Traitement locorégional du cancer du sein et sexualité féminine DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
Sexualité et cancers féminins
Traitement locorégional
du cancer du sein
et sexualité féminine
Importance of the locoregional treatment
in the preservation of the sexuality of breast cancer patients
Y.M. Kirova 1, B. Couturaud 2
Vie, survie
La radiothérapie du sein diminue le risque de récidive
locale de plus de deux tiers après chirurgie conservatrice ou après mastectomie. Dans les formes à haut
risque de récidive, cette action locorégionale de la
radiothérapie se traduit par un bénéfice de survie
à long terme (1).
Image de la femme et sexualité
Le traitement conservateur est très étroitement lié
à la préservation de la vie sexuelle de la patiente,
en relation psychologique directe avec l’image
que celle-ci a de son corps (2, 3). Cette sensibilité
au traitement (conservation ou mastectomie) se
retrouve dans différentes régions du monde, et
les résultats sont indépendants de la religion et
des modes de vie des différentes populations de
patientes (2-4).
Reconstruction mammaire
et sexualité
La reconstruction mammaire répond à une attente
très forte des femmes, tant sur les plans de l’image
corporelle et du confort vestimentaire que sur celui
de la sexualité.
Les différentes techniques décrites permettent
de restaurer un volume et une forme qui, dans le
soutien-gorge, ne trompe que qui regarde.
Le sein reconstruit n’a pas toutes les caractéristiques
d’un vrai sein : il est souvent plus dur et, surtout,
insensible.
La sélection des “belles” photos exposées lors des
congrès cachent un peu la réalité du quotidien. Que
dire de l’effet qu’a sur la sexualité de la patiente une
boule ronde et insensible que l’on prétend être un
sein reconstruit ?
Radiothérapie après chirurgie
conservatrice du cancer du sein
L’efficacité d’un traitement conservateur du cancer
du sein par l’association d’une chirurgie d’exérèse
large de la tumeur mammaire et de l’irradiation
de l’ensemble du sein a été validée par plusieurs
essais thérapeutiques dans les cancers infiltrants, et
constitue de ce fait un standard de traitement (5)
dans les formes précoces et unifocales de cancer du
sein, accessibles à une chirurgie d’exérèse en berges
saines satisfaisante sur le plan esthétique. La qualité
de vie est en rapport direct avec la conservation
mammaire.
Mais la vie sexuelle passe aussi par une bonne fonction cardiaque et pulmonaire. Lorsque le volume
cardiaque ou pulmonaire irradié est trop important
avec la technique standard, des procédés utilisant
des positions différentes peuvent être utilisés (6, 7).
L’Institut Curie propose une alternative à l’irradiation du sein en décubitus dorsal (DD) : l’irradiation
en décubitus latéral isocentrique (DLI) [7]. Elle est
fondée sur le principe du détachement de la glande
Pour l’équipe de radiothérapie
séno­logique du département d’onco­
logie et de radiothérapie, Institut
Curie, Paris.
1
2 Département de chirurgie, ­Institut
Curie, Paris.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 8 - octobre 2009 | 397
Résumé
Mots-clés
Chirurgie
Radiothérapie
Sexualité
Nouvelles techniques
d’irradiation
Highlights
It was already shown with
the results of numerous
randomised studies and the
long-term results of metaanalysis that breast-conserving
surgery followed by radiation
therapy is already a standard
in early-stage breast cancer. The
breast conserving treatment is
associated with the preservation of the patients’ sexuality.
The use of plastic surgical
procedures helps patients
presented with advanced
stages to keep their breasts and
their body image. New surgical
and radiotherapy techniques
are presented and the relationship with sexuality is discussed.
