Rôle de l’échographie dans l’exploration de l’incontinence urinaire E

I
NCONTINENCE URINAIRE ET PROLAPSUS
:
DÉFINITIONS
L’incontinence urinaire est schématiquement
divisée en deux entités :
– l’incontinence “vésicale”, ou incontinence
urinaire par impériosité (perte involontaire
d’urine associée à une soudaine et très forte
envie d’uriner). Cette hyperirritabilité du détru-
sor correspond à des contractions actives de ce
dernier parvenant à vaincre la résistance uré-
trale. Son diagnostic est uniquement urodyna-
mique et ne fait pas intervenir l’imagerie ;
– l’incontinence “urétrale”, ou incontinence
urinaire d’effort (perte involontaire d’urine
durant les activités physiques, qui augmentent
la pression abdominale sans contraction du
détrusor ou distension vésicale). Elle relève de
deux mécanismes : l’hypermobilité du col vési-
cal (ou hypermobilité de la jonction vésico-
urétrale) et l’insuffisance du sphincter périuré-
tral (ou insuffisance du sphincter interne, ou
encore incompétence du col).
L’hypermobilité du col vésical est liée à une fai-
blesse des structures musculaires du plancher
pelvien, la vessie étant d’une mobilité exces-
sive. Au repos et/ou en poussée, le col vésical et
l’urètre proximal descendent en dessous de leur
position normale. Le substratum anatomique
du col vésical et de l’urètre est normal.
Dans l’insuffisance du sphincter interne, la mus-
culature d’un ou des deux sphincters est défec-
tueuse par neuropathie ou lésion directe. Le col
et l’urètre restent en position normale dans la
cavité pelvienne, mais le sphincter périurétral
est incapable de supporter la pression intravé-
sicale dans les activités quotidiennes ou à un
stade évolué, lors du simple passage en ortho-
Rôle de l’échographie
dans l’exploration
de l’incontinence urinaire
C. Roy*
*Service de radiologie B, chirurgie A,
Hôpital civil, CHU de Strasbourg.
R
ÉSUMÉ
.
L’incontinence urinaire est une affection fréquente chez la femme. Elle fait intervenir
plusieurs mécanismes physiopathologiques encore incomplètement élucidés. Son diagnostic est
fondé sur l’examen clinique associé aux épreuves urodynamiques. Son exploration radiologique a
longtemps été limitée à la radiologie conventionnelle avec opacification. Actuellement, les
explorations échographique et IRM permettent une nouvelle approche morphologique et
fonctionnelle du col vésical. L’exploration échographique a plusieurs avantages : innocuité,
facilité d’examen, disponibilité, reproductibilité ainsi qu’un coût faible.
Mots-clés : Incontinence urinaire – Ultrasonographie.
A
BSTRACT
.
Bladder dysfunction is common, especially in women. Clinical examination and
urodynamic testing are the first, essential steps toward diagnosing. Voiding cystourethrogram and
dynamic retrograde urethrogram have been used during previous decade in addition to
transabdominal ultrasound. Alternatives perineal ultrasound and MRI are emerging as new tools
for imaging pelviperineal defects. Utrasound offer major advantages over X-rays. It provides good
soft-tissue morphologic analysis of the urethrovesical junction and dynamic bladder neck imaging
in quantifying movements. It is safe, easy to practice, accurate, no time consuming and
unexpensive.
Keywords: Stress urinary incontinence – Pelvic floor function - Ultrasound.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2004
Exploration
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2004
statisme. Le col vésical reste ouvert au repos.
Des formes mixtes associant les deux types
d’incontinence sont fréquentes.
Les prolapsus ont de nombreuses terminolo-
gies :
La cystocèle (cause principale de colpocèle
antérieure) est définie comme la saillie anor-
male de la base vésicale dans la paroi anté-
rieure du vagin. La cystocèle est associée à une
descente anormale de la face antérieure du
vagin.
La cystoptose est définie par la descente d’une
quelconque partie de la vessie en dessous de
l’horizontale passant par le bord inférieur de la
symphyse pubienne (ou de la ligne sacro-coc-
cygo-pubienne).
La cervicoptose correspond à la descente isolée
du col vésical. Elle est rare, souvent associée à
une insuffisance du sphincter.
