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nis. Le traitement proposé, 2 mg/j de
buprénorphine, est mal supporté. Monsieur
X est fatigué, il se plaint de nombreux
vomissements sous traitement.
Après demande auprès du médecin conseil,
il est décidé de réintroduire un traitement
par le sulfate de morphine sur une période
d’au moins une année. La posologie initia-
le est de 30 mg/j, pour atteindre 20 mg/j en
janvier 1997, et 10 mg/j d’avril à octobre
1997. Il souhaite arrêter le traitement sub-
stitutif, mais les échecs précédents et l’ab-
sence de formulations galéniques à bas
dosage de sulfate de morphine (< 10 mg)
rendent hasardeuse, à son sens, cette phase
de la prise en charge. Au cours de cette
période (octobre 1995 à octobre 1997),
Monsieur X vit depuis janvier 1996 avec
une amie non toxicomane. Il a trouvé un
emploi à temps partiel en avril 1996 et n’a
pas repris d’héroïne depuis septembre
1995. Il développe une hépatite C chro-
nique d’activité modérée, confirmée par la
biopsie réalisée en 1996, et qui ne nécessi-
tait pas à l’époque, selon l’hépatologue, de
traitement par l’interféron. Le suivi biolo-
gique hépatique est régulier.
Au Òbrevage
calmant opiacŽÓ
L’expérience de l’équipe du Dr Didier
Touzeau de l’hôpital Paul-Guiraud à
Villejuif (2) ainsi que les études menées par
le Dr Marc Auriacombe de Bordeaux (3), à
partir de l’expérience du Dr Jean-pierre
Daulouède de Bayonne, permettent d’envi-
sager, entre autres choses, l’emploi de la
teinture d’opium safranée, en tant que
“breuvage calmant opiacé”, à des fins de
substitution à visée de sevrage du traite-
ment par le sulfate de morphine. Après en
avoir informé l’inspection régionale en
pharmacie, la dispensation de cette prépa-
ration magistrale est réalisée en pharmacie
de ville. Pour Monsieur X, la dose équi-
substitutive à 10 mg/j de sulfate de morphine
en une prise est de 20 gouttes de teinture
deux fois par jour (selon la Pharmacopée
française Xeédition, 1988, 20 gouttes soit
0,5 g de teinture ou 5 cg d’opium ou 5 mg
de morphine anhydre). Il a toute latitude
pour adapter lui-même sa posologie, et il la
diminue progressivement de une à deux
gouttes tous les cinq jours sur un mois.
Après un palier de dix jours à neuf gouttes
par jour réparties en deux prises, il reprend
la diminution progressive de la posologie à
un rythme plus soutenu (diminution de une
à deux gouttes tous les trois jours). Le trai-
tement global par la teinture d’opium safra-
née est de 45 jours. Pendant cette phase, le
patient ne présente pas de sensations de
“mal-être”, comme celles évoquées au
cours et au décours des phases de fin de
traitement sous sulfate de morphine ou
sous buprénorphine.
Fin avril 1999, soit quinze mois après l’ar-
rêt de tout traitement pharmacologique de
la dépendance aux opiacés, Monsieur X
vient régulièrement en consultation de
médecine générale. Le suivi biologique de
l’évolution de son hépatite C est maintenu,
et une réévaluation de l’abstention théra-
peutique antivirale s’impose aujourd’hui. Il
n’a pas rechuté et a consommé le mois sui-
vant la fin du traitement, à des fins de test,
douze gouttes de teinture d’opium qu’il
avait thésaurisées. Si l’absence de rechute
ne s’appuie pas sur des dépistages de psy-
chotropes dans les urines, elle repose sur la
congruence des éléments cliniques (persis-
tance de la relation thérapeutique en dehors
de toute prescription d’opiacés, disparition
des bronchites chroniques récidivantes
hivernales…) et socio-professionnels. Ses
centres d’intérêt sont ailleurs (travail, vie
affective, loisirs, etc.). Il persiste toutefois
une appétence modérée pour l’alcool
(quatre bières par jour), qui nécessite la
prolongation de son traitement par Équanil
400®(1 cp/j).
Discussion
L’histoire de Monsieur X illustre claire-
ment la faisabilité d’un tel traitement sub-
stitutif de maintien par le sulfate de mor-
phine, sous réserve de bien poser son indi-
cation. Elle révèle la difficulté à suspendre
le traitement pharmacologique substitutif
tout en respectant un schéma de diminution
très progressif, et ce même en dehors de
tout problème de lien thérapeutique et
d’observance aux soins. L’inefficacité du
sulfate de morphine en fin de traitement
pourrait résulter de l’absence de formula-
tion galénique à des doses suffisamment
basses pour permettre une décroissance
progressive et imperceptible pour le patient
(dosages à 1 et 5 mg). L’inefficacité de la
buprénorphine dans cette indication pour-
rait s’expliquer par le contexte d’initiation
du traitement (contrainte réglementaire)
ou par les problèmes de tolérance, dose-
dépendants, observés en début de traite-
ment (effets nauséeux rares selon les don-
nées de la littérature) (4). Quant à la
réponse du patient à la teinture d’opium
safranée, elle repose vraisemblablement
sur de nombreux facteurs. D’une part, la
formulation galénique permet une adapta-
tion fine de la posologie par prise et par
jour. D’autre part, l’opium présente des
propriétés pharmacologiques bien diffé-
rentes des autres opiacés consommés par
le patient. Le produit et ses effets étaient
connus du patient et, dans ce contexte
médicalisé, la teinture d’opium a révélé
son efficacité sur l’anxiété anticipatoire
du sevrage. Cette action a peut-être per-
mis de mieux préparer et vivre la période
d’abstinence, et elle concourt pour partie
à la prévention des rechutes plus de qua-
torze mois après arrêt du traitement sub-
stitutif ainsi qu’au maintien du lien théra-
peutique.
L’usage médical de l’opium est tombé en
désuétude. Après une période d’usage
médical et non médical extensif au XIXe
siècle, l’apparition des sels de morphine
dans la pharmacopée française a permis de
remplacer l’opium par la morphine dans le
traitement de la douleur. Aujourd’hui, en
dépit de l’apparition de nouveaux antal-
giques morphiniques de synthèse, l’opium
demeure inscrit à la pharmacopée. Cette
présence anecdotique relève vraisemblable-
ment en partie des effets psychotropes de la
préparation. En effet, depuis Kraepelin qui
la préconisait dans les “dépressions avec
agitation” (5), nombreux sont ceux qui
l’emploient de manière confidentielle dans
divers troubles et maladies mentales à des
fins non validées.
Conclusion
Les expériences menées en matière de trai-
tement de la dépendance aux opiacés,
employant la teinture d’opium, restent par-
cellaires et souvent en dehors de tout
contexte évaluatif. Quel est l’apport réel de
cette préparation dans l’évolution de notre
patient et quelles conclusions pourrions-
nous donner de cette expérience si ce n’est
qu’elle doit être étendue à des fins évalua-
tives pour mieux maîtriser ses indications ?
Indépendamment de ces considérations
pharmacothérapeutiques, cette expérience