26 La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 3 - juin 2006
>Actualités
thérapeutiques
Prise en charge
des patients souffrant
de schizophrénie
au quotidien
Si, dans les pays anglo-saxons, il existe
de nombreux référentiels permettant
d’optimiser la prise en charge des
patients souffrant de schizophrénie,
cette démarche est, en France, sinon
confidentielle, du moins quasiment
inexistante.
Par ailleurs, ces référentiels s’appuient le
plus souvent sur des avis d’experts, voire
sur les études ayant servi à l’obtention
de l’autorisation de mise sur le marché,
ces dernières servant à démontrer une
efficacité clinique et un rapport béné-
fice/risque dans une situation donnée.
Or, ces études sont réalisées dans un
contexte “fermé” de population très
homogène qui ne reflète en rien la réa-
lité quotidienne de prescription.
Aussi, pour remédier à ce manque, il est
demandé que des études dites natura-
listiques, observationnelles, se mettent
en place pour apporter plus d’informa-
tions quant à la pertinence clinique en
termes d’efficacité des molécules utili-
sées pour soigner, notamment, les
patients souffrant de schizophrénie.
C’est dans cette perspective que deux
études observationnelles ont été mises
en place aux États-Unis, à partir des-
quelles un certain nombre de résultats
ont vu le jour en 2005.
La première étude est un suivi observa-
tionnel, prospectif, réalisé aux États-
Unis et qui mettait à contribution
57 sites de recrutement sur tout le ter-
ritoire américain ; elle est appelée
CATIE, pour Clinical Antipsychotic Trial
of Intervention Effectiveness.
Ce suivi de patients souffrant de schi-
zophrénie a été initié pour répondre à
une demande des pouvoirs publics amé-
ricains concernant, d’une part, l’effecti-
vité (effectiveness), c’est-à-dire l’effi-
cacité d’une thérapie en conditions
naturalistiques, et d’autre part l’effi-
cience (efficiency), c’est-à-dire la
meilleure efficacité clinique au meilleur
coût, des neuroleptiques atypiques
dans des conditions de pratique cou-
rante.La deuxième est également une
étude observationnelle, comparant trois
neuroleptiques atypiques prescrits lors
d’un premier épisode psychotique, en
termes d’effectivité (effectiveness) et
de tolérance ; elle est appelée étude
CAFE, pour Comparison of Atypicals in
First Episode Psychosis.
L’étude CATIE et ses résultats
C’est une étude en double aveugle ayant
un suivi de plus de 18 mois, avec inclu-
sion de 1 493 patients souffrant de schi-
zophrénie, dont 1 432 dossiers analysés.
Les traitements, attribués par randomi-
sation, reposaient sur l’olanzapine à la
dose moyenne de 20,1 mg (7,5-
30 mg/j), la quétiapine à la dose
moyenne de 543,4 mg (200-800 mg/j),
la rispéridone à la dose moyenne de
3,9 mg (1,5-6 mg/j), la ziprasidone à la
dose moyenne de 118,8 mg (40-
160 mg/j) ou la perphénazine, neuro-
leptique typique, à la dose moyenne de
20,8 mg (8-30 mg/j).
Schématiquement, en fonction des résul-
tats obtenus au cours de l’analyse en
intention de traiter, les auteurs indi-
quent que, dans ce suivi observationnel :
– les neuroleptiques atypiques étudiés
ne sont pas plus “effectifs” que le seul
neuroleptique typique prescrit, ce qui
représente un biais d’interprétation non
négligeable ;
– globalement, les molécules neurolep-
tiques prescrites dans les conditions de
cette étude se révèlent efficaces sur la
symptomatologie schizophrénique ;
– près de 74 % des patients (n = 1 061)
ayant participé à ce suivi ont cessé de
prendre l’un ou l’autre des traitements
prescrits après 18 mois, en raison de
leurs effets secondaires délétères ou de
leur inefficacité ;
– la durée au terme de laquelle le trai-
tement était arrêté, soit par manque
d’efficacité, soit par décision du
patient, était plutôt favorable à l’olan-
zapine, comparativement aux autres
traitements. En revanche, en ce qui
concerne ces neuroleptiques atypiques,
les auteurs ont mis en évidence d’autres
effets indésirables aussi délétères que
peuvent l’être les effets neurologiques.
Il était notamment observé davantage
de syndromes métaboliques avec l’olan-
zapine et davantage de syndromes
extrapyramidaux avec la perphénazine
qu’avec les neuroleptiques atypiques.
Enfin, dans un contexte de système
de santé anglo-saxon, cette étude
confirme que le coût lié aux traite-
ments est, d’une part, élevé pour
les neuroleptiques atypiques et,
d’autre part, relativement différent
entre molécules. Ainsi, à dose équiva-
lente, le coût mensuel de chaque pro-
duit a été estimé à 60 $ pour la per-
phénazine, à 250 $ pour la rispéridone,
à 290 $ pour la ziprasidone, à 450 $
pour la quétiapine et à 520 $ pour
l’olanzapine. Ce suivi naturalistique
doit encore fournir de nombreuses don-
nées en ce qui concerne la prise en
charge des patients schizophrènes,
celles-ci pouvant permettre, si elles
sont prises en compte, d’améliorer la
qualité des soins, dans un contexte ou
les quatre neuroleptiques atypiques
prescrits dans cette étude représentent
un chiffre d’affaires de 10 millions de
dollars par an au total et, toutes molé-
cules confondues, 90 % de ce marché
aux États-Unis.
>
Lieberman JA, Stroup TS, McEvoy JP et al. Effective-
ness of Antipsychotic Drugs in Patients with Chronic
Schizophrenia (CATIE). N Engl J Med 2005;353:1209-23.