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La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
incidence du cancer du sein est en augmentation
tant en Europe qu’aux États-Unis.
Depuis le début des années 90, de nombreuses
publications posent à nouveau la question de l’opportunité
d’un traitement hormonal substitutif (THS) chez la patiente
aux antécédents de cancer estrogénodépendant.
Ce sujet est encore soumis à de nombreuses controverses, et si
cette question doit en effet être approfondie, on ne peut oublier
le caractère fortement hormonodépendant du cancer du sein et
le risque de progression, récidive ou évolution métastatique
qui lui est lié.
LES BASES DES CONTRE-INDICATIONS DU THS
À la fin du XIXesiècle, Beatson (1) a montré le caractère hor-
monodépendant du cancer du sein par la pratique d’une castra-
tion à titre thérapeutique.
D’autre part, l’efficacité en traitement adjuvant des antiestro-
gènes est maintenant parfaitement démontrée.
Dans ce contexte, la prescription d’un traitement hormonal
paraît, sinon dangereuse, tout au moins paradoxale.
L’effet estrogene-like du tamoxifène, l’utilisation d’autres
estrogènes et du DES en traitement adjuvant du cancer du sein
viennent pourtant bousculer le dogme de la contre-indication
absolue des estrogènes.
Par ailleurs, l’alimentation riche en soja, et donc en phyto-
estrogènes, des patientes asiatiques serait à l’origine de la plus
faible incidence du cancer du sein dans les pays asiatiques par
rapport à l’Europe de l’Ouest et aux États-Unis.
Des études ont également démontré que le pronostic d’un can-
cer du sein survenant durant la grossesse, et donc sous forte
imprégnation estrogénique, était plus péjoratif qu’un cancer du
sein survenant chez la nulligeste ; mais elles ont également
démontré que la survenue d’une grossesse chez une patiente
aux antécédents de cancer du sein n’en aggrave ni le pronostic
ni le taux de rechute.
Depuis une dizaine d’années, sept publications ont tenté de
démontrer l’innocuité d’un traitement estrogénique ou estrogé-
noprogestatif de substitution après antécédent de cancer du
sein.
LES OBJECTIFS D’UN THS APRÈS CANCER DU SEIN
Le THS a pour but de diminuer les effets métaboliques et orga-
niques de la carence estrogénique.
L’indication d’une chimiothérapie adjuvante s’est considéra-
blement élargie depuis plusieurs années, en particulier chez la
patiente non ménopausée, la femme jeune sans extension gan-
glionnaire axillaire dès lors que la tumeur dépasse 2 cm ou que
les récepteurs hormonaux sont négatifs.
Bines (2) a bien démontré la profonde carence estrogénique
engendrée par de tels traitements puisque près d’un tiers des
patientes de moins de 40 ans ayant reçu une chimiothérapie à
base d’anthracyclines présentent une ménopause précoce. Près
de 96 % des patientes de plus de 40 ans présentent de tels
symptômes partiellement réversibles.
Ces patientes sont donc fortement exposées aux risques délétères
de cette castration, en particulier sur les plans cardiovasculaire et
ostéoporotique. De plus, la qualité de vie de ces patientes est sou-
vent altérée du fait de l’existence de bouffées vasomotrices, de
troubles de l’humeur, d’insomnies, de dyspareunies, d’une altéra-
tion de la peau et des phanères, et de troubles urinaires.
De nombreuses publications s’attachent à retrouver des théra-
peutiques diminuant ces symptômes, mais, globalement, le
THS permet une meilleure amélioration de la qualité de vie, et
surtout une prévention de la morbidité et de la mortalité car-
diovasculaires.
La discussion de la reprise d’un THS porte donc sur le calcul
du rapport bénéfice/risque, tout en sachant que ce risque de
reprise évolutive ou d’évolution métastatique sous THS
demeure très mal évalué.
LES ÉTUDES RÉTROSPECTIVES CAS-TÉMOINS
Il existe 7 études rétrospectives importantes, qui étudient le
plus souvent la mortalité et la survie sans récidive de patientes
présentant des antécédents de cancer du sein et chez lesquelles
un THS a été instauré (3-9).
Matériel et méthode
(tableau I)
Il s’agit d’études cas-témoins dans lesquelles les patientes aux
antécédents de cancer du sein sont appariées avec des patientes
de même âge ayant les mêmes facteurs de risque et les mêmes
antécédents carcinologiques. Ces études incluent un petit
nombre de patientes, avec un maximum de 171 patientes pour
Bluming (8).
THS après antécédent de cancer du sein
et cancer de l’endomètre
P. Lèguevaque*, J. Hoff*
* Service de chirurgie gynécologique et générale, CHU Rangueil, avenue du
Pr-Jean-Poulhes, 31043 Toulouse Cedex 4.
L’
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La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
Il s’agit dans la majorité des cas de petits stades de cancer du
sein, avec une majorité de stades T1, présentant donc un
meilleur pronostic.
La majorité des patientes étudiées ont un statut ganglionnaire
axillaire négatif.