Keywords
Surgery
Radiation therapy
Sexuality
New radiotherapy techniques
Le traitement conservateur par chirurgie et radiothérapie postopératoire est le traitement de référence
du cancer du sein au stade précoce. Les résultats de plusieurs études randomisées, ainsi que la dernière
actualisation de la méta-analyse de l’EBCTCG l’ont confirmé. Le traitement conservateur est directement
lié à la sexualité de la femme. Avec l’utilisation de nouvelles techniques de chirurgie plastique, il peut
être proposé aux patientes atteintes de tumeurs localement avancées, avec de bons résultats de préservation mammaire. De nouvelles techniques de chirurgie et d’irradiation adaptées à chaque patiente sont
présentées, et leur relation avec la sexualité est discutée.
de la paroi thoracique afin de réduire ou d’éliminer
l’irradiation du poumon et du cœur. Lors de la mise
en œuvre de cette technique, la patiente est placée
sur le côté du sein traité, avec le bras homolatéral
sous la tête. Ce procédé s’adresse aux patientes
ayant des seins volumineux, mais également à celles
dont le sein se détache facilement de la paroi thoracique. Elle épargne totalement le poumon et le cœur.
La dose de référence, sur l’axe des faisceaux à
mi-épaisseur du sein, est de 50 Gy en 25 fractions
de 2 Gy, réparties durant 33 à 35 jours, ou 50,4 Gy
en 28 fractions de 1,8 Gy sur 38 jours, 5 jours par
semaine. Ce fractionnement est un compromis établi
de façon empirique entre la dose efficace, la tolérance et le risque de séquelles. Le traitement suit des
recommandations définissant la dose et la tolérance
de la variation de dose dans le sein compatibles avec
un risque de séquelles faible (8, 9). Un essai mené
par l’EORTC (10) a inclus 5 318 patientes opérées
par tumorectomie avec des berges saines, qui ont
ensuite reçu une irradiation mammaire à la dose
de 50 Gy. Une dose de 16 Gy dans le lit tumoral
a réduit le risque de récidive à 5 ans de 41 % (de
7,3 % à 4,3 %). Si la réduction du risque de rechute
était égale quel que soit l’âge, la réduction absolue
était plus importante chez les femmes jeunes que
chez les femmes plus âgées, le risque de base étant
chez elles plus élevé : la réduction absolue du risque
de rechute à 5 ans des femmes de moins de 41 ans
était de 9,3 %. Ces résultats justifient de délivrer
systématiquement une dose additionnelle dans le
lit tumoral chez toutes les femmes âgées de moins
de 60 ans. Les moyens techniques de radiothérapie
ont évolué durant les dernières années, et les oncologues radiothérapeutes travaillent de plus en plus
sur la définition des volumes. Concernant le traitement du volume du lit tumoral, plusieurs techniques
de localisation et de définition de ce volume sont
développées à l’aide de clips et de fusions d’images
de scanners avant et après l’opération ; elles ont
pour but d’améliorer la précision du traitement et
de diminuer le risque de complications (11).
L’irradiation partielle du sein, dirigée uniquement
sur la zone d’exérèse chirurgicale, remet en question la nécessité d’irradier l’ensemble du sein (12).
Le premier objectif était de tester un concept de
radiothérapie “raccourcie” continue (sur 4 ou 5 jours)
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en remplacement de la radiothérapie externe quotidienne sur 35 jours. Cette solution a été proposée
dans certains pays (dans le sud des États-Unis, en
particulier) où le coût d’un traitement classique était
tel qu’il n’était pas pris en charge par les systèmes
d’assurance, conduisant ainsi nombre de femmes à
une mastectomie plutôt qu’à un traitement conservateur. Les premiers résultats des études sur l’irradiation partielle du sein portent sur de petites
séries de patientes sélectionnées sur des critères
de faible risque de récidive, avec des reculs encore
très faibles, et qui ne permettent pas de conclure
à l’équivalence des résultats de ce traitement et de
ceux du traitement conservateur classique. En outre,
l’effet du haut débit ou des hypofractionnements de
ce type sur les séquelles à long terme n’est pas connu
dans le sein. Des essais thérapeutiques démarrent
en Europe et aux États-Unis, dont les résultats ne
seront pas disponibles avant plusieurs années (13).
