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Correspondances en pelvi-périnéologie - 2, vol. I - avril-mai-juin 2001
dossier
C
ONCEPTS ET DÉFINITIONS
DE LA QUALITÉ DE VIE
Rendre objective et mesurer une impression sub-
jective perçue par le patient est une gageure. La
normalisation et la mesure de ce concept sont
d’autant plus difficiles que la notion de qualité
de vie est très individuelle, dépendante de l’état
émotionnel du patient, de ses expériences phy-
siques et psychiques, de son éducation, de son
statut social, de son environnement culturel et
sociologique. Notion très égocentrique, spéci-
fique de l’individu mais aussi de son environne-
ment, ce concept multidimensionnel est difficile
à appréhender. Diverses définitions ont pu en
être données : état de bien-être en relation avec
l’état de santé ; sensation de bien-être physique,
psychique, émotionnel, intellectuel ; possibilité
de participer aux activités familiales, sociales,
professionnelles. La définition de la qualité selon
le Petit Larousse [“propriété sensible et non
mesurable qui détermine la nature d’un objet”]
semble de prime abord antinomique avec la
notion de score, d’échelles de qualité de vie
l’on essaye de quantifier cet état. Autrement dit,
l’aspect qualitatif mis en exergue dans la défini-
tion même du concept contraste avec la notion
quantitative, qui seule se prête à une mesure. Il
s’agit de plus d’une valeur labile dont le carac-
tère variable peut poser problème en termes de
mesure, nécessitant la définition de bornes tem-
porelles pour être analysable.
Derrière ce concept flou se cache pourtant un
besoin d’évaluation simple : quel est le reten-
tissement en termes psychologique, social,
familial, professionnel et sur les activités de la
vie quotidienne, des symptômes ?
Cette question est une question fondamentale
dans la mesure où l’on s’intéresse à une patho-
logie purement fonctionnelle (l’incontinence
urinaire) la problématique n’est que de
l’ordre du confort au sens large du terme
(confort psychologique, confort social).
Les stratégies diagnostiques (décision d’exa-
mens complémentaires par forcément anodins
en termes de pénibilité, d’effets iatrogènes
potentiels ou de coût économique), et plus
encore les stratégies thérapeutiques, doivent
nécessairement s’appuyer sur une appréciation
la plus objective possible de l’altération de la
qualité de vie pour nuancer les diverses déci-
sions. Les implications éthiques, médico-
économiques et parfois médico-légales sont
évidentes à toutes les étapes des processus
décisionnels. L’existence d’outils validés per-
met de répondre en partie à ces questions.
L
A MESURE DE LA QUALITÉ DE VIE
La grandeur mesurée (“la qualité de vie”) est
une donnée multifactorielle et la mesure doit
impérativement respecter cette caractéristique.
Pour mesurer la qualité de vie des patients, plu-
sieurs types d’outils (échelles) peuvent être uti-
lisés. Ces échelles peuvent être générales
(capables de fournir des données sur l’état de
santé et la qualité de vie (QdV) quelle que soit
la pathologie) ou bien spécifiques de l’affec-
tion. Les échelles générales présentent l’avan-
tage de permettre des comparaisons avec des
patients souffrant d’autres maladies ou encore
de comparer des groupes de malades à des
populations de référence non malade
(Nottingham Health Profile, SF-36, Göteborg
Quality Of Life Instrument, Sickness Impact
Profile, EuroQol, échelles visuelles analo-
giques). Les échelles spécifiques se révèlent
plus sensibles aux variations cliniques que les
échelles globales.
Quelle que soit l’échelle utilisée, la QdV des
patients est mesurée au moyen de question-
naires. La mise au point de ces questionnaires
est longue et fait appel à une équipe multidisci-
plinaire (médecin, psychologue, statisticiens,
méthodologistes) qui travaille à l’élaboration de
l’outil qui sera ensuite testé pour vérifier sa vali-
Les scores de qualité
de vie de l’incontinence
urinaire de la femme
G. Amarenco*
* Service de rééducation neurologique
et d’explorations périnéales,
hôpital Rothschild, 33, bd de Picpus,
75571 Paris Cedex 12.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - 2, vol. I - avril-mai-juin 2001
dité (capacité à mesurer ce qu’il est censé mesu-
rer), sa fiabilité (capacité à donner des résultats
comparables dans des situations comparables,
encore appelée reproductibilité) et sa sensibi-
lité. Les questionnaires peuvent être prévus
pour être renseignés par le patient lui-même
(questionnaires auto-administrés) ou par le
médecin, voire par l’entourage. Ces outils ont
enfin l’immense mérite d’être “écologiques”, de
faible coût d’utilisation et non invasifs. Les
modalités de réponse aux questions (dites
items) diffèrent d’une échelle à l’autre : réponse
de type oui/non, échelles visuelles analogiques
ou modalités d’intensité croissante. Dans tous
les cas, il est possible de calculer un ou plu-
sieurs scores. Ce score pourra être global ou cal-
culé pour chaque dimension explorée.
