Ostéoporose masculine induite par les analogues de la LH-RH M

MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 305 - octobre 2004
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E
n France, le cancer de la prostate est désormais le premier
cancer chez l’homme en termes de prévalence et il arrive
en deuxième position derrière le cancer bronchique en
termes de mortalité. Il représente ainsi un enjeu majeur de santé
publique dans une population où l’espérance de vie s’accroît. La
probabilité de développer un cancer prostatique augmente forte-
ment avec l’âge, passant d’un risque de 1/10 000 avant 45 ans à
1/8 à 75 ans.
Les progrès réalisés dans la prise en charge du cancer de la pros-
tate évolué, avec la mise sur le marché des thérapies hormonales
à la fin des années 1980, ont contribué à l’apparition d’un nou-
veau type d’ostéoporose secondaire, liée à la suppression de
Ostéoporose masculine induite
par les analogues de la LH-RH
Gonadotropin-releasing hormone agonists-induced osteoporosis in males
P. Ornetti, J.F. Maillefert*
* Service de rhumatologie, hôpital général, Dijon.
Plusieurs éléments suggèrent que l’utilisation des
analogues de la LH-RH chez l’homme s’accompagne
d’une diminution de la densité minérale osseuse (DMO).
Plusieurs éléments suggèrent qu’elle peut égale-
ment s’accompagner d’une augmentation du risque
fracturaire.
Des mesures de prévention de la perte osseuse
pourraient être proposées chez les hommes traités.
Bien que certains bisphosphonates bloquent la perte
osseuse chez l’homme traité par analogues de la LH-
RH, il est difficile, en l’état actuel des connaissances,
de les proposer dans le cadre de la prévention
systématique.
Mots-clés : Analogues de la LH-RH - Homme -
Ostéoporose.
Keywords: Gonadotropin-releasing hormone
agonists - Man - Osteoporosis.
Points forts
l’effet de la testostérone sur le remodelage osseux. Les analogues
de la LH-RH (Luteinising Hormone-Releasing Hormone) à savoir,
en France, la buséréline, la goséréline, la leuproréline et la trip-
toréline diminuent le taux de testostérone circulant, à des niveaux
équivalents à ceux d’une castration chirurgicale et leurs résultats
en termes de survie lors de méta-analyses récentes sont compa-
rables (1). Cela explique que la castration chimique soit rapide-
ment devenue le traitement de référence du cancer de la prostate
métastatique. D’autre part, les indications des agonistes de la LH-
RH tendent à s’étendre (2), puisqu’ils sont maintenant parfois uti-
lisés en traitement adjuvant, après une prostatectomie radicale ou
une radiothérapie externe dans les cancers localisés (hors AMM
en France), voire en néoadjuvant dans certains protocoles non
encore validés en présence de certains facteurs de mauvais pro-
nostic. Les résultats des contrôles du taux de PSA et de survie
semblent effectivement en faveur de l’adjonction précoce du trai-
tement hormonal dans ces nouvelles stratégies thérapeutiques.
Les effets secondaires principaux des agonistes du LH-RH sont
bien connus, à savoir les bouffées de chaleur, la diminution de la
libido, les troubles de l’érection, la gynécomastie et parfois une
anémie. Les fractures ostéoporotiques favorisées par ces traite-
ments représentent toutefois une complication non exception-
nelle et potentiellement invalidante chez des patients souvent
âgés et fragiles.
CONSÉQUENCES DU BLOCAGE ANDROGÉNIQUE
SUR LE MÉTABOLISME OSSEUX
Les effets des androgènes (avec comme chef de file la testosté-
rone) sur le remodelage osseux ont longtemps été uniquement
imputés à l’action des estrogènes issue de leur aromatisation dans
l’os, en particulier par ralentissement de la résorption osseuse. Tou-
tefois, les androgènes ont aussi un effet ostéoformateur propre (3).
CONSÉQUENCES SUR LA DENSITÉ MINÉRALE
OSSEUSE
Plusieurs études prospectives (4, 5) ont comparé la densité miné-
rale osseuse (DMO) des patients sous analogues de la LH-RH,
soit à des patients souffrant de cancer prostatique non traité, soit
à des sujets sains appariés par âge. Une étude française (4) a éva-
lué la DMO chez 12 hommes, âgés de 70 ans en moyenne et
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traités par triptoréline. La diminution moyenne de la DMO après
6 mois, 12 mois et 18 mois de traitement était respectivement de
3, 4, 6 et 7 % au rachis et de 2,7, 3,9 et 6,6 % au col fémoral.