La durée moyenne de suivi se situe entre 5 et 10 ans.
Le THS n’a été prolongé que pour une durée maximale de
trois ans.
Résultats
(tableau II)
Ces sept études rapportent donc uniformément l’absence d’aug-
mentation des rechutes locales après mise en place d’un THS.
Le suivi médian est supérieur à cinq ans et les résultats parais-
sent favorables, avec seulement 28 rechutes et 6 évolutions
métastatiques sur les 527 patientes étudiées.
Dans le cas de l’étude d’Eden (5), qui a apparié 167 patientes
aux antécédents de carcinome mammaire avec mise en place
d’un THS et 167 patientes non substituées, le risque relatif de
rechute est plus faible dans le groupe traité que dans le groupe
non substitué (RR = 0,52 ; 0,29-0,91).
Dans l’étude de Bluming (8), on note seulement deux rechutes
locales sur 123 patientes substituées, avec un suivi médian de
59 mois.
Discussion
L’ensemble des résultats de ces études sont donc favorables,
puisqu’il n’existe pas significativement d’augmentation du
taux de rechutes locales ou de métastases chez les patientes
ayant commencé un THS après cancer du sein. Dans certaines
séries, il existe même une diminution du risque relatif de
rechute sous THS par rapport aux patientes non substituées.
Plusieurs reproches peuvent être faits à ces études :
– les patientes ne sont pas randomisées, et il existe donc un
biais de sélection ;
– le THS a été instauré après un délai d’au moins trois ans
après le diagnostic, en sélectionnant donc des patientes qui
n’avaient pas rechuté dans l’intervalle ;
– ces études font appel à de petites cohortes de patientes ;
– la variabilité des THS entrepris est importante, puisque cer-
taines patientes sont traitées par des estrogènes seuls et
d’autres par des associations estroprogestatives très différentes
de celles employées en Europe ;
– la durée de prescription du THS est insuffisante. Or, les der-
nières publications du Journal of the American Medical Asso-
ciation (JAMA) montrent bien que le risque relatif de cancer
du sein augmente avec la durée de prescription, en particulier
au-delà de 10 à 15 ans.
Auteur Cas Rechutes locales Métastases Suivi en mois
Vassilopoulos (6) 43 1 0 95
Peters (7) 56 0 0 94
Bluming (8) 123 2 1 59
Decker (9) 61 2 2 ?
Eden (5) 167 16 ? 103
167 témoins 31 témoins
RR =
0,52 (0,29-0,91)
Di Saïa (4) 77 7 3 125
Total 527 28 6
Tableau II. Traitement hormonal substitutif de la ménopause après
cancer du sein. Résultats.
Tableau I. Traitement hormonal substitutif de la ménopause après cancer du sein. Récapitulatif des études.
Powles (3)
Di Saïa (4)
Eden (5)
Vassilopoulos (6)
Peters (7)
Bluming (8)
Decker (9)
Patients
35
77
90
43
56
171
114
Stade
T1 : 12
T2 : 14
T3 : 9
In situ : 6
St. 1 : 43
St. 2 : 17
Local
In situ : 2
St. 1 : 22
St. 2 : 19
St. 0 : 14
St. 1 : 26
St. 2 : 14
NA : 2
T0 : 51
T1 : 61
T2 : 22
T3 : 1
St. 0 : 33
St. 1 : 43
St. 2a : 24
St. 2b : 12
St. 3a : 1
St. 3b : 1
RE
NA
+ = 28
– = 12
NA = 37
+ = 12
– = 10
NA = 68
+ = 7
– = 20
NA = 16
+ = 24
– = 9
NA = 23
+ = 88
NA
N ±
10/12
NA : 13
13/58
NA : 6
18/72
8/28
NA : 7
?
27/144
13/101
Délai (mois)
31
24
60
84
55 % < 2 ans
60
43
Durée THS (mois)
15
27
18
31
33
30
Suivi (mois)
?
125
103
95
94
59
?
Âge
51
50
47
46
?
?
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L’ÉTUDE FRANÇAISE
A. Gorins et M. Espié ont étudié une cohorte de 99 patientes trai-
tées à l’hôpital Saint-Louis par un THS après cancer du sein (10).
Matériel et méthode
(tableau III)
Le traitement est instauré après l’arrêt de la chimiothérapie et
de l’hormonothérapie.
Toutes les patientes sont sans maladie évolutive.
Le traitement initial est conservateur dans 54,6 % des cas et
radical dans 45,4 % des cas.
Le délai médian entre le diagnostic de cancer et l’instauration
du THS est de 8,9 ans pour un délai minimal de 1,52 an et
maximal de 22,2 ans.
La médiane de durée de traitement est de 1,4 an (de 4 mois à
9,6 ans). Dans 88 % des cas, il s’agit d’une association estro-
progestative simultanée et dans 12 % des cas d’une association
séquentielle.
Le traitement est instauré à la demande des patientes : les
symptômes motivant cette demande sont colligés dans le
tableau IV.