Deux grands domaines sont en règle étudiés :
d’une part, l’humeur et l’état psychologique et
d’autre part, les différentes activités de la vie
quotidienne. De manière détaillée, plusieurs
aspects sont spécifiquement explorés :
– les activités physiques (physical functioning),
c’est-à-dire les capacités qu’a l’individu de par-
ticiper aux activités de la vie quotidienne (soins
corporels, cuisine, courses, tâches ména-
gères…) ;
l’état psychique (psychological functioning),
c’est-à-dire l’état émotionnel et mental de bien-
être, incluant ainsi différents états de dépres-
sion, anxiété, inquiétude, culpabilité et, à l’in-
verse, joie, dynamisme, optimisme ;
les activités sociales, relations avec autrui
(entourage, famille, amis), capacité de partici-
pation aux différentes activités de la vie rela-
tionnelle ;
– la satisfaction globale (overall life satisfac-
tion), c’est-à-dire le sentiment global d’avoir
(ou non) une vie agréable ;
– la perception de son état de santé (perception
of health status), positive ou négative, souvent
fonction de l’âge du sujet et de ses références
temporelles vis-à-vis de son propre chemine-
ment dans l’existence.
D’autres domaines connexes sont souvent ana-
lysés : douleur, sommeil, état cognitif, satisfac-
tion sexuelle (et, partant, troubles génito-
sexuels éventuels).
La stratégie de validation psychométrique com-
prend différentes étapes qui sont maintenant
codifiées et clairement identifiées. Il s’agit de
démontrer que le questionnaire utilisé est un
véritable instrument de mesure qui, à ce titre,
doit présenter des propriétés précises. Cette
validation psychométrique répond à trois cri-
tères principaux : validité, fiabilité et sensibilité
aux changements. La validation [validité de
contenu (content/face validity)] consiste à
démontrer qu’un questionnaire mesure ce qu’il
prétend mesurer. Cela revient à démontrer que
les items couvrent bien l’ensemble des
domaines inhérents à la pathologie. Pour la
validité de construction (construct validity), il
s’agit de démontrer que le questionnaire est un
véritable instrument de mesure. Il doit pouvoir
ainsi distinguer les différents groupes (nor-
maux vs malades/malades traités vs non trai-
tés…). La fiabilité (reliability) est la capacité du
questionnaire à se comporter de manière fiable
et donc de mesurer de manière reproductible la
qualité de vie. La reproductibilité (reproducibi-
lity = validité externe) est la stabilité de la
mesure dans le temps. La cohérence interne
(internal consistency = validité interne) est
mesurée par des coefficients qui apprécient
l’erreur de mesure. Elle est appréciée par le cal-
cul de l’alpha de Cronbach, ce coefficient indi-
quant dans quelle mesure les items d’une
dimension étudient le même concept et avec
quelle fiabilité. La stabilité (stability) est la
capacité qu’a le questionnaire de mesurer les
mêmes choses chez une même personne sur un
laps de temps donné. La sensibilité aux chan-
gements (responsiveness) est la capacité du
questionnaire à réagir, à “bouger” : c’est sa
réactivité. Le questionnaire doit montrer une
évolution de la qualité de vie d’un même
groupe de patients dont l’état va changer
(après traitement, par exemple).
Quant à la validation linguistique d’une échelle,
ce n’est pas une simple traduction.
L’adaptation culturelle d’un questionnaire est
en effet un processus complexe, le question-
naire en langue étrangère devant être en défini-
tive équivalent sur le plan conceptuel à la ver-
sion originale.
