IMAGERIE TOMODENSITOMÉTRIQUE DES TRAUMATISMES SCAPULAIRES R.Benmoussa, M.Boussalah, N.Touil, O.Kacimi, N.Chikhaoui Service de Radiologie des Urgences – CHU Ibn Rochd – Casablanca - Maroc PLAN Introduction Rappels anatomiques Traumatismes scapulaires: Fréquence Mécanisme Lésions associées Classification lésionnelle Technique TDM dans le traumatisme scapulaire Cas cliniques Points d’interprétation Conclusion INTRODUCTION Les traumatismes scapulaires constituent une entité rare dominée essentiellement par les fractures. Rarement isolés, ils accompagnent le plus souvent des lésions engageant le pronostic vital, et ne sont donc pris en charge qu’en différé. Ayant longtemps fait l’objet d’un traitement conservateur, les études cliniques récentes ont démontré pour certaines la nécessité d’un traitement chirurgical afin de prévenir les préjudices fonctionnels ultérieurs ainsi que les états douloureux chroniques. PROBLEMATIQUE De par son anatomie complexe, la scapula reste une pièce osseuse difficile à radiographier, notamment sa partie interne superposée à la cage thoracique. Ainsi, la réalisation d’un bilan lésionnel précis constitue un véritable défi. Le scanner est à ce jour l’examen de choix et les reconstructions 3D et en volume apportent une aide essentielle à l’élaboration du traitement chirurgical. OBJECTIFS Rappeler l’anatomie de la scapula, les lésions traumatiques les plus fréquentes et leurs mécanismes. Illustrer la pathologie traumatique de la scapula à travers une revue iconographique de 22 cas colligés au service de Radiologie des Urgences du CHU Ibn Rochd de Casablanca, Passer en revue les différentes classifications fracturaires utilisées par les chirurgiens, afin de permettre aux radiologues de les adopter dans leurs compte rendus, guidant ainsi la prise en charge thérapeutique des patients. Démontrer l’apport considérable des reconstructions tomodensitométriques multiplanaires et volumiques dans le diagnostic précis de ces lésions. RAPPELS ANATOMIQUES La scapula constitue la partie postéro-latérale de la ceinture scapulaire. C’est un os triangulaire, plat et mince appliqué à la cage thoracique en regard des sept premières côtes. Elle est constituée de deux faces: Antérieure: orientée en avant et en dedans sur laquelle s’insère le muscle subscapulaire. Postérieure: séparée en fosse supraépineuse et fosse infraépineuse par l’épine de l’omoplate. Celle-ci se prolonge en dehors par l’apophyse de l’acromion. Elle est constituée de trois bords: Supérieur: donnant insertion au muscle omohyoïdien. Médial: donnant insertion au muscle rhomboïde. Latéral: constituant le pilier externe de l’omoplate. Elle est constituée de trois angles: Supérieur: donnant insertion au muscle angulaire. Inférieur ou pointe de l’omoplate. Latéral: supportant la cavité glénoïde, le col de l’omoplate et l’apophyse coracoïde. TRAUMATISMES SCAPULAIRES: Fréquence-Mécanisme-Lésions associées Les lésions traumatiques de l’omoplate sont représentées essentiellement par les fractures scapulaires, qui restent rares ( 1% de l’ensemble des fractures). Les fractures scapulaires résultent le plus souvent d’un traumatisme violent direct et ces patients se présentent généralement aux urgences avec en moyenne 3,9 lésions associées. Les lésions associées les plus fréquentes sont les fractures costales (52,9% des patients porteurs d’un traumatisme scapulaire), les traumatismes thoraciques (47,1%), les traumatismes crâniens (39,1%), les traumatismes du rachis (29,1%), ainsi que les traumatismes du membre supérieur homolatéral. TRAUMATISMES SCAPULAIRES: Classification lésionnelle Il existe plusieurs classifications des fractures de la scapula. Des plus anciennes aux plus récentes, et des plus simples aux plus complexes, elles ont en commun une classification anatomique. On distingue: Les fractures extra-articulaires: corps de la scapula Les fractures articulaires: glène. col de l’omoplate. apophyse coracoïde. acromion. Certaines fractures possèdent des sousclassifications en fonction du trait de fracture selon chaque élément anatomique respectif. TECHNIQUE TDM DANS LES TRAUMATISMES SCAPULAIRES PARAMETRES OMOPLATE Durée d’aquisition (s) 32-40 Pitch 1-2 