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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
Causes ou conséquences, les facteurs psycho-
logiques sont toujours au premier plan (figure 2).
L’incontinence urinaire est ainsi parfois un pré-
texte pour la femme, lui permettant d’esquiver
les rapports sexuels (18).
Ailleurs, les fuites peuvent constituer un alibi de
consultation dans l’attente d’une prise en charge
spécifique du trouble sexuel. C’est dire la néces-
sité d’aborder de manière systématique la vie
sexuelle au cours d’une consultation d’inconti-
nence (19).
Sur le plan psychanalytique, les rapports entre
l’incontinence urinaire (et plus généralement les
fonctions urinaires) et l’activité sexuelle ne sont
jamais neutres. Ainsi, pour Freud (20), la curio-
sité naturelle de l’enfant à propos de la sexualité
se rapproche des fonctions urinaires et ano-rec-
tales : la région urétrale est souvent considérée
comme une zone érogène, cette érotisation du
périnée induisant des rapports psychologiques
complexes entre l’incontinence urinaire et les
troubles sexuels. Si, pour certains (21), l’urina-
tion est une symbolique de la masturbation, le
plus souvent (22), l’incontinence urinaire chez
l’adulte peut être considérée comme l’expression
d’un désir inavoué d’une réexpérimentation du
plaisir infantile de l’urination. En réalité, le plus
souvent, l’incontinence urinaire induit une per-
turbation de l’image corporelle, traduit un chan-
gement physiologique de la femme, retentit ainsi
sur la qualité de vie et peut donc être génératrice
d’anxiété, voire de syndrome dépressif pérenni-
sant le trouble sexuel.
Troubles sexuels facteurs
d’incontinence
L’activité sexuelle elle-même peut induire des
fuites. La fréquence chez les femmes inconti-
nentes en est diversement appréciée selon les
séries : 44 % (2) ; 34 % sur 196 femmes dont 74 %
pendant l’orgasme (23) ; 24 % de 400 femmes
(24),dont deux tiers pendant la pénétration et
un tiers pendant l’orgasme ; 56 % (20) ; 23 %
(25) ; 23 % sur 154 femmes (26) ; 10,6 % sur
2153 femmes (27).
Le mécanisme en est variable : soit une hyper-
pression abdominale au cours du rapport sexuel
avec défaut de transmission des pressions vési-
cales à l’urètre (23) ; soit une insuffisance sphinc-
térienne ou une hyperactivité vésicale induite par
la stimulation clitoridienne, ou enfin une insta-
bilité de l’urètre au cours de l’orgasme (28).
P
RISE EN CHARGE COMBINÉE DES TROUBLES
SEXUELS ET DE L
’
INCONTINENCE URINAIRE
DE LA FEMME
La rééducation périnéale
Le principe de la rééducation périnéale est fondé
sur la possibilité de prise de conscience, d’éveil,
de renforcement en puissance et en endurance,
et de contraction réflexe de la structure mus-
culaire périnéale. Cette musculature striée va
redevenir capable d’exercer une augmentation
active, volontaire et/ou réflexe, simultanée et par
anticipation, des pressions intravaginales et uré-
trales lors des rapports sexuels et lors des efforts.
Si de nombreuses études ont montré l’efficacité
de la rééducation périnéale dans le traitement de
l’incontinence urinaire de la femme, rares sont
celles objectivant son utilité dans la prise en
charge des troubles sexuels. Pourtant, dans cette
dernière indication, elle est très régulièrement effi-
cace, améliorant la trophicité et la tonicité péri-
néales, diminuant les dyspareunies, permettant
l’expression d’une nouvelle sensibilité périnéo-
vaginale, améliorant ainsi l’hypo-orgasmie. De
plus, de par la relation privilégiée s’instaurant avec
le thérapeute, elle permet à la femme une prise
de conscience non seulement de l’anatomie et du
fonctionnement périnéal, mais aussi de la dys-
fonction sexuelle, de son type et parfois de son
origine. La verbalisation du trouble avec le kiné-
sithérapeute permet une meilleure information
des réalités sexuelles. L’aspect intime de la réédu-
cation sur le plan tant physique que psycholo-
gique, la position allongée, l’atmosphère souvent
calme et détendue permettent souvent l’expres-
sion de nombre de conflits psychologiques et, par-
tant, leur règlement. C’est dire l’importance de la
qualification du personnel soignant.
Le traitement préventif
Le traitement préventif est toujours indispen-
sable : prévention d’une neuropathie d’étirement
(traitement des constipations, traitement des
prolapsus, amélioration des conditions des
accouchements) ; prise en compte de la dimen-
sion sexuelle dans le choix de la date et des tech-
niques chirurgicales. Les femmes ont besoin
d’être rassurée sur la possibilité du maintien (et
parfois sur l’amélioration) des fonctions
sexuelles après divers types de chirurgie (hysté-
rectomie, chirurgie du prolapsus et de l’inconti-
nence). Une prise en charge psychologique spé-
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