L’importance de la perte osseuse semble donc corrélée à la durée
du traitement, ce qui est confirmé par les résultats d’une étude
américaine portant sur 26 patients traités par agonistes de la LH-
RH (5) qui retrouvaient une diminution de la DMO d’environ
4 % par an lors des deux premières années de traitement, puis de
2 % par la suite.
Lors d’une étude rétrospective récente portant sur 60 patients (6)
porteurs d’un cancer de la prostate évolué, la diminution de la
DMO a été jugée comme significative en ce qui concerne le rachis
lombaire, la hanche totale, le radius et le corps entier (de 10 % à
17 %) pour le groupe traité par goséréline (durée moyenne du
traitement : 41 mois) par rapport au groupe avec un cancer de la
prostate non traité. La perte osseuse prédominait avant tout à l’ex-
trémité distale du radius et au niveau de la hanche totale, ce qui
est une différence notable avec l’ostéoporose postménopausique
où la perte osseuse affecte en premier lieu le rachis. En revanche,
aucune différence n’était trouvée du point de vue densitométrique
entre les patients non traités par agonistes de la LH-RH et les
volontaires sains, ce qui corrobore le fait que le cancer de la pros-
tate n’est pas un facteur de risque d’ostéoporose par lui-même,
en l’absence de métastases osseuses.
Par ailleurs, l’évolution de la DMO a été comparée entre des
patients ayant subi une orchidectomie bilatérale et ceux traités
par analogues de la LH-RH (7) : la diminution de la DMO était
significativement plus importante après castration chirurgicale
qu’après castration chimique.
CONSÉQUENCES SUR LE RISQUE FRACTURAIRE
Intuitivement, l’augmentation de l’ostéorésorption et la diminution
de la densité osseuse induites par ces thérapies hormonales devraient
s’accompagner d’une augmentation du risque fracturaire. Cela a été
suggéré après orchidectomie bilatérale dans une étude rétrospective
portant sur 235 patients (8) atteints de cancer prostatique évolué :
le risque de fracture ostéoporotique était multiplié par 13 par rap-
port à ceux n’ayant pas subi l’ablation chirurgicale.
D’autres études rétrospectives (9, 11) ont évalué le risque frac-
turaire chez des patients sous analogues de la LH-RH
(200 patients en moyenne par série) et suggèrent également une
augmentation du risque. L’incidence de l’ensemble des fractures
ostéoporotiques (après exclusion des fractures traumatiques ou
métastatiques) variait entre 4 % à 20 % contre 1 % à 2 % chez
les patients non traités. Les fractures ostéoporotiques apparais-
saient après un délai moyen de traitement de 20 à 30 semaines.
Les facteurs de risque de fractures ostéoporotiques étaient repré-
sentés par la durée du traitement, un indice de masse corporelle
bas, une densité minérale osseuse basse au niveau lombaire avant
traitement et une valeur élevée de N-télopeptides urinaires. Par
ailleurs, la présence d’une fracture ostéoporotique était corrélée
à une diminution de la survie.
Ces travaux suggèrent une augmentation du risque fracturaire
chez les patients traités par agonistes de la LH-RH, mais des
études prospectives sont nécessaires pour confirmation.
MESURES PRÉVENTIVES
Les mesures hygiéno-diététiques visant à ralentir la perte osseuse
conservent évidemment tout leur intérêt : une activité physique
régulière, l’arrêt du tabac, une consommation modérée d’alcool
ainsi qu’un apport alimentaire quotidien en calcium de 1g à 1,5 g
doivent être recommandés. Le bénéfice d’une supplémentation
en calcium et en vitamine D chez ces patients n’a jusqu’à pré-
sent pas été étudié. En outre, un apport de calcium supérieur
à 2 g/jour pourrait être associé à une augmentation du risque
d’adénocarcinome prostatique (12), ce qui n’est pas retrouvé en
cas de supplémentation excessive en vitamine D. À l’heure
actuelle, il n’existe pas de donnée objective concernant l’éven-
tuel lien entre une supplémentation calcique normale et la
progression du cancer de la prostate.
Les modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes (SERM),
à savoir le raloxifène à la dose de 60 mg/jour, sont en cours d’éva-
luation dans une étude randomisée en prévention de l’ostéopo-
rose induite par les agonistes de la LH-RH, avec mesure de la
DMO et dosage des marqueurs du remodelage osseux.
