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Passer sous les fourches caudines*
● G.L. Larvaron**
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a 3e Conférence internationale
consacrée au neurinome de
l’acoustique et autres tumeurs
cérébrales aura lieu à Rome du 12 au 16
juin 1999, sous l’égide du docteur
Mario Sanna.
Le neurinome de l’acoustique est bien
connu des ORL, qui le dépistent souvent
mais l’opèrent rarement, à moins d’avoir
atteint une renommée oto-neurologique
chirurgicale à laquelle bien peu peuvent
espérer prétendre un jour.
Le but de mon article n’est pas, bien
évidemment, de vous enseigner quoi que
ce soit sur le neurinome : c’est là le rôle
de nos maîtres (signalons l’excellente
monographie du CCA Wagram). Il est
plutôt, à l’aide de quelques exemples
personnels, de vous montrer comment
ledit neurinome peut se présenter à vous
en simple consultation et vous amener
devant une juridiction quelconque : soit
l’Ordre des médecins sur plainte d’un
patient, voire de sa famille, pour absence
de diligence dans les soins et retard au
diagnostic d’une affection pouvant
entraîner des séquelles, soit la commission paritaire de la Sécurité sociale pour
recherche abusive et coûteuse d’une
affection rare, soit, pourquoi pas, en
Chambre civile pour non-diagnostic de
l’affection selon les données conformes
de la science.
De toute façon, le parcours qui vous
attend est rude et semé d’embûches. En
voici quelques exemples :
DOSSIER N° 1
Sexe féminin, née en 1926.
La patiente présente un problème à
l’oreille droite : déficit auditif de type
perception et acouphènes.
* Furculae caudinae (Tite-Live).
** ORL de l'hôpital de Neuilly.
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Elle consulte en 1988 et présente des
audiogrammes antérieurs de 1986 :
- 54 dB ; 1987 : - 66 dB ; 1988 : - 71 dB.
Elle a eu des PEA en janvier 1987, évoquant une origine rétro-cochléaire possible, mais le scanner pratiqué n’a rien
montré de particulier. Une électro-nystagmographie de janvier 1997 ayant
montré une hypo-excitabilité droite compensée, le diagnostic de névrite vestibulaire est retenu.
La patiente demande un autre avis et
consulte en expliquant son histoire, mais
refuse un nouveau scanner. Elle accepte
un examen labyrinthique calibré classique, qui confirme l’hypo-excitabilité
droite.
Le dialogue permet de convaincre la
patiente de l’intérêt d’un nouveau scanner.
Celui-ci révèle la présence d’un neurinome
de stade II. L’opération est un succès ; le
neurinome est enlevé et les séquelles
resteront modérées : surdité, acouphènes
et quelques otalgies de type myalgies du
sterno-cléido-mastoïdien.
La patiente est perdue de vue en 1992.
La patiente n’est pas revue l’année suivante. Nous apprenons, cinq ans plus
tard, qu’elle présente un neurinome de
4 à 5 cm...
DOSSIER N° 3
Sexe masculin, né en 1919.
Le patient consulte en 1997, pour des
épisodes de vertiges initialement rattachés à une hypertension.
Le bilan audiométrique montre une
hypoacousie de perception bilatérale
prédominante à gauche.
L’électronystagmographie évoque un
possible vertige paroxystique bénin
gauche. Les potentiels évoqués sont
désynchronisés du côté gauche... Le
scanner fera émettre un doute, mais du
côté opposé... et l’IRM confirmera le
neurinome du côté droit, soit le côté
opposé au VPPB... Du fait de la petite
taille du neurinome et de l’âge du
patient, l’évolution de la lésion est suivie
par imagerie.
DOSSIER N° 4
DOSSIER N° 2
Sexe féminin, née en 1947.
La patiente aurait eu un vertige avec
nausée en 1972. Quand elle consulte, en
1980, l’audition est normale.
Elle est revue en 1981 pour un problème
thyroïdien, qui s’avérera être un goitre
nodulaire justiciable d’une intervention
en 1989.
Revue en 1992, pour un grésillement de
l’oreille gauche, elle n’a pas eu d’épisodes
de vertiges. L’audiogramme montre un
scotome sur l’oreille gauche à - 30 dB sur
la fréquence 4 000 Hz.
Le grésillement revient en 1993 et l’audiogramme montre un scotome à - 40 dB.
La patiente est sous traitement hormonal
depuis six mois.
Sexe féminin, née en 1925.
Lors de la première consultation en ORL
en 1993, la patiente présente une surdité
de perception sur l’oreille gauche, évoquée comme surdité brusque, mais
datant de plusieurs semaines au moment
de la consultation.
Dans le cadre du bilan, un avis cardiologique est requis, dont l’ORL n’aura pas
connaissance, la patiente ne consultant
pas une deuxième fois...
Que croyez-vous qu’il arriva ?
– En 1995, un neurinome est découvert,
la patiente est opérée et décède ;
– l’ORL est poursuivi en justice par la
famille ;
– une condamnation paraît très envisageable.
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 237 - novembre 1998
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CONCLUSION
Ces cas montrent à quel point le neurinome peut être insidieux dans ses manifestations cliniques, et aussi combien
notre persévérance pour le traquer doit
être forte. Ils montrent aussi que des
examens prématurés peuvent passer à
côté, sans préjuger de la valeur du centre
qui pratique le bilan.
Le diagnostic est en général le fruit
d’un contact et d’un suivi entre le praticien et le patient, et il peut demander
plusieurs mois. Nos confrères généralistes sont bien peu informés de ce type
de pathologie. Il est également vrai que
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 237 - novembre 1998
le coût et la redondance des examens
ont de quoi surprendre des praticiens
constamment soumis à des pressions
en faveur d’une médecine à moindre
coût, et auxquels on rabâche que le
spécialiste est à l’origine du déficit de
la Sécurité sociale.
L’avenir sera rude !
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