Forum Med Suisse 2010;10(1–2):29 29
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Radio-oncologie: l’irradiation partielle du sein (IPS)
n’est-elle qu’au stade expérimental?
Ou: à partir de quand une patiente est-elle âgée?
Kristina Lössl, Daniel M. Aebersold
Klinik und Poliklinik für Radio-Onkologie Inselspital/Universität Bern
Au coursdes 15 dernières années, le traitement conser-
vateur du cancer du sein est devenu le standard théra-
peutique incontesté dans le cas d’une délimitation loco-
régionale de la tumeur.Ceconcept comprend l’irradiation
adjuvante du sein opéré (et éventuellement des vaisseaux
lymphatiques). Alors que les études des années 1990
cherchaient encore la possibilité de renoncer à l’irra-
diation, nous savons aujourd’huiqu’il est indispensable
de procéder à l’irradiation totale du sein (ITS) chez la
plupart des patientes, et que de plus il faut compléter
cette mesure par la surimpression (boost) du lit tumoral.
En Suisse, lorsque le cancer du sein est diagnostiqué
pour la première fois, plus de 70% des patientes reçoi-
vent un traitement chirurgical conservateur du sein. Pé-
riodiquement se repose la question de savoir si l’on ne
pourrait pas renoncer à six semaines d’irradiation quo-
tidienne, du moins chez les femmes d’un certain âge.
Mais à partir de quand une patiente est-elle considérée
comme «d’un certain âge» ou «d’un âge certain»? L’ es-
pérance de vie d’une femme se situait àmoins de 45 ans
en 1881 et elle s’élève à presque 84 ans aujourd’hui.
Selon l’Office fédéral de la statistique, la Suisse comptait
7701856 habitants en 2008, dont 909754 étaient âgés
de plus de 70 ans et 59082 de plus de 90 ans. Comme
d’autres tumeurs solides, le cancer du sein est une ma-
ladie de la vieillesse dont l’incidence croît avec l’âge dans
la plupart des pays. En Suisse elle atteint son maximum
entre 60 et 65 ans et décroît très légèrement par la
suite. Dans les cancers du sein nouvellement diagnosti-
qués, 32% concernent des femmes de plus de 70 ans
(Association suisse des registres des tumeurs). Dès lors
se pose la question: faut-il compter une femme de 69 ans
(Tina Turner lors de son concert public à Dublin, en
mars 2009) ou une autre de 73 ans (Sophia Loren lors
de la cérémonie des Oscars à Los Angeles, en février
2009) parmi les femmes «d’un certain âge» ou parmi
celles «d’un âge certain»? Une chose est certaine: per-
sonne n’aurait l’idée de proposer une mastectomie à
ces personnalités publiques pour faire l’économie d’une
irradiation adjuvante. Il ne fait aucun doute qu’une
femme septuagénaire peut encore avoir une espérance
de vie restante de 15 ans ou plus, même si son état géné-
ral est diminué. Même une femme de 80 ans adebonnes
chances d’atteindre 90 ans et, par là même, de courir
un risque de récidive locale en cas de suppression de
l’irradiation adjuvante.
Certes, la réduction absolue du risque de récidive locale
varie avec l’âge et l’irradiation adjuvante est plus efficace
chez une patiente de moins de 50 ans (elle réduit le
risque de récidive locale de 22%, en valeur absolue, par
rapport au traitement chirurgical conservateur du sein)
que chez une femme ayant dépassé cet âge. Cependant,
cette réduction absolue du risque ne diminue que lente-
ment lorsque l’âge avance (elle se situe à 16% entre 50
et 59 ans, à 12% entre 60 et 69 ans et à 11% au-delà de
70 ans; ces valeurs sont significatives pour toutes les
tranches d’âge) [1]. Quant àlasurimpression du lit
tumoral, elle présente elle aussi un maximum d’efficacité
chez les patientes de moins de 40 ans, mais on observe
un nouvel accroissement de sa valeur thérapeutique
au-delà de 70 ans. En l’état des connaissances, on ne
peut donc pas renoncer àlaradiothérapie avec bonne
conscience, que les femmes soient âgées de plus de
70 ans ou non. Et n’oublions pas qu’après un traitement
chirurgical conservateur du sein, il faut assurer un suivi
postopératoire àintervalles serrés pour pouvoir effectuer
une opération à temps en cas de récidive locale. Est-ce
que l’on veut vraiment infliger tout ce processus de
contrôles prolongés à une patiente «d’un âge certain»
et, de plus, lui imposer la perspective d’une nouvelle
intervention chirurgicale?
Il est clair qu’un traitement de 6semaines représente
souvent une charge épuisante pour les patientes d’un
certain âge. Au Canada, par exemple, certaines femmes
optent pour la mastectomie afin d’éviter les longs trajets
quotidiens pendant la radiothérapie. Chez nous aussi,
les femmes préfèrent parfois la solution ablative àun
long traitement adjuvant. La situation sur le plan de la
politique sanitaire aconduit le Canada et la Grande-Bre-
tagne à«réactiver» les schémas courts testés dans les
années 1970–80. Les études STARTont confronté cer-
tains schémas de fractionnement comme 13 x3,2 Gy au
bras standard avec 25 x2Gyaubras standard [2, 3].
Elles ont montré que la chance de survie sans récidive
locale était plus élevée lors d’une dose individuelle plus
forte. La biologie du cancer du sein laisse donc supposer
Kristina Lössl
Figure 1
Curiethérapie interstitielle sous forme d’IPS.