Epaisseur de coupes (mm) 3 Vitesse table (mm/s) 3-6 Intervalle de reconstruction (mm) 2-3 Kilovolt peak 120 Milliampere seconds 280 Injection de PDC Pas toujours Algorithme de reconstruction Élevé ou tissus mous OU Reconstructions en fenêtre osseuse centrées sur la scapula après une l’acquisition corps entier généralement réalisée dans le cadre du polytraumatisme. Fractures du corps de la scapula Fréquence: les plus fréquentes, 50 à 70% des fractures de la scapula. Mécanisme: choc direct et violent dans le cadre d’un polytraumatisme. Lésions associées: rarement isolées , s’associent souvent à des fractures costales. Caractéristiques tomodensitométriques: Traits variables, parfois comminutifs, mais généralement transversal oblique. Intéresse de façon plus ou moins complète les fosses supra et infra-épineuses. Déplacements minimes (fragments stabilisés par les insertions musculaires). Traitement: orthopédique. TDM de l’omoplate en coupe axiale montrant un double trait de fracture du corps de l’omoplate Reconstructions axiale, sagittale et coronale chez le même patient, montrant le double trait précédemment décrit avec angulation du fragment en arrière Reconstructions volumiques montrant l’irradiation du trait vers le bord latéral de l’omoplate, sans toucher le col de celle-ci, avec angulation du fragment détaché en arrière. FRACTURE DU CORPS DE LA SCAPULA TDM de l’omoplate en coupe axiale chez un traumatisé thoracique montrant un trait de fracture du corps de l’omoplate Reconstructions axiale, sagittale et coronale chez le même patient, localisant le trait de fracture dans la portion sus épineuse du corps de l’omoplate Reconstruction 3D visualisant le trait de fracture oblique en dehors non déplacé de la portion sus épineuse du corps de l’omoplate FRACTURE DU CORPS DE L’OMOPLATE Fractures de la cavité glénoïde Fréquence: 10% des fractures de la scapula. Mécanisme: Impact direct de la tête humérale sur la glène. Lésions associées: Luxation antéro-interne de la tête humérale. Caractéristiques tomodensitométriques: Plusieurs types anatomiques selon l’orientation du trait de fracture. Trait de fracture variable intéressant une zone plus ou moins étendue du pourtour de la cavité glénoïde. Un trait transversal horizontal sépare un fragment supérieur et inférieur. Fracture comminutive si impact latéral et violent. Peut s’étendre au pilier ou à l’écaille de la scapula. TDM de l’épaule en coupe axiale montrant un double trait de fracture de la glène, l’un antéro-supérieur, l’autre postérieur pouvant simuler à lui seul une fracture du col Reconstructions multiplanaires: il s’agit d’un double trait, l’un antéro-supérieur et l’autre postéro-inférieur Reconstructions volumiques où l’on voit le trait antéro-supérieur (type 1) et le trait postéro-inférieur (type 2) : type 1 + type 2 de Ideberg FRACTURE DE LA GLENE TYPE 5 A DE IDEBERG Fractures du col de la scapula Fréquence: rares Mécanisme: choc direct sur l’omoplate. Lésions associées: association possible à une fracture de la clavicule. Caractéristiques tomodensitométriques: Intéressent l’angle supéro-externe. Séparent l’apophyse coracoïde et la cavité glénoïde du reste de la scapula. Le trait peut atteindre soit le col anatomique ou le col chirurgical. Le trait fracturaire est horizontal intéressant le fosse supraépineuse et se prolongeant au niveau de la glène à un niveau variable. Déplacement variable, le fragment latéral se déplace généralement en bas et en avant. TDM thoracique réalisée dans le cadre d’un polytraumatisme, en coupe axiale montrant un trait de fracture du col de l’omoplate gauche avec déplacement chevauchement en arrière du corps Reconstructions multiplanaires chez le même patient, ou l’on note un deuxième trait de fracture touchant le corps de l’omoplate Série d’images de reconstructions 3D chez le même patient : on s’aperçoit qu’il s’agit du même trait passant transversalement par le corps de l’omoplate et irradiant vers l’espace sous glénoïdien FRACTURE DU CORPS DE L’OMOPLATE SIMULANT UNE FRACTURE DU COL Fractures du processus coracoïde Fréquence: 5% des fractures de la scapula. Mécanisme: Choc direct sur l’apophyse ou traumatisme de la tête humérale