Préface à l’édition française
La substance de l’histoire est une matière vivante qui s’accroit
et se développe au fur et à mesure que le savoir augmente.
Cet ouvrage représente ma vision de l’histoire moderne du
Liban telle qu’elle se présentait en 1965, lorsqu’en parut la
première édition anglaise. Depuis lors, d’autres études qui ont
été menées par moi-même ou par des étudiants travaillant
sous ma direction m’ont amené à considérer certains aspects
du sujet sous un angle quelque peu diffèrent, mais sans, pour
autant, rendre nécessaire une révision fondamentale du texte.
Des corrections n’ont été effectuées dans cette édition
française que là où des erreurs existaient dans l’original.
Un commentaire serait toutefois opportun sur un point
d’ordre plus général. Dans le premier chapitre de cette
histoire, l’émirat libanais est abordé à la manière
traditionnelle, comme une principauté dynastique gouvernée
d’abord par les Ma’n, puis par leurs parents, les Shihab. Ceci
n’est que superficiellement exact. En fait, les émirs Ma’n et
Shihab ne furent techniquement du début à la fin que des
multazims ottomans, c'est-à-dire des fermiers des impôts,
dont la stabilité de la fonction dans les régions qui leur étaient
assignées était soumise à une reconduction annuelle à des
conditions variables. De plus le territoire de leur iltizam, ou
brevet d’affermage des impôts, n’était jamais strictement fixé,
bien qu’il comprenne normalement le pays druze dans
l’arrière-pays de Beyrouth et Saïda, ainsi que la région
adjacente du Kesseroun, au nord-est de Beyrouth. Ce qui
donnait à l’autorité des émirs libanais son caractère
particulier, surtout après 1711, était, premièrement, sa
pérennité sous une seule famille ; deuxièmement, l’étendue