L
ES DIFFÉRENTES ÉCHELLES
DE QUALITÉ DE VIE
Les scores généralistes
Les échelles visuelles analogiques sont des
index d’utilisation simple entrés dans la pra-
tique quotidienne. Encore faut-il qu’ils soient
explicites. On peut s’aider d’un référentiel de
Scores de symptômes et de qualité de vie en pathologie pelvi-périnéale chez la femme
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BIBLIOGRAPHIQUES
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Correspondances en pelvi-périnéologie - 2, vol. I - avril-mai-juin 2001
questions pour aider à faire prendre conscience
à la patiente des domaines que l’on veut étu-
dier. Ces exemples permettent une illustration
pratique des implications des troubles miction-
nels sur les deux grands domaines qu’évalue le
concept de qualité de vie, à savoir d’une part, le
retentissement sur l’humeur et l’état psycholo-
gique, et d’autre part, l’impact des troubles sur
les différentes activités de la vie de tous les
jours. D’autres scores généralistes ont pu être
utilisés dans l’exploration des troubles miction-
nels et de l’incontinence de la femme
(Nottingham Health Profile, SF-36, Göteborg
Quality Of Life Instrument, Sickness Impact
Profile, EuroQol). Ces scores sont bien moins
sensibles que les scores spécifiques. Les
domaines les plus modifiés par l’incontinence
urinaire sont ceux concernant les activités
sociales et les réactions émotionnelles.
Les scores spécifiques
Ils sont nombreux : Incontinence Impact Ques-
tionnaire ; Symptom Impact Index ; York Incon-
tinence Perception Scale, Stress Incontinence
Questionnaire, Bristol Female Lower Urinary
Tract Symptoms Questionnaires. Deux ques-
tionnaires sont utilisables chez l’homme et la
femme : SEAPI QMM Incontinence classifica-
tion system et Quality of Life in Persons with
Incontinence. Un dernier questionnaire concer-
nant en fait une mesure individuelle (l’individu
identifie pour lui-même les aspects de sa vie
les plus importants constituant ainsi sa propre
qualité de vie, et les grades) : SEIQOL. Mais
tous ces questionnaires ne sont validés qu’en
anglais. En français, deux questionnaires sont
disponibles (et publiés à ce jour) : l’échelle
Ditrovie (expertisant le retentissement en
termes de qualité de vie des troubles miction-
nels de la femme à type d’impériosité, pollakiu-
rie ou fuites sur urgence mictionnelle) ; et le
questionnaire Contilife (expertisant l’ensemble
des troubles mictionnels de la femme y com-
pris l’incontinence urinaire à l’effort).
L
ES ÉTUDES RÉALISÉES
DANS L
INCONTINENCE URINAIRE À L
EFFORT
Elles sont en fait peu nombreuses. Wyman ne
retrouve pas de corrélations entre les données
QdV fournies par l’Incontinence Impact
Questionnaire (IIQ) et le pad-test ou le score de
symptômes (Urogenital Distress Inventory
UDI). Norton, en revanche, retrouve une cor-
rélation entre les données cliniques et l’impact
sur les activités de la vie quotidienne.
Amarenco (1998, SOFMERR Lyon) a analysé
25 femmes de 28 à 83 ans se plaignant d’une
incontinence urinaire à l’effort pure, sans
impériosité, et a démontré une bonne corréla-
tion entre l’importance quantitative des fuites
au pad-test et l’impact en termes de qualité de
vie. Le même auteur, sur une étude des corré-
lations entre scores de qualité de vie et don-
nées urodynamiques (Amarenco 1998, SIFUD
Lisbonne) retrouve sur 26 femmes une bonne
corrélation entre l’importance des symptômes
et la positivité du VLPP ainsi que de la valeur
de la pression de clôture. L’impact en termes
de qualité de vie n’est corrélé qu’à la positivité
du VLPP. Sander a bien démontré l’intérêt de
l’étude de la qualité de vie pour évaluer l’effi-
cacité d’un traitement (en l’occurrence, un dis-
positif intra-vaginal de continence). Dans cette
étude, 55 femmes souffrant d’une inconti-
nence urinaire à l’effort ont participé à une
étude sur 3 mois. Étaient réalisés deux cata-
logues mictionnels, deux pad-tests à domicile
de 24 h, une évaluation de la qualité de vie
(SF36, IIQ) et une débimétrie. Cette étude
démontre une diminution des fuites au pad-
test, une diminution de la fréquence des fuites
sur le catalogue mictionnel, une amélioration
de la qualité de vie sur le questionnaire spéci-
fique (IIQ), alors que le questionnaire généra-
liste (SF36) ne bouge pas. Versi a aussi démon-
tré l’efficacité d’un obturateur uréthral, et cela
tant sur les paramètres cliniques (pad-test de
1 h et de 48 h, catalogue mictionnel) que sur la
qualité de vie (IIQ). Fonda, en utilisant un ques-
tionnaire personnel non validé, a mis en évi-
dence l’effet positif sur la qualité de vie de la
rééducation périnéale chez les femmes âgées
de plus de 60 ans. Sand a utilisé un question-
naire généraliste (SF36) pour démontrer une
amélioration de la qualité de vie après mise en
place d’un obturateur uréthral. Cette améliora-
tion était corrélée aux résultats du pad-test et
du catalogue mictionnel. Haab a pu démontrer,
grâce au IIQ, l’amélioration en termes de qua-
lité de vie après implantation d’un sphincter
artificiel pour incontinence urinaire. Blanc, uti-
lisant une version non validée du IIQ, a pu éva-
luer l’amélioration de la qualité de vie après
chirurgie pour incontinence urinaire à l’effort.
