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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
gneuse du patient et du syndrome douloureux et par une bonne
connaissance des indications des techniques disponibles. Des
réévaluations régulières permettront de repérer des modifica-
tions du syndrome douloureux pouvant nécessiter de nouvelles
explorations et un changement dans la stratégie thérapeutique.
De même, une connaissance précise des comorbidités phy-
siques (évolution de la maladie, état du patient) et psycho-
sociales permettra de clarifier le but des soins et leur faisabilité.
LA ROTATION DES OPIOÏDES
Les effets secondaires des opioïdes peuvent limiter la dose de
titration avec, comme conséquence, un mauvais soulagement
de la douleur. La rotation des opioïdes utilisant des doses équi-
analgésiques diminuerait les toxicités en maintenant ou en
améliorant le contrôle de la douleur.
Les recommandations préconisées par Portenoy tentent de
réduire le risque d’un relatif sous- ou surdosage alors qu’un
opioïde est arrêté et l’autre administré. Il préconise pour plus
de sécurité d’utiliser des doses inférieures à celles des tables
d’équi-analgésie. En effet, tant l’analgésie que les effets secon-
daires peuvent être supérieurs à ceux attendus. Ce phénomène
est expliqué par une tolérance croisée incomplète entre les
opioïdes et/ou par le fait que les doses équi-analgésiques ont été
calculées lors d’essais à dose unique. Il existe néanmoins deux
exceptions : le patch de fentanyl (facteur de sécurité intégré
dans la table) et la méthadone (réduction importante : de 75 à
90 %). Pour les patients âgés ou qui présentent une maladie
cardio-pulmonaire, hépatique ou rénale sévère, la dose du nouvel
opioïde pourra être réduite.
L’étude de Walsh et al. va dans ce sens. Dans leur série, 40 des
275 patients présentant principalement un cancer du sein ou du
poumon ont subi une rotation des opioïdes pour neurotoxicité,
absence de contrôle de la douleur ou nausées et vomissements
sévères. Après rotation, les effets secondaires ont diminué et le
contrôle de la douleur s’est amélioré avec une dose équi-
analgésique inférieure à celle prédite.
Dans une autre étude portant sur 800 patients en soins pallia-
tifs, Muller-Busch et al. analysent la fréquence, les raisons et
l’efficacité de la rotation des opioïdes. Celle-ci est plus fré-
quente chez les patients hospitalisés que chez les patients
ambulatoires. Les critères de sélection ne sont pas clairs et
dépendent des préférences personnelles. Ils sont le plus sou-
vent en rapport avec des raisons médicales en unité de soins
palliatifs (USP) (analgésie insuffisante et/ou effets secondaires
intolérables) alors que, pour les patients ambulatoires, ils sont
plutôt en rapport avec des raisons non médicales (peur des
opioïdes, compliance ou problème économique). La fréquence
de succès est supérieure en USP, bien que les problèmes de
douleur semblent être plus complexes, en rapport avec le stade
de la maladie. Les auteurs soulignent que, si la rotation des
opioïdes est une option thérapeutique empirique utile, les rai-
sons médicales et non médicales qui conduiront à la décision
d’y recourir ou non doivent être soigneusement prises en
compte.
LES BLOCS CŒLIAQUES NEUROLYTIQUES
Les techniques invasives conservent leur intérêt dans les dou-
leurs intenses rebelles en phase avancée de la maladie. Les
blocs neurolytiques utilisent des substances comme l’éthanol
ou le phénol et peuvent être précédés par un bloc aux anesthé-
siques locaux. Ils doivent être réalisés par des anesthésistes
entraînés, et le patient doit être bien informé des complications
possibles (déficit sensoriel et/ou moteur). En cas d’efficacité,
la diminution du traitement opioïde doit se faire par quart ou
par tiers de la dose initiale afin de prévenir la somnolence et la
dépression respiratoire.
Parmi les blocs neurolytiques, le bloc cœliaque est particuliè-
rement intéressant dans les douleurs des cancers du pancréas,
qui répondent souvent mal aux traitements opioïdes optimisés.
Wong et al. ont étudié l’effet d’un bloc cœliaque neurolytique
sur le soulagement de la douleur, la qualité de vie et la survie
des patients présentant un cancer du pancréas inopérable dans
une étude clinique prospective randomisée, en double aveugle.
Cent patients ont eu soit un bloc cœliaque neurolytique soit
l’injection d’un placebo. À une semaine, la douleur et la qua-
lité de vie ont été améliorées de façon significative dans les
deux groupes, avec un soulagement de la douleur significative-
ment plus important chez les patients ayant reçu le bloc. Avec
le temps, la douleur reste significativement moins importante
dans le groupe bloc. Cependant, la consommation d’opioïdes,
la qualité de vie et la survie totale ne diffèrent pas de façon
significative entre les deux groupes.
Dans une autre étude, Lejcko et al. montrent que le bloc
cœliaque neurolytique peut être utilisé de façon répétitive avec
un effet prolongé. La plupart des patients ont toujours besoin
d’opioïdes, mais à des doses nettement inférieures.
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