Les complications osseuses des traitements du cancer de la prostate

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La Lettre du Gynécologue - n° 292 - mai 2004
Rubrique coordonnée par T. Thomas, Saint-Étienne
h t t p : / / w w w . g r i o . o r g
Les complications osseuses des traitements
du cancer de la prostate
e cancer de la pro s t ate est le plus fré-
quent des cancers de l’homme. Aux État s -
Unis, l’incidence des nouveaux cas dia-
gnostiqués en 2002 dépasserait 1800 0 0 .
L’ e xtension métastatique osseuse, de pro-
nostic sévère est fréquente. La démonstra-
tion, il y a 60 ans, par Huggins et Hodge s
des effets des stéroïdes sexuels sur la
glande pro s t atique a conduit à proposer les
m a n i p u l a tions hormonales (castration ou
p u l p e c t o m i e , estrogènes, antiandrog è n e s ,
agonistes de la LH-RH), comme pri n c i p a l
t r aitement de la maladie à diff é r ents stades
de son évolution. Le pronostic vital et fo n c -
tionnel de la maladie en a été favo r abl e-
ment modifié. L’ h y p ogonadisme qui
résulte de ce traitement est à l’ori gi n e
d ’ e f fets secondaires bien connus (impuis-
s a n c e , complications card i o va s c u l a i r e s ) ,
mais il retentit aussi sur le tissu osseux,
exposant à un risque fra c t u ra i r e accru al-
rant la qualité de la surv i e.
Les effets sur l’os de la privation andro-
génique se traduisent par :
une élévation des marq u e u r s bioch i-
miques du remaniement cellulaire osseux ;
une perte osseuse en secteur fémo-
ral total et lombaire, importante la pre-
mière année, et qui se poursuit ultérieu-
rement (jusqu’à - 2,6 % par an dans
c e r tains cas de survie prolongée à 8 ans…),
et donc suri e u r e à celle que l’on
observe chez les femmes après la méno-
pause (1) (tableau I) ;
la survenue de fractures ostéoporo-
t i q u e s ( t abl eau II). L’incidence des fra c-
t u res ve rt é b rales ou péri p h é riques est plus
é l e e chez les patients traités par castra-
tion que dans des groupes témoins ; dans
une série rétrospective de 235 malades,
cinq ans aps la castration, 38 % des
p atients ont eu au moins une fra c t u r e
ostéoporotique. Dans une autre série de
p a tients trais par
agonistes de la
LH-RH pendant
une durée -
diane de 22 mois,
9% ont souffe rt
dune fra c t u r e, une
fois sur trois de
n at u re ostéoporo-
tique (9).
L’importance des
e ffets osseux dé-
pend de la nature
du tra i t e m e n t
h o rmo nal add i t i f
ou soustractif :
les estrog è n e s ,
délaissés en ra i-
son des effets car-
d i ova s c u l a i r es, occasionnent ainsi une
moindre perte osseuse que la castration
ou les agonistes de la LH-RH. Cette
observation, à rapprocher de ce que l’on
sait aujourd’hui du rôle des estrog è n e s
dans la régulation du métab o l i s m e
osseux chez l’homme, conduit certains à
prôner de les prescrire à faible dose, en
association aux agonistes de la LH-RH.
Il apparaît très utile de réaliser une den-
s i t o m é t r ie lombaire et morale au
moment du diagnostic de cancer de la
prostate et de la mise en œuvre du trai-
tement hormonal, avec un contrôle à un
an puis tous les deux ans. La prévention
des complications osseuses, d’autant
plus impérative que la densité initiale est
basse, comprend :
les habituelles mesures hygiénodiété-
tiques (équilibre nu t riti onnel, activ i t é
physique, etc.) et si nécessaire une sup-
plémentation en calcium (1 g par jour) et
vitamine D3 (800 UI par jour) ;
éventuellement un traitement par
b i s p h o s p h o n a tes. L’ a l e n d ro n a te a son
AMM dans l’ o s t é o p o r ose fra c t u r a i r e ch e z
l ’ h o m m e, mais il n’a pas été tesdans
cette situation ( 6 ). Les bisphosphonat e s
par voie pare n t é rale ont fait, en reva n c h e ,
l’objet d’essais contrôlés qui montrent,
avec le pamidro n ate ( 7 ) ou le zo l é d ro n at e
( 8 ), une prévention de la perte osseuse au
rachis lombaire et à la hanche chez les
p a tients traités par agoniste de la LH-RH.
L’ e f fet sur la prévention des fra c t u r es re s t e
c ependant encore à pro u v e r.
M. Audran*
* Service de rhumatologie et EMI-INSERM
0335, CHU Angers, 49993 Angers Cedex 9.
B i b l i o g r a p h i e
1.
Daniell HW et al. J Urol 2000;163:181-6.
2.
Eriksson S et al. Calcif Tissue Int 1995;57:97-9.
3.
Hatano T et al. Br J Urol Int 2000;86:449-52.
4.
. Maillefert JF et al. J Urol 1999;161:1219-22.
5.
Oeffelein MG et al. J Urol 2001;166:1724-8.
6.
Orwoll E et al. N Engl J Med 2000;343:604-10.
7.
Smith MR et al. N Engl J Med 2001;345:948-55.
8.
Smith MR et al. J Urol 2003;169:2008-12.
9.
Townsend MF et al. Cancer 1997;79:545-50.
Auteurs Traitement Perte osseuse à 1 an
Eriksson et al. (2) Orchidectomie - 10 %
estrogènes - 1 %
Maillefert et al. (4) Agonistes LH-RH - 4 %
Daniell et al. (1) Orchidectomie - 2,4 %
Agonistes LH-RH - 3,4 %
Tableau I. Études prospectives sur la perte osseuse sous traitement
(cancer de prostate sans métastase osseuse).
Nombre de patients Patients avec fractures
ostéoporotiques
(%)
Daniell et al. (1) 59 8 (14)
Townsend et al. ( 9 ) 224 7 (3)
Hatano (3) 218 14 (6)
Oeffelein et al. ( 5 ) 181 9 (5)
Tableau II. Nombre de patients victimes de fractures ostéoporo -
tiques.
L
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