La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 1999 25
Ce risque de récidive nécessite une surveillance médicale régu-
lière des malades, au moins une fois tous les six mois, et ce indé-
finiment. Le bilan doit comporter un examen clinique à la
recherche de nodules sous-cutanés (surtout si le malade a eu une
biopsie percutanée de la tumeur), un dosage de l’AFP, une écho-
graphie hépatique et une radiographie pulmonaire. Le traitement
des récidives est justifié car il est établi qu’il augmente la survie
des malades. Lorsqu’il existe une récidive intrahépatique isolée
(sans métastase extrahépatique, notamment pulmonaire ou
osseuse), le choix du traitement dépend à la fois du délai de la
récidive, de son caractère unique ou non et de la fonction hépa-
tocellulaire. Un nouveau traitement chirurgical est possible chez
10 % à 15 % des malades. Si une nouvelle résection n’est pas réa-
lisable, on peut proposer soit une chimioembolisation intra-arté-
rielle, soit une alcoolisation percutanée (11).
La transplantation hépatique pour CHC
L’analyse des résultats des premières séries de transplantation
hépatique avait montré que, chez un transplanté pour une cir-
rhose, la découverte d’une tumeur “incidentale” non diagnosti-
quée (car de petite taille) lors du bilan de prétransplantation ne
modifiait pas le pronostic de ces malades (12). Ces résultats
avaient alors conduit de nombreuses équipes à élargir les indica-
tions de transplantation à ceux souffrant de tumeurs non résé-
cables. Le pronostic de ces malades est très mauvais. Il est main-
tenant clairement prouvé qu’une survie sans récidive supérieure
à 60 % à cinq ans ne peut être obtenue que chez des malades
réunissant les deux critères suivants :
– présence d’une tumeur unique de moins de 5 cm ou de deux
tumeurs de moins de 3 cm chacune ;
– absence d’envahissement veineux portal ou sus-hépatique (6,
13, 14). Chez les malades qui répondent à ces critères, les résul-
tats de la transplantation sont supérieurs à ceux de tous les autres
traitements (6, 15).La transplantation est donc a priori le meilleur
traitement que l’on puisse proposer pour des CHC de petite taille
développés sur une hépatopathie chronique.
Pour de nombreuses raisons, cette option ne peut cependant pas
être offerte à tous les malades ayant un CHC développé sur une
hépatopathie sous-jacente. Le nombre de greffons hépatiques est
limité et la transplantation reste une intervention chirurgicale lourde
associée à une mortalité opératoire supérieure ou voisine de 10 %.
En effet, cette intervention ne peut être proposée qu’à des malades
âgés de moins de 65 ans et ne présentant pas d’affection cardio-
vasculaire ni pulmonaire ni rénale sévère (tableau II).
En outre, il existe un risque de récidive de la maladie hépatique
causale, notamment lorsqu’il s’agit d’une infection par les virus
des hépatites B et C (9). Enfin, même si la tumeur initiale était
unique et de petite taille, il persiste un risque de récidive tumo-
rale qui est favorisé par le traitement immunosuppresseur néces-
saire à la tolérance du greffon après la transplantation.
À ces restrictions, il faut ajouter que le délai d’obtention d’un
greffon est imprévisible et que la tumeur peut progresser pendant
la période d’attente. Cette possible évolution pendant la période
d’attente soulève des questions concernant :
– la nature et la périodicité des examens morphologiques pré-
opératoires ;
– la nature du traitement d’attente de la tumeur ;
– l’utilité d’une chimiothérapie adjuvante périopératoire.
Bien qu’il sous-estime l’extension tumorale, le bilan morphologique
réalisé chez les malades en attente de transplantation est compa-
rable à celui qui est effectué avant une résection. Ce bilan doit être
complété par au moins une échographie tous les trois mois, suivie
d’un scanner hélicoïdal s’il existe une progression tumorale. Le délai
d’attente d’un greffon peut être de plusieurs mois, et, pendant cette
période, on peut proposer soit une alcoolisation percutanée, soit une
ou plusieurs séances de chimioembolisation, soit une résection chi-
rurgicale limitée (7). Une intervention chirurgicale préalable pour-
rait augmenter les difficultés de réalisation de la transplantation en
créant des adhérences multiples. Pour prévenir ces difficultés, chez
les malades ayant une tumeur du dôme hépatique, on peut avoir
recours à une exérèse chirurgicale par voie thoracique. Quelques
études “pilotes” ont suggéré qu’une chimiothérapie péri-opératoire
pouvait réduire le risque de récidive (16). ■
Mots Clés : Carcinome hépatocellulaire – Résection – Trans-
plantation.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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- Âge < 60 ans.
- Absence d’affection cardiaque, pulmonaire ou rénale grave.
- Tumeur unique < 5 cm ou deux tumeurs < 3 cm.
- Absence d’atteinte portale.
- Cirrhose avec insuffisance hépatocellulaire.
- Absence de réplication virale B (DNA-VHB absent dans le sérum).
Tableau II. Indication de transplantation chez un malade ayant un
CHC sur hépatopathie chronique.