DISCUSSION
Cette enquête montre que les recommandations existantes concer-
nant la prise en charge de la maladie coronarienne, au travers des
grands facteurs de risque reconnus, semblent correspondre à l’at-
tente des praticiens, bien que leur expérience personnelle reste le
facteur décisif de leur choix thérapeutique. Néanmoins, 43 % des
médecins considèrent que les recommandations de prise en charge
des maladies coronariennes sont correctement mises en œuvre en
pratique quotidienne, et mentionnent que cette mise en œuvre
pourrait être nettement améliorée par une meilleure information
concernant celles-ci et par une sensibilisation accrue des patients
(en particulier sur l’observance du traitement).
La plupart des médecins (90 %) mentionnent avoir une discus-
sion formelle avec leurs patients concernant la prise en charge du
cholestérol, alors que 51 % de la population générale mention-
nent cette évaluation par leur praticien. Il est à noter par ailleurs
que 61 % de la population générale n’ont pas connaissance de
leur taux de cholestérol, et que respectivement 81 % et 83 % de
celle-ci n’ont pas la notion du “bon” cholestérol (HDL-C) ou du
“mauvais” cholestérol (LDL-C).
Le risque cardiovasculaire apparaît encore sous-estimé dans la
population générale. En particulier, on note une appréciation dif-
férente du facteur de risque que constitue l’hypercholestérolémie
selon les praticiens et les patients. Ainsi, les médecins généra-
listes estiment que leurs patients ont connaissance du lien exis-
tant entre taux de cholestérol et maladie cardiovasculaire (86 %),
alors qu’en pratique l’augmentation du taux de cholestérol n’est
un facteur de risque cardiovasculaire reconnu que pour 50 % de
la population générale.
La prise en charge médicale du cholestérol semble donc insuffi-
sante en pratique quotidienne, si on la compare à celle qui est pré-
conisée dans les recommandations actuellement existantes. L’as-
pect le plus préoccupant, en termes de santé publique, est le
constat sur le décalage d’appréciation concernant la prise en
charge du cholestérol par les praticiens et leurs patients. Le
contrôle insuffisant de ce facteur de risque est sans doute en par-
tie lié au déficit du suivi des mesures hygiéno-diététiques par le
malade et/ou à des traitements non suffisamment agressifs. Non
seulement ce constat pose le problème de l’observance, mais il
illustre également la limite de l’application des recommandations
de bonnes pratiques sur le terrain.
Dans ce cadre, il paraît pleinement justifié de poursuivre et d’in-
tensifier les interventions menées dans le but d’améliorer la prise
en charge des hypercholestérolémies sur le plan de la santé
publique, compte tenu du fait que cela concerne une population
de malades à risque cardiovasculaire important.
CONCLUSION
Les recommandations d’experts ont pour mission de diffuser les
résultats des essais thérapeutiques, de définir les seuils de norma-
lité (pression artérielle, cholestérol, glycémie), de diminuer la varia-
bilité de prise en charge entre les médecins et de transformer l’ob-
jectif à court terme (faire baisser la valeur d’un facteur de risque
donné) en un objectif à long terme (réduire le risque cardiovascu-
laire), pour finalement améliorer l’état de santé de la population.
L’enquête REACT montre un décalage important entre les recom-
mandations et la pratique, car malgré la mise au point de directives
sur la prévention et la prise en charge de l’hypercholestérolémie,
le taux de cholestérol reste insuffisamment pris en considération.
D’autre part, les constatations issues de cette enquête font appa-
raître des différences entre la perception du risque cardiovasculaire
par les patients, le niveau de connaissance théorique des médecins
et la mise en application des recommandations sur le traitement
des hypercholestérolémies.
À ce titre, cette enquête révèle le manque de communication dans
la relation médecin-malade, ce qui conduit à prôner une meilleure
prise en charge, mobilisant à la fois le praticien et son patient.
Dans ce contexte, le rôle éducatif du médecin traitant est pré-
pondérant et la participation et l’adhésion du patient sont indis-
pensables. La mise en œuvre des recommandations devrait être
et rester l’objectif prioritaire des acteurs de santé afin d’amélio-
rer les pratiques de prévention et de prise en charge des facteurs
de risque des maladies cardiovasculaires. ■
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La Lettre du Cardiologue - n° 334/335 - septembre 2000
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