Les complications osseuses des traitements du cancer de la prostate

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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
Rubrique coordonnée par T.Thomas, Saint-Étienne
http://www.grio.org
Les complications osseuses des traitements
du cancer de la prostate
e cancer de la prostate est le plus fré-
quent des cancers de l’homme. Aux
États-Unis, l’incidence des nouveaux cas
diagnostiqués en 2002 dépasserait
180 000. L’extension métastatique
osseuse, de pronostic sévère est fréquen-
te. La démonstration, il y a 60 ans, par
Huggins et Hodges des effets des sté-
roïdes sexuels sur la glande prostatique a
conduit à proposer les manipulations
hormonales (castration ou pulpectomie,
estrogènes, antiandrogènes, agonistes de
la LH-RH), comme principal traitement
de la maladie à différents stades de son
évolution. Le pronostic vital et fonction-
nel de la maladie en a été favorablement
modifié. L’hypogonadisme qui résulte de
ce traitement est à l’origine d’effets
secondaires bien connus (impuissance,
complications cardiovasculaires), mais il
retentit aussi sur le tissu osseux, expo-
sant à un risque fracturaire accru altérant
la qualité de la survie.
Les effets sur l’os de la privation
androgénique se traduisent par :
une élévation des marqueurs biochi-
miques du remaniement cellulaire
osseux ;
une perte osseuse en secteur fémo-
ral total et lombaire, importante la
première année, et qui se poursuit ulté-
rieurement (jusqu’à – 2,6 % par an
dans
certains cas de survie prolongée à
8 ans...),
et donc supérieure à celle que
l’on observe chez les femmes après la
ménopause (1) (tableau I) ;
la survenue de fractures ostéopo-
rotiques (tableau II). L’incidence des
fractures vertébrales ou périphériques
est plus élevée chez les patients traités
par castration que dans des groupes
témoins ; dans une série rétrospective
de 235 malades, cinq ans après la cas-
tration, 38 %
des patients ont eu au
moins une fracture
ostéoporotique.
Dans une autre série de patients traités
par agonistes de la LH-RH pendant une
durée médiane de
22 mois, 9 % ont
souffert d’une
fracture, une fois
sur trois de na-
ture
ostéoporo-
tique (9).
L’importance
des effets osseux
dépend de la na-
ture du traite-
ment hormonal
additif ou sous-
tractif : les estro-
gènes, délaissés
en raison des ef-
fets cardiovas
cu-
laires, occasion
-
nent ainsi une
moindre perte os-
seuse que la cas-
tration ou les agonistes de la LH-RH.
Cette observation, à rapprocher de ce
que l’on sait aujourd’hui du rôle des
estrogènes dans la régulation du méta-
bolisme osseux chez l’homme, conduit
certains à prôner de les prescrire à
faible dose, en association aux ago-
nistes de la LH-RH. Il apparaît très
utile de réaliser une densitométrie lom-
baire et fémorale au moment du dia-
gnostic de cancer de la prostate et de la
mise en œuvre du traitement hormo-
nal, avec un contrôle à un an puis tous
les deux ans. La prévention des com-
plications osseuses, d’autant plus
impérative que la densité initiale est
basse, comprend :
les habituelles mesures hygiénodiété-
tiques (équilibre nutritionnel, activité
physique, etc.) et si nécessaire une sup-
plémentation en calcium (1 g par jour) et
vitamine D3 (800 UI par jour) ;
éventuellement un traitement par
bisphosphonates. L’alendronate a son
AMM dans l’ostéoporose fracturaire
chez l’homme, mais il n’a pas été testé
dans cette situation (6). Les bisphospho-
nates par voie parentérale ont fait, en
revanche, l’objet d’essais contrôlés qui
montrent, avec le pamidronate (7) ou le
zolédronate (8), une prévention de la
perte osseuse au rachis lombaire et à la
hanche chez les patients traités par ago-
niste de la LH-RH. L’effet sur la préven-
tion des fractures reste cependant enco-
re à prouver.
M. Audran,
service de rhumatologie et EMI-INSERM 0335,
CHU Angers, 49993 Angers Cedex 9.
Bibliographie
1. Daniell HW et al. J Urol 2000;163:181-6.
2. Eriksson S et al. Calcif Tissue Int 1995;57:97-9.
3. Hatano T et al. Br J Urol Int 2000;86:449-52.
4. Maillefert JF et al. J Urol 1999;161:1219-22.
5. Oeffelein MG et al. J Urol 2001;166:1724-8.
6.
Orwoll E et al. N Engl J Med 2000;343:604-10.
7
.Smith MR et al. N Engl J Med 2001;345:948-55.
8. Smith MR et al. J Urol 2003;169:2008-12.
9. Townsend MF et al. Cancer 1997;79:545-50.
Auteurs Traitement Perte osseuse à 1 an
Eriksson et al. (2) Orchidectomie - 10 %
estrogènes - 1 %
Maillefert et al. (4) Agonistes LH-RH - 4 %
Daniell et al. (1) Orchidectomie - 2,4 %
Agonistes LH-RH - 3,4 %
Tableau I. Études prospectives sur la perte osseuse sous traitement (cancer
de prostate sans métastase osseuse).
Nombre de patients Patients avec fractures
ostéoporotiques (%)
Daniell et al. (1) 59 8 (14)
Townsend et al. (9) 224 7 (3)
Hatano (3) 218 14 (6)
Oeffelein et al. (5) 181 9 (5)
Tableau II. Nombre de patients victimes de fractures ostéoporotiques.
L
1 / 1 100%

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