Les complications osseuses des traitements du cancer de la prostate

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Rubrique coordonnée par T. Thomas, Saint-Étienne
Les complications osseuses des traitements
du cancer de la prostate
e cancer de la prostate est le plus fréLÉtats-Unis,
quent des cancers de l’homme. Aux
l’incidence des nouveaux cas
diagnostiqués en 2002 dépasserait
180 000. L’extension métastatique
osseuse, de pronostic sévère est fréquente. La démonstration, il y a 60 ans, par
Huggins et Hodges des effets des stéroïdes sexuels sur la glande prostatique a
conduit à proposer les manipulations
hormonales (castration ou pulpectomie,
estrogènes, antiandrogènes, agonistes de
la LH-RH), comme principal traitement
de la maladie à différents stades de son
évolution. Le pronostic vital et fonctionnel de la maladie en a été favorablement
modifié. L’hypogonadisme qui résulte de
ce traitement est à l’origine d’effets
secondaires bien connus (impuissance,
complications cardiovasculaires), mais il
retentit aussi sur le tissu osseux, exposant à un risque fracturaire accru altérant
la qualité de la survie.
Les effets sur l’os de la privation
androgénique se traduisent par :
✓ une élévation des marqueurs biochimiques du remaniement cellulaire
osseux ;
✓ une perte osseuse en secteur fémoral total et lombaire, importante la
première année, et qui se poursuit ultérieurement (jusqu’à – 2,6 % par an
dans certains cas de survie prolongée à
8 ans...), et donc supérieure à celle que
l’on observe chez les femmes après la
ménopause (1) (tableau I) ;
✓ la survenue de fractures ostéoporotiques (tableau II). L’incidence des
fractures vertébrales ou périphériques
est plus élevée chez les patients traités
par castration que dans des groupes
témoins ; dans une série rétrospective
de 235 malades, cinq ans après la castration, 38 % des patients ont eu au
moins une fracture ostéoporotique.
Dans une autre série de patients traités
par agonistes de la LH-RH pendant une
durée médiane de Tableau I. Études prospectives sur la perte osseuse sous traitement (cancer
22 mois, 9 % ont de prostate sans métastase osseuse).
souffert d’une
Traitement
Perte osseuse à 1 an
fracture, une fois Auteurs
Orchidectomie
- 10 %
sur trois de na- Eriksson et al. (2)
estrogènes
-1%
ture ostéoporoMaillefert
et
al.
(4)
Agonistes
LH-RH
4%
tique (9).
Orchidectomie
- 2,4 %
L’ i m p o r t a n c e Daniell et al. (1)
Agonistes LH-RH
- 3,4 %
des effets osseux
dépend de la nature du traitement hormonal Tableau II. Nombre de patients victimes de fractures ostéoporotiques.
additif ou sousNombre de patients
Patients avec fractures
tractif : les estroostéoporotiques
gènes, délaissés
(%)
en raison des ef- Daniell et al. (1)
59
8 (14)
fets cardiovascu- Townsend et al. (9)
224
7 (3)
laires, occasionHatano (3)
218
14 (6)
nent ainsi une
181
9 (5)
moindre perte os- Oeffelein et al. (5)
seuse que la castration ou les agonistes de la LH-RH.
dans cette situation (6). Les bisphosphoCette observation, à rapprocher de ce
nates par voie parentérale ont fait, en
que l’on sait aujourd’hui du rôle des
revanche, l’objet d’essais contrôlés qui
estrogènes dans la régulation du métamontrent, avec le pamidronate (7) ou le
bolisme osseux chez l’homme, conduit
zolédronate (8), une prévention de la
certains à prôner de les prescrire à
perte osseuse au rachis lombaire et à la
faible dose, en association aux agohanche chez les patients traités par agonistes de la LH-RH. Il apparaît très
niste de la LH-RH. L’effet sur la prévenutile de réaliser une densitométrie lomtion des fractures reste cependant encobaire et fémorale au moment du diare à prouver.
gnostic de cancer de la prostate et de la
M. Audran,
service de rhumatologie et EMI-INSERM 0335,
mise en œuvre du traitement hormoCHU Angers, 49993 Angers Cedex 9.
nal, avec un contrôle à un an puis tous
les deux ans. La prévention des complications osseuses, d’autant plus
impérative que la densité initiale est
Bibliographie
basse, comprend :
✓ les habituelles mesures hygiénodiété1. Daniell HW et al. J Urol 2000;163:181-6.
tiques (équilibre nutritionnel, activité
2. Eriksson S et al. Calcif Tissue Int 1995;57:97-9.
physique, etc.) et si nécessaire une sup3. Hatano T et al. Br J Urol Int 2000;86:449-52.
plémentation en calcium (1 g par jour) et
4. Maillefert JF et al. J Urol 1999;161:1219-22.
vitamine D3 (800 UI par jour) ;
5. Oeffelein MG et al. J Urol 2001;166:1724-8.
✓ éventuellement un traitement par
6. Orwoll E et al. N Engl J Med 2000;343:604-10.
bisphosphonates. L’alendronate a son
7. Smith MR et al. N Engl J Med 2001;345:948-55.
AMM dans l’ostéoporose fracturaire
8. Smith MR et al. J Urol 2003;169:2008-12.
9. Townsend MF et al. Cancer 1997;79:545-50.
chez l’homme, mais il n’a pas été testé
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
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