Résultats
Sur 99 patientes, on note la survenue d’un carcinome mam-
maire controlatéral à 0,4 an, d’une rechute locale à deux ans et
d’une rechute ganglionnaire à 4,33 ans.
Dans l’immense majorité des cas, on signale une très nette
amélioration des symptômes ayant motivé l’instauration du
THS et une très bonne observance.
Si l’ensemble de ces données semble conforter la possibilité
d’instauration d’un THS après antécédent de carcinome mam-
maire, il est, dans l’état actuel des choses, impossible de
conclure sur le risque éventuel de rechute locale ou d’évolu-
tion métastatique (11).
Des études randomisées et prospectives ont donc été mises en
place pour répondre à cette question essentielle.
ÉTUDES PROSPECTIVES
Une étude prospective lancée par Vassilopoulos et al. (12) aux
États-Unis (Texas) étudie de manière randomisée et prospec-
tive une large cohorte de patientes traitées pour cancer du sein.
Les résultats sont encore partiels et très attendus après un suivi
nécessaire de 10 ans.
L’équipe de P. Di Saïa a rapporté, lors du dernier congrès de la
Society of Gynecologic Oncologists à San Diego en février
2000, deux études prospectives : l’une concernant des
patientes traitées pour cancer du sein (13) et hormonosubsti-
tuées, l’autre concernant des patientes aux antécédents de can-
cer de l’endomètre (14).
Matériel et méthode
L’étude de Brewster et al. (13) concerne 135 patientes traitées
pour cancer du sein et considérées comme étant en rémission
complète.
Ces 135 patientes ont donc reçu un THS et ont été appariées avec
362 patientes contrôles aux antécédents similaires de carcinome
mammaire sélectionnées dans le registre régional du cancer.
Les patientes ont été traitées après un délai moyen de quatre
ans après le diagnostic.
Résultats
Le risque de décès par carcinome mammaire est divisé par
trois chez les 135 patientes hormonosubstituées, avec un odds-
ratio de 0,28 (IC : 0,11-0,71).
Discussion
Comme dans la publication de C. Schairer dans le JAMA (15),
qui compare le risque de cancer du sein sous estrogène seul ou
sous estrogène + progestatif chez 46 355 patientes hormono-
substituées, on retrouve dans cette étude une mortalité par can-
cer du sein moins élevée chez les femmes hormonosubstituées.
Ce résultat est expliqué en partie par le fait que ces patientes
ont un suivi rapproché, avec des mammographies répétées, et
que des cancers infracliniques plus précoces sont dépistés, leur
découverte n’engendrant qu’exceptionnellement une diminu-
tion de la mortalité.
La diminution de l’incidence de cancers plus avancés, grâce à
ce dépistage plus précoce, est, elle, responsable en partie de la
diminution de cette mortalité.
Cet argument ne peut être avancé pour cette étude, puisque le
suivi gynécologique d’un carcinome mammaire est aussi “res-
serré”, sinon plus, que celui d’une patiente sous THS.
La plupart des patientes qui, après un cancer du sein, deman-
dent à recevoir une hormonothérapie étaient sous THS avant la
découverte : pour beaucoup d’auteurs, ces cancers hormono-
induits par l’effet promoteur des estrogènes seraient moins
agressifs. De plus, les patientes souffrant de symptômes méno-
pausiques invalidants sont celles dont la dépression estrogé-
nique endogène est la plus forte.
La mortalité globale est également diminuée grâce à la préven-
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
Âge Stade N clinique PEV N histo- Type de Grade Récepteurs
clinique logique carcinome
T0 : N0 : PEV 0 : N– : CCI : gr. 1 : RE+ :
11 % 60 % 92 % 55 % 82 % 11 % 66 %
T1 : N1 : PEV 1 : 1 à 3 N+ : CLI : gr. 2 : RP+ :
44,5 22,5 % 23 % 3 % 38 % 9 % 60 % 78 %
(30-66) T2 : Nx : PEV 2 : > 3 N+ : CCIS : gr. 3 :
25,5 % 17 % 3 % 7 % 8 % 29 %
T3 : PEV x :
11 % 3 %
T4 :
30 %
Tableau III. Données cliniques et histologiques des 99 cas de cancer
du sein traités par THS.
Bouffées vasomotrices Ostéoporose Libido ou Autres
rebelles au traitement importante troubles de l’humeur
non hormonal
27 % 28 % 35 % 10 %
Tableau IV. Motif de demande du THS.
.../...
tion des maladies cardiovasculaires et de l’ostéoporose grave
fracturaire.
Cette étude récente peut toutefois justifier, selon D. Dargent
(16), quelques critiques : si la durée de suivi sous THS est en
effet meilleure que dans les études rétrospectives précédem-
ment décrites, elle n’en reste pas moins insuffisante, puisque
l’on sait, en matière de sénologie, qu’un suivi sur près de
20 ans est bien souvent nécessaire.
D’autre part, quelle que soit la rigueur avec laquelle ont été
choisis les contrôles, il existe un biais de sélection