La cervicocystoptose est définie par la descente
du col et de la base vésicale en dessous de l’ho-
rizontale au bord inférieur de la symphyse
pubienne.
L’urétrocèle correspond à une rotation posté-
rieure de l’urètre et est considérée comme le
stade initial de la descente du col vésical res-
ponsable d’une coudure urétrale.
Pour certains, cystocèle est synonyme de cervi-
cocystoptose. D’autres ont restreint l’utilisation
du terme cystocèle à la cystoptose sans cervi-
coptose. Cela est surtout retrouvé après inter-
vention de colposuspension (descente de la
base vésicale avec col en position normale).
L’incontinence est plus sévère quand l’urètre et
la base de la vessie descendent ensemble. En
effet, un prolapsus majeur avec large cystocèle
intravaginale protège l’urètre d’une augmenta-
tion de la pression intra-abdominale. Il n’est pas
rare de voir se développer l’incontinence uri-
naire après cure de cette cystocèle.
L’
ÉCHOGRAPHIE
Aspect normal
(figure 1)
L’échographie abdomino-pelvienne apprécie la
morphologie rénale, le contenu de la cavité pel-
vienne et, surtout, évalue le résidu postmiction-
nel.
Il existe plusieurs voies d’abord échogra-
phiques pour explorer la vessie et la jonction
urétrovésicale en cas d’incontinence : la voie
périnéale ou translabiale (figure 1) (avec sa ver-
sion introïtale) et les voies endocavitaires
(endovaginale et endorectale). Elles permettent
la mesure directe de la mobilité de la jonction
urétrovésicale. La voie endorectale comprime
moins les structures anatomiques que la voie
endovaginale. L’échographie a une excellente
qualité d’image par les voies endocavitaires,
mais elle n’apporte qu’une vue partielle anté-
rieure de la cavité pelvienne.
Pour l’analyse morphologique, la voie endocavi-
taire est à privilégier. Le sphincter périurétral a
une échogénicité faible à intermédiaire plutôt
homogène et les différents faisceaux muscu-
laires sont indistincts. Son épaisseur est d’envi-
ron 1 cm, avec un bord antérieur rectiligne.
Seule la voie endo-urétrale (exceptionnelle-
ment utilisée en pratique) distingue un anneau
interne hypoéchogène dû au muscle lisse et un
anneau externe hyperéchogène dû au muscle
strié.
Pour l’analyse dynamique, la voie périnéale/
translabiale, réalisée avec une sonde sectorielle
de 7 à 9 MHz, à extrémité étroite, positionnée
sur le périnée en arrière du méat urétral à proxi-
mité de l’orifice vaginal, permet une approche
morphologique satisfaisante, de bonne qualité,
de l’ensemble de la vessie et, surtout, une ana-
lyse dynamique très facile à réaliser sans com-
pression des structures viscérales. Elle est la
plus fiable pour quantifier les déplacements. Le
remplissage vésical est de 200 à 300 ml. L’exa-
men est réalisé dans le plan sagittal en position
couchée (décubitus latéral avec genoux fléchis),
puis debout. La mobilité de la jonction urétro-
vésicale est majorée d’environ 1 cm en position
debout par rapport à la position couchée. Pour
chaque position, une analyse en trois étapes est
effectuée : repos, efforts de poussée, puis de
retenue. La technique d’examen est simple,
sans opacification, réalisée en environ 10 à
15 minutes, et demeure “physiologique”, sans
compression des organes pelviens.
Le col vésical normal se situe en moyenne 2 cm
au-dessus et en arrière de la portion postéro-infé-
rieure de la symphyse pubienne. La base de la
vessie est au-dessus du bord inférieur de la sym-
physe pubienne. À l’effort de poussée, il y a un
déplacement vers le bas et, surtout, vers l’arrière
de l’ensemble col vésical – col utérin, qui évoluent
parallèlement. Le vagin et le col utérin sont placés
contre la face antérieure de l’ampoule rectale, fer-
mant ainsi l’espace du cul-de-sac de Douglas en
poussée. Enfin, l’urètre évolue parallèlement
contre la moitié inférieure du vagin.
POUR EN SAVOIR PLUS...