Radiothérapie pariétale
après mastectomie
La dernière mise à jour de l’EBCTCG, méta-analyse
publiée en 2005, a étudié 8 500 mastectomies
de 36 essais conduits entre 1962 et 1984 (1). Les
auteurs ont rapporté un gain de 4 % au niveau du
contrôle local à 5 ans pour les patientes N– et de
17,1 % pour les patientes N+. Ils ont également
rapporté une baisse à 15 ans de la mortalité liée
au cancer du sein de 5,4 % (2p = 0,0002) chez les
patientes N+.
Cette irradiation est indiquée lorsqu’il existe des
facteurs de risque élevé après mastectomie. Le
volume cible est constitué de la cicatrice de mastectomie et de la peau qui recouvrait la glande et le
muscle pectoral sous-jacent, ainsi que des reliquats
glandulaires éventuels qui n’auraient pas été enlevés
par chirurgie. L’épaisseur de cette paroi est inégale
chez une même patiente, et varie beaucoup d’une
patiente à l’autre. De nouvelles propositions et
améliorations de la technique d’irradiation pariétale
par électrons publiées récemment visent à obtenir
une irradiation homogène en respectant les organes
à risque comme le cœur et les poumons (14). Cette
technique permet d’éviter les “points chauds”, soit
DOSSIER THÉMATIQUE
les zones à risque où pourraient se développer des
complications cutanées tardives (télangiectasies
ou fibroses).
Radiothérapie
des aires ganglionnaires
La radiothérapie s’appuie sur les résultats d’études qui
ont montré que l’irradiation des relais ganglionnaires
diminuait le risque de récidive ganglionnaire (15).
Beaucoup d’efforts sont faits pour définir exactement les volumes d’irradiation dans le cadre de la
préparation d’une irradiation de type IMRT (16-18).
Femme, beauté et soins cutanés
Grossesse et allaitement
après traitement conservateur
d’un cancer du sein
La maternité représente, pour certaines patientes,
une nécessité, une étape obligatoire dans leur vie
de femme ; c’est aussi un symbole de guérison et un
espoir. Plusieurs études ont démontré que la grossesse post-thérapeutique n’avait pas d’influence sur
le pronostic de cancer du sein (20). Concernant les
formes de bon pronostic, certains auteurs ont même
parlé d’un effet favorable de la grossesse sur la survie
(20, 21). En outre, des études rétrospectives ont
démontré que, après une irradiation dans le cadre
d’un cancer du sein, la patiente pouvait allaiter avec
le sein traité (22).
La peau ou réactions cutanées pendant
la radiothérapie
S’assurer que la patiente atteinte de cancer du sein
a compris et applique correctement les consignes
­d’hygiène cutanée constitue un élément important
de la surveillance en cours de radiothérapie. D’une
part, il est recommandé d’éviter les facteurs favorisants irritatifs locaux : à cet effet, le port de vêtements en coton amples est recommandé, et la zone
traitée ne doit pas être exposée aux rayonnements
ultraviolets ; les soutiens-gorges à baleines sont
susceptibles de majorer les frottements au niveau
du sillon sous-mammaire ; l’utilisation de cosmétiques alcoolisés est déconseillée. D’autre part, les
zones traitées doivent être nettoyées à l’eau et au
savon neutre non parfumé. Les données quant aux
soins cutanés à prodiguer durant la radiothérapie,
en prophylaxie ou dès l’apparition d’une toxicité
cutanée, sont nombreuses. Elles sont parfois contradictoires, ce qui rend difficile la prise en charge au
quotidien des radioépithélites, mais plusieurs molécules font l’objet de recherches (19).
Figure. Irradiation du sein
et sexualité : la beauté de
la femme vue par les yeux
de l’oncologue radiothérapeute. Avec la définition
de volumes mammaires
et ganglionnaires ainsi
que l’utilisation des
techniques modernes de
radiothérapie, la toxicité
de ce traitement peut être
réduite.
En conclusion, la radiothérapie moderne d’un cancer
du sein respecte dans la majorité des cas la sexualité
des femmes (figure). ■
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 8 - octobre 2009 | 399
DOSSIER THÉMATIQUE
Sexualité et cancers féminins
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400 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 8 - octobre 2009
32nd
Annual San Antonio
Breast Cancer Symposium
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