Cholestérol et cancer Cholesterol and cancer Les origines du mal

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 4 - juillet-août 2009
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Éditorial
Cholestérol et cancer
Cholesterol and cancer
J. Ferrières*
* Service de cardiologie B,
hôpital Rangueil,
CHU de Toulouse.
© La Lettre du Cardiologue
Risque Cardiovasculaire
426 - juin 2009
Les origines du mal
Seuls certains dentre nous se souviennent exactement
des origines de la rumeur. Dans l’étude de l’OMS publiée
en 1978 (1), les auteurs avaient comparé, en 1965, le
traitement par clobrate au placebo. Dans le groupe
traité par clobrate, on constatait une diminution de
20% des infarctus du myocarde non mortels, mais une
augmentation de 28% de la mortalité totale. Depuis
cette date, la baisse de la cholestérolémie est associée
à un risque existant mais mal déni. En 1987, la publi-
cation de l’étude Helsinki Heart Study(2) donnait de
l’espoir aux spécialistes des lipides. Le traitement par
gembrozil assurait une baisse des lipoprotéines athé-
rogènes et améliorait signicativement l’incidence de la
maladie coronaire par rapport au groupe placebo. Les
experts anticholestérol” trouvaient dans cette étude
un motif de satisfaction, car la mortalité totale était
strictement identique dans les deux groupes, traités et
sous placebo. Depuis, le mal est resté, et le prescripteur
et ses patients gardent la mémoire du risque supposé
des hypocholestérolémiants au long cours.
Lambiguïté des études
observationnelles
La masse considérable des études de cohorte
publiées à ce jour ne rassure pas forcément le lec-
teur amateur. Comme la plupart des variables
biologiques ou anthropotriques liées au risque d’athé-
rosclérose coronaire, les relations observationnelles sont
complexes. Elles sont d’autant plus diciles à analyser que
beaucoup détudes nont enregistré que le cholesrol total
et non le LDL-cholestérol, seul paramètre associé stricte-
ment au risque d’athérosclérose vasculaire. La relation
entre le cholestérol total et la maladie coronaire est positive
s que le cholestérol total dépasse 1,80g/l ; cependant,
les extrêmes de la distribution sont particuliers. Des valeurs
de cholestérol total extrêmement élees, telles que celles
rencontrées dans l’hyper-cholestéromie familiale té-
rozygote, sont fortement associées au risque coronaire, et
ce facteur de risque isolé se ts lourd dans le pronostic
à long terme. Les valeurs très basses du cholesrol total
sont dues à une diminution de lespérance de vie, car elles
reètent la présence d’une maladie chronique. Ainsi, lob-
session du clinicien face à des valeurs de cholestérol total
inférieures à 1,50g/l doit être la recherche de pathologies
cancéreuses ou inammatoires méconnues.
Les résultats des cohortes
de patients traités
par des hypocholestérolémiants
sont plutôt rassurants
Les cohortes de patients porteurs d’hypercholestérolé-
mie familiale hétérozygote sont intéressantes à analyser,
puisquelles sont domies par le risque d’athéroscrose
coronaire. Dans une étude puble cemment (3), A.Neil
et al. montrent que la prise en charge de cette aection à
haut risque aliore le pronostic coronaire et permet une
diminution de la mortali totale ainsi qu’une diminution
de la mortalité par cancer par rapport à la population
rale. La moindre mortalité par cancer dans ce sous-
groupe de patients provient probablement d’un meilleur
pistage et d’une meilleure prise en charge des cancers.
Il nen reste pas moins que le risque de cancer sous trai-
tement médicamenteux plane en population générale.
La recherche de notre équipe portait sur les événements
cardiovasculaires et les décès, à partir d’une cohorte de
7 722Fraais suivis pendant 10ans (4). Par rapport aux
sujets dyslipidémiques non traités, les sujets traités par
brates ou par statines ont bénécié d’une alioration de
leur espérance de vie ainsi que d’une diminution signica-
tive de la mortali par cancer. Puisquil sagit d’une étude
observationnelle, les conclusions doivent être consirées
avec précaution, bien que cet article permette d’armer,
en population générale, l’absence de toxicité des théra-
peutiques prescrites en pvention primaire.
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éditorial
Le retour du mal
L’année2008 nous a fait replonger dans les cauche-
mars qui hantaient nos nuits dans les années1980.
Une première méta-analyse (5), contestée depuis,
a montré une relation inverse entre le LDL-
cholestérol sous traitement et l’incidence par cancer.
Curieusement, le traitement par statines nétait pas
associé à la mortalité par cancer. Les idées noires se
sont ravivées avec la publication récente de l’étude
SEAS(6). On avait affaire à des patients porteurs d’un
rétrécissement aortique asymptomatique chez les-
quels on pensait que l’utilisation de simvastatine
40mg et d’ézétimibe 10mg allait ralentir la pro-
gression de la maladie par rapport au groupe pla-
cebo. Non seulement il n’y a pas eu defficaci de
l’association hypolipidémiante sur l’évolution de la
maladie aortique, mais on a assisté à une augmen-
tation significative de l’incidence des cancers dans
le groupe traité avec 105cas contre 70cas dans le
groupe placebo. On a alors fait appel à un expert
mondialement reconnu dans le domaine du cancer
pour réaliser une méta-analyse de l’ensemble des
études en cours avec l’ézétimibe(7).
Les études SEAS, SHARP et IMPROVE-IT ont enregistré,
à ce jour, 313cas de cancer dans le groupe traité contre
326cas dans le groupe témoin, soit une diérence non
signicative. En outre, léquipe de R.Peto a souligné
que cette incidence de nouveaux cancers naecte pas
un type de cancer et qu’il n’y a pas d’eet-dose entre
l’hypocholestérolémie et la survenue des cancers.
La paix est-elle possible ?
En ce qui concerne le risque cardiovasculaire, la préven-
tion primaire doit être rigoureuse et ne peut tolérer le
moindre eet indésirable signicatif au long cours. Dans
une méta-analyse récente(8), les auteurs ont évalué
l’impact du traitement par statines sur le pronostic en
prévention primaire. Ce travail indique que les statines
augmentent l’espérance de vie en prévention primaire
et que l’incidence des cancers n’est pas aectée par
la prescription de statines. Dans létude JUPITER(9),
le LDL-cholestérol traité par rosuvastatine atteint la
valeur de 0,55g/l, niveau qui nous aurait scandalisés
dans les années1980. Heureusement, l’étude JUPITER
montre que le groupe traité accuse une amélioration de
l’espérance de vie par rapport au groupe placebo.
En conclusion, l’incidence et la mortali par cancer sous
traitement hypocholestérolémiant doit rester une pré-
occupation du clinicien. Les thérapeutiques hypocho-
lestérolémiantes utilisées par les prescripteurs français
ne sont pas associées à un surrisque d’incidence ou de
mortalité par cancer. Au fur et à mesure que les sujets
en prévention primaire et en prévention secondaire
seront mieux soignés, le risque cardiovasculaire aura
des chances de passer au second plan au prot du traite-
ment de la première cause de mortalien France, c’est-
à-dire les cancers. Par conséquent, il est probablement
hautement justié de traiter agressivement les sujets à
haut risque cardiovasculaire. En revanche, traiter avec
un hypocholestérolémiant les sujets à très faible risque
cardiovasculaire au long cours, rien nest moins sûr.
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with statin treatments: a network meta-analysis involving more
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Ridker PM, Danielson E, Fonseca FA et al.; JUPITER Study
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2008;359:2195-207.
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