Delancey J. Structural support of
the urethra as it relates to stress uri-
nary incontinence : the hammock
hypothesis. Am J Obstet Gynecol
1994 ; 170 : 1713-20.
Dickno AC, Yuhico M. Voiding
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Imagerie dynamique des troubles
pelvi-périnéaux de la femme.Paris :
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Lapray JF. Imagerie de la vessie et
de la dynamique pelvienne de la
femme. Collection d’imagerie médi-
cale. Paris : Masson, 1999.
Petros P, Ulmsten U. Role of the
pelvic floor in bladder neck opening
and closure. Int Urogynecol J 1997 ;
8: 74-80.
Stoker J, Halligan S, Bartram CI.
Pelvic floor imaging : state of the art.
Radiology 2001 ; 218 : 621-41.
La longueur du ligament pubovésical est définie
comme la distance qui sépare le bord inférieur
de la symphyse pubienne du col vésical. L’angle
pubovésical est obtenu à partir de la position du
col vésical au repos et à l’effort. Pour évaluer
ces déplacements, le point fixe est le bord infé-
rieur de la symphyse pubienne, avec l’axe du
pubis comme référence. À partir de là, certains
utilisent un système orthogonal avec la perpen-
diculaire à l’axe du pubis pour définir l’horizon-
tale ; d’autres préfèrent une distance et un
angle pour définir de façon fiable la position et
la mobilité de la jonction vésico-urétrale
(figures 2 et 3). Malheureusement, les valeurs
normales des distances et les angles varient
d’une équipe à l’autre, ce qui rend la standardi-
sation difficile, mais il y a des valeurs plus fré-
quemment proposées. Un angle pubovésical de
moins de 15° entre repos et effort est considéré
comme normal. En effort de poussée, le col vési-
cal et l’ensemble de la vessie descendent vers
l’arrière de 1,5 à 2 cm au maximum, mais restent
situés au-dessus ou au niveau du bord inférieur
de la symphyse pubienne. Par le système ortho-
gonal, un déplacement de plus de 2 cm entre la
phase de repos et d’effort de poussée avec pas-
sage en dessous de la ligne perpendiculaire à
l’axe de la symphyse est considéré comme
pathologique. L’angle urétrovésical postérieur
(UVP) est défini entre une ligne parallèle au
plancher vésical et une ligne passant par l’axe
de l’urètre. Sa valeur normale ne doit pas excé-
der 100°. Une autre information importante est
l’aspect du col vésical au repos et à l’effort. Le
col vésical normal est fermé au repos ainsi
qu’en effort de poussée, sans évidence de tun-
nélisation ou de passage d’urine dans l’urètre
proximal. Il est admis qu’il puisse s’ouvrir de
façon transitoire et peu importante à l’effort de
poussée maximale, mais sans émission d’urine.
Éléments du diagnostic
L’incontinence urinaire d’effort
L’échographie périnéale fournit trois informa-
tions :
– localisation du col vésical en relation avec le
niveau du diaphragme urogénital ;
– évaluation de la morphologie du col (fermé ou
ouvert) ;
– la mesure de l’angle urétrovésical postérieur.
Hypermobilité de la jonction vésico-urétrale
(figures 4 et 5)
L’imagerie joue ici un rôle majeur. En échogra-
phie, le col vésical est en position normale ou il
est déplacé en dessous du bord inférieur de la
symphyse pubienne au repos. Il existe un dépla-
cement de plus de 2 cm entre repos et poussée.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2004
Exploration
Figure 1. Schéma de l’incidence par voie péri-
néale translabiale. Figure 2. Coupe échographique simplifiée avec
système de référence orthogonal. 1 : angle uré-
trovésical postérieur du repos. 1’ : angle urétro-
vésical postérieur en poussée. a : distance
jonction urétrovésicale/symphyse au repos.
a’ : distance jonction urétrovésicale/symphyse
en poussée.
Figure 3. Coupe échographique sagittale par
voie périnéale translabiale avec lignes de réfé-
rences. S : symphyse pubienne.
Figure 4. Coupe échographique sagittale par
voie périnéale translabiale. Hypermobilité du col
avec cystocèle, en poussée (décubitus latéral).
S : symphyse pubienne.
