La nature au secours de La recherche cLinique

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éditorial
La nature au secours
de la recherche clinique
À
l’heure du tout “bio”,
voilà que la méthodologie des études
cliniques se voit de plus en plus
secourue par une sélection
“naturelle” venant se substituer aux méthodes habituelles.
Le propos n’est pas de disserter
n Serge
sur la méthodologie des essais
Kownator
cliniques, ce n’est guère de mon
ressort. Pour autant, qui n’a pas entendu formuler des critiques à l’égard de telle ou telle étude
clinique dont les résultats seraient entachés de
doutes plus ou moins importants ? La cause, les
facteurs confondants, ceux-là mêmes faisant
que, malgré toutes les précautions méthodologiques, les résultats d’études pourtant de grande
envergure, pourtant bien orchestrées, pourraient être faussés. Alors, même pour les études
randomisées, bien menées, même si les résultats
passent au tamis des ajustements multiples, le
doute pourrait persister ? C’est là qu’intervient
la bonne nature sous la forme de la randomisation mendélienne. Gregor Mendel, vous connaissez, c’est à lui que nous devons tous ces travaux
sur les pois et les plantes qui ont été à l’origine
de nos connaissances sur la génétique. Et bien
justement, selon ses théories, les sujets ayant
des caractéristiques génétiques particulières ne
les transmettent pas de manière systématique
à leurs descendants, il s’opère de cette manière
une “randomisation naturelle”, dénommée ainsi randomisation mendélienne. Ainsi, un sujet
porteur d’une mutation sur un gène, responsable
d’un gain de fonction ou d’une perte de fonction,
pourra être étudié et comparé à un autre n’ayant
pas cette caractéristique génétique, et ce sans
que des facteurs confondants, environnementaux ou physiologiques puissent être incriminés.
On pourra en observer les caractéristiques et le
devenir. Prenons l’exemple d’une mutation responsable d’une perte de fonction sur PCSK9. On
constate que les sujets qui en sont porteurs ont en
permanence un niveau de LDL-cholestérol particulièrement abaissé, et ce dès l’enfance. Ils ont
également une réduction significative du risque
de développer une maladie coronaire. Ces données viennent confirmer la relation entre abaissement du LDL et risque coronarien, et ce sans
“pollution” par d’autres facteurs confondants.
Cette méthode de la randomisation a été appliquée aux coronaropathies, à l’hypertension, à des
études portant sur la CRP, etc. L’intérêt : pouvoir
déterminer les liens de causalité, en étudiant des
sujets exposés à des particularités, elles-mêmes
associées à des facteurs cliniques ou biologiques
responsables d’événements. On simplifie en
quelque sorte l’analyse. On peut même, de cette
manière, espérer réduire le nombre de sujets,
voire même la durée, nécessaires pour certaines
études. Finalement, ce n’est pas le mécanisme
de la génétique qui est au centre du problème,
c’est bien le lien entre la génétique et l’expression clinique qui permet ici d’avancer. Certes, la
méthode a ses détracteurs et ses limites, mais le
concept est vraiment séduisant.
n
pour en savoir plus
• Lewis SJ. Mendelian randomization as applied to coronary heart
disease, including recent advances incorporating new technology.
Circ Cardiovasc Genet 2010 ; 3 : 109-17.
• Ference BA, Yoo W, Alesh I et al. Effect of long-term exposure to
lower low-density lipoprotein cholesterol beginning early in life
on the risk of coronary heart disease: a Mendelian randomization
analysis. J Am Coll Cardiol 2012 ; 60 : 2631-9.
66
• Holmes MV, Asselbergs FW, Palmer TM et al. Mendelian randomization of blood lipids for coronary heart disease. Eur Heart J 2015 ;
36 : 539-50.
• Myocardial Infarction Genetics Consortium Investigators, Stitziel
NO, Won HH, Morrison AC et al. Inactivating mutations in NPC1L1
and protection from coronary heart disease. N Engl J Med 2014 ;
371 : 2072-82.
Cardiologie - Cardinale • Avril 2015 • vol. 9 • numéro 72
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