dossier
12.Patrick D, Deyo R. Generic and
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Correspondances en pelvi-périnéologie - 2, vol. I - avril-mai-juin 2001
C
ONCLUSION
L’évaluation de la qualité de vie fait désormais
partie intégrante de l’analyse clinique globale
des différents symptômes et maladies. Elle
nécessite des outils validés, spécifiquement
adaptés à la pathologie ou au syndrome consi-
déré. Les procédures de validation de tels outils
sont complexes, bien codifiées, expliquant que
ces échelles et questionnaires soient longs à
produire, le plus souvent très focaux en termes
de population cible. Au-delà de leur utilisation
clinique dans les processus de décision diagnos-
tique (hiérarchie des examens complémentaires)
et thérapeutiques (choix des techniques), ces
outils sont indispensables dans la conduite des
essais thérapeutiques et plus généralement
dans les protocoles de recherche clinique.
Échelles visuelles analogiques : retentissement des troubles mictionnels
s
Exemples :
Type d’évaluation : retentissement des troubles urinaires sur : Score sur 100
les activités de la vie quotidienne, les activités professionnelles ou scolaires, les activités de loisir et de culture
l’humeur et l’état psychologique
Échelle Ditrovie
Au cours des 4 dernières semaines, vos troubles urinaires :
Au cours des 4 dernières semaines, à cause de vos troubles urinaires, avec quelle fréquence :
Total :
Score global : somme des scores aux 10 questions divisé par 10
Interprétation du score :
1 : correspond à une patiente peu gênée dans ses activités, son psychisme, son sommeil et qui a une excellente qualité de vie.
5 : correspond à une patiente extrêmement gênée dans ses activités, son psychisme, son sommeil et qui a une mauvaise qualité de vie.
Pas du tout Un peu Moyennement Beaucoup Énormément
(1) vous ont-ils gêné lorsque vous étiez à l’extérieur de chez vous ? 1 2 3 4 5
(2) vous ont-ils gêné pour faire les courses ou les achats ? 1 2 3 4 5
(3) vous ont-ils gêné pour porter quelque chose de lourd ? 1 2 3 4 5
(4) ont-ils nécessité que vous interrompiez fréquemment votre travail ou vos activités quotidiennes ? 1 2 3 4 5
Jamais Rarement De temps en temps Souvent En permanence
(5) avez-vous éprouvé un sentiment de honte, de dégradation ? 1 2 3 4 5
(6) avez vous craint de sentir mauvais ? 1 2 3 4 5
(7) avez-vous perdu patience ? 1 2 3 4 5
(8) avez-vous craint de sortir de chez vous ? 1 2 3 4 5
(9) avez-vous été obligée de vous relever plusieurs fois pendant votre sommeil ? 1 2 3 4 5
(10) Compte tenu de vos troubles urinaires, comment évaluez-vous actuellement votre qualité de vie ? (entourez la réponse de votre choix)
12345
Excellente Mauvaise
Vie quotidienne déplacement : marche, transferts, s’accroupir, s’agenouiller, se relever, escaliers, positions couché-debout-assis
transport : sortir
de chez soi ; attendre et prendre les transports en commun ; deux-roues, conduite automobile
alimentation : faire les courses ;
préparer et prendre les repas
soins personnels : toilette (se laver), s’habiller
sorties diverses : administratives, soins (médecin, dentiste),
faire la queue, achats divers
ménage : ranger, balayer, serpillère, vaisselle, linge, lit...
vie familiale : s’occuper d’autrui : enfants,
adultes, animaux
activités de soin : kinésithérapie, gymnastique
contraintes de soin : infirmière, autosondage, médicament
activités
diverses : soulever poids, rire, toux, éternuement
sommeil : qualité et durée
Vie professionnelle activités professionnelles : réunions, travail, transport
activités scolaires : cours, école, récréation, transport, restaurant scolaire, jeux
ou scolaire
Vie de loisir sortir chez des amis, en famille ; réunion familiale ou amicale, spectacle, cinéma, musée, restaurant, regarder TV, promenade, lecture,
et de culture temps de repos, jardinage, bricolage, couture, peinture
activités physiques : sport, gymnastique, danse
vie sexuelle.
Scores de symptômes et de qualité de vie en pathologie pelvi-périnéale chez la femme
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