Figure 5. Coupe échographique sagittale par
voie périnéale translabiale. Hypermobilité du
col, en poussée (debout). Le déplacement est
très important. S : symphyse pubienne.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2004
Le col reste toujours fermé au repos. Il peut être
ouvert ou fermé durant l’effort. L’angle vésico-
urétral postérieur est élargi, supérieur à 120°
sur les clichés en poussée. Le diagnostic de
déficience de la musculature du plancher pel-
vien est affirmé sur la présence d’un seul ou de
ces deux éléments sémiologiques.
Insuffisance du sphincter (figure 6)
Le col vésical a un aspect tunnélisé, voire
ouvert, au repos, et une vésicalisation de
l’urètre en poussée et durant la miction. Le col
vésical reste en situation normale au-dessus du
bord inférieur de la symphyse, mais il est donc
ouvert au repos et en poussée. Une ouverture
isolée du col vésical en poussée avec un aspect
fermé normal au repos n’a pas de signification.
L’angle urétro-vésical postérieur est normal ou
élevé.
L’échographie met facilement en évidence les
anomalies mixtes.
Les diverticules de l’urètre (ou kystes sous-
urétraux)
Leur fréquence varie de 0,5 à 5 %. Ils provien-
nent d’une dilatation kystique des glandes. Ils
sont situés à la partie postérieure de l’urètre et
à hauteur de son tiers moyen. Ils sont source de
stase urinaire et, parfois, d’incontinence.
L’échographie, réalisée sans compression
excessive, les localise par rapport au col vésical.
Ils contiennent souvent du sludge ou des cloi-
sons et refoulent l’uretère en avant. Toutefois,
leur collet est rarement visualisé. Les complica-
tions sont rares : abcès, calcul intradiverticu-
laire ou, exceptionnellement, tumeur. Le dia-
gnostic différentiel comprend une urétérocèle
ectopique ou un kyste de la paroi vaginale
(Gardner), qui est, en règle générale, latéral.
Les fistules urétrovaginales
En plus de l’identification de la fistule, l’écho-
graphie recherchera une collection.
Les prolapsus (figure 4)
Ils sont identifiés, mais mal quantifiés par écho-
graphie. La cystocèle est de diagnostic facile
devant une convexité de la portion inférieure de
la vessie faisant bomber la paroi antérieure du
vagin. À son maximum, elle est volumineuse,
avec extériorisation complète de la vessie. La
cystocèle est accompagnée, dans la grande
majorité des cas, d’une cystoptose avec dépla-
cement global de l’image vésicale, dont le col
descend parfois très en dessous du bord infé-
rieur de la symphyse pubienne ; l’urètre est
alors coudé.
Elle peut n’exister que lors de la poussée,
lorsque les muscles releveurs sont encore fonc-
tionnels, ou être déjà présente lors de la rete-
nue et atteindre ainsi un volume important.
Postthérapeutique (figures 7 et 8)
L’échographie visualise parfaitement bien le
matériel prothétique de type TVT sous forme
d’une zone hyperéchogène dans le plan sagittal
ou axial (position normale ou non au repos ; effi-
cacité lors des manœuvres dynamiques). Elle
identifie parfaitement les malpositions ou
déplacements en cas de plaintes cliniques
après chirurgie.
A
UTOTAL
L’échographie permet une approche simple,
pertinente, sans préparation ni opacification,
complémentaire de l’examen clinique et urody-
namique du col vésical et de l’urètre. Elle ne per-
met pas l’analyse de l’ensemble du plancher
pelvien, qui reste du domaine de l’IRM.
Figure 6. Coupe échographique sagit-
tale par voie périnéale translabiale.
Insuffisance du sphincter interne, col
ouvert au repos (décubitus latéral).
S: symphyse pubienne.
Figure 7. Coupe échographique sagittale par voie
périnéale translabiale. TVT en bonne position
(zone arciforme hyperéchogène en regard du tiers
inférieur de l’urètre), repos (décubitus latéral).
Figure 8. Coupe échographique sagittale par
voie périnéale translabiale. TVT en mauvaise
position (trop haut) avec importante angulation
de l’urètre en poussée (décubitus latéral).
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Rôle de l’échographie dans l’exploration de l’incontinence urinaire E

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