf dans de très rares situations particulières (voir ci-après).
Une prise par jour, habituellement le matin, est suffisante.
Les effets indésirables sont ceux d'une hyperthyroïdie (tachycardie, insomnie, excitabilité,
céphalées, élévation de la température, sueurs, amaigrissement, diarrhée). Ils doivent faire
interrompre pendant quelques jours le traitement, avant de le reprendre à doses plus faibles.
Il existe un risque d'aggravation des cardiopathies (angor, infarctus du myocarde, troubles du
rythme cardiaque) en cas d'augmentation trop rapide de la posologie ou de surdosage. Il peut
alors être indiqué d'adapter le traitement de la pathologie cardiaque. Chez l'enfant, une
hypercalciurie peut être induite par la lévothyroxine.
La lévothyroxine potentialise l'effet des AVK et peut réduire celui des antidiabétiques.
Certains médicaments (sels de fer, cholestyramine, calcium et certains anti-acides) diminuent
l'absorption digestive de la lévothyroxine : il convient de respecter un intervalle suffisant
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