lors d’une luxation. Mécanisme indirect par tractions des tendons qui s’y insèrent (petit pectoral, coraco et court biceps) ou des ligaments coraco-claviculaires. Lésions associées: association possible à une luxation acromio-claviculaire. Caractéristiques tomodensitométriques: Déplacement plus ou moins important de la portion horizontale. Plusieurs types selon le siège du trait de fracture. Fracture du processus coracoïde dont le trait passe par la base de l’apophyse : Type 3 selon Eyres Favard L., Berhouet J., Traumatismes de la ceinture scapulaire. Encycl Méd Chir Elsevier Masson SAS 2009:14-035-A-10 Fractures de l’acromion Fréquence: rares Mécanisme: choc direct Lésions associées: Luxation antéro-interne. Caractéristiques tomodensitométriques: Siège typiquement au niveau de la base de l’acromion à la jonction avec l’épine de la scapula. Déplacement modéré, basculant généralement en avant. Gravité: lésions du plexus brachial. Traitement: orthopédique. TDM thoracique rélalisée dans le cadre d’un polytraumatisme : présence de deux traits de fracture du corps de l’omoplate Reconstructions multiplanaires où l’on voit en plus de la fracture du corps, une solution de continuité de l’épine de l’omoplate Reconstructions volumiques montrant de face antérieure et postérieure le trait corporéal traversant obliquement l’omoplate jusqu’à la racine de l’épine et au bord médial de l’omoplate. On voit sur la reconstruction de profil le trait de fracture presque vertical de de la base de l’acromion rejoignant le trait corporéal FRACTURE DE L’ACROMION + FRACTURE DU CORPS DE LA SCAPULA POINTS D’INTERPRETATION Les fractures doivent être décrites précisément par le radiologue: localisation, déplacement et aspect comminutif. (3) Articulaire ou extraarticulaire Toute extension du trait au col ou à la glène doit impérativement être précisée. Le traitement est chirurgical si Déplacement > 2 à 3 mm de la surface articulaire de la glène. Déplacement > 2 à 3 cm au niveau du corps de la scapula. CONCLUSION Les fractures scapulaires représentent moins de 5% des fractures de l’épaule. Hormis en cas de choc direct sur le corps de l’omoplate, la présence d’une fracture témoigne généralement de la violence de l’impact, et la recherche des lésions associées est systématique. Les reconstructions multiplanaires et volumiques sont d’un apport très contributif. Elles décrivent fidèlement le trait de fracture, voire redressent même le diagnostic du siège du trait, son irradiation et son déplacement. Les fractures du corps demeurent les plus fréquentes, suivies des fractures de glène. REFERENCES Südkamp N.P., Jaeger N., Fractures of the scapula. Acta Chir Orthop Traumatol Cech 2011;78(4):297-304 Sans N, Railhac J.J., Imagerie de l’omoplate et de la clavicule. Encycl Méd Chir Elsevier, Paris Radiodiagnostic – Squelette normal 30-370-A-10, 1998, 9p Despeyroux M.L., Loustau O., Imagerie des traumatismes de l’épaule, J Radiol 2007 ; 88:71833 Drake R.L., Vogl W., Gray’s anatomie pour les étudiants 2006 Elsevier Masson SAS Eyres K.S., Brooks A., Fractures of the coracoïd process, J Bone Joint Surg Br 1995:77:425-8 Godefroy D., Guérini H., Fractures de l’épaule fréquemment méconnues, JFR 2008 FMC 60613 Goss T.P., Fractures of the glenoid cavity. J Bone Joint Surg Am 1992; 74:299-305 Cole P.A, Freeman G., Scapula fractures Curr Rev Musculoskelet Med. 2013 March; 6(1): 79– 87. Favard L., Berhouet J., Traumatismes de la ceinture scapulaire. Encycl Méd Chir Elsevier Masson SAS 2009:14-035-A-10 QCM 1) Les fractures scapulaires: A. Sont les fractures de l’épaule les plus fréquentes. B. Résultent généralement d’un traumatisme mineur. C. Sont le plus souvent isolées. D. Les fractures y étant le plus souvent associées sont Réponse: D les fractures costales. QCM 2) Les fractures extra-articulaires sont celles qui touchent: A. Le corps B. La glène C. L’apophyse coracoïde E. Le col Réponse: A D. L’acromion QCM 3) Les fractures de la glène: A. Sont les fractures scapulaires les plus fréquentes. B. Peuvent s’associer à une luxation antéro-interne de la tête humérale. C. Sont classées par la classification de Ideberg. Réponse: C D. Leur traitement est toujours chirurgical