Le pamidronate a été évalué lors d’une étude prospective sur
48 semaines (13) à raison de 60 mg en i.v. par trimestre, chez les
patients sous leuproléide pour un cancer de la prostate évolué,
sans métastases osseuses. Sur les 47 patients évalués, la DMO
ne variait pas à un an pour le groupe sous pamidronate alors
qu’elle diminuait de 3,3 % au rachis lombaire dans l’autre groupe.
Les résultats à deux ans confirmaient la diminution significative
de la DMO dans ce dernier groupe. Le zolédronate a lui aussi été
récemment évalué dans cette indication lors d’une étude multi-
centrique prospective contre placebo (14). Cent six patients ayant
un cancer prostatique sans métastases osseuses ont reçu après
randomisation des agonistes LH-RH et soit du placebo, soit du
zolédronate (4 mg en perfusion toutes les 12 semaines). À 1 an,
la DMO a augmenté de 5,3 % au rachis lombaire et de 2,8 % à
la hanche dans le groupe zolédronate alors qu’elle a diminué res-
pectivement de 2 % et 2,8 % dans l’autre groupe. L’ensemble de
ces données atteste de l’intérêt potentiel des biphosphonates pour
ralentir la perte osseuse (voire augmenter la DMO) chez les
hommes traités par analogues de la LH-RH.
Une autre alternative thérapeutique pourrait être de privilégier
des traitements aux effets résorptifs osseux moins prononcés,
comme une monothérapie par anti-androgènes périphériques sté-
roïdiens (cyprotérone) ou non stéroïdiens (bicalutamide par
exemple). Les résultats en termes de survie avec ce dernier sont
proches de ceux obtenus avec les agonistes LH-RH mais la dimi-
nution des PSAy est significativement inférieure, ce qui fait qu’ils
n’ont pas l’AMM en France en monothérapie dans cette indica-
tion. Une étude cas témoin américaine (15) a mis en évidence
des taux significativement inférieurs des marqueurs du remode-
lage osseux (déoxypyridinoline et N-télopeptides urinaires, ostéo-
calcine) chez des patients traités par bicalutamide comparés à
ceux des patients sous analogues de la LH-RH. Une étude
multicentrique (16) comparant la DMO entre les patients sous
bicalutamide versus analogues de la LH-RH fait état, après deux
ans de traitement, d’une augmentation de la DMO de 2,4 % au
niveau du rachis lombaire pour le groupe bicalutamide contre
une diminution de 5,4 % pour le groupe analogues de la LH-RH.
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Le retentissement sur le risque fracturaire concernant le bicalu-
tamide n’a pas été évalué pour l’instant.
D’autres stratégies thérapeutiques à visée d’épargne osseuse sont
en cours d’évaluation, mais leur place exacte dans le traitement
des cancers métastatiques de la prostate reste à préciser :
l’administration discontinue d’agonistes de la LH-RH, qui
réduirait la perte osseuse sans altérer leur efficacité, mérite d’être
confirmée par de nouvelles études ;
l’utilisation d’estrogènes par voie transdermique (ce qui dimi-
nue sensiblement leur toxicité cardiovasculaire) ;
l’arrivée prochaine d’antagonistes de la LH-RH qui auraient
moins d’effets indésirables, en particulier sur le remodelage
osseux.
Les analogues de la LH-RH, dont la prescription va s’étendre,
en regard de leurs nouvelles indications, dans le cancer de la pros-
tate évolué, sont probablement pourvoyeurs d’ostéoporose secon-
daire, essentiellement par augmentation de l’ostéorésorption. Ces
traitements mériteraient en pratique une surveillance systéma-
tique par absorptiométrie biphotonique, et la réalisation de
mesures préventives efficaces telles que les mesures hygiéno-
diététiques, et peut être l’utilisation de biphosphonates intravei-
neux, dont l’efficacité a été confirmée sur le plan densitomé-
trique.
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L’article intitulé : “Les douleurs intenses d’origine rhumatologique en médecine générale : l’enquête SAFIR”,
publié dans La Lettre du Rhumatologue n° 304, p. 37 à 40, a été rédigé
par les Drs E. Maheu (hôpital Saint-Antoine, Paris) et C. Bailly (Noisy-Le-Sec).
Nous prions les auteurs de bien
vouloir nous excuser pour cet oubli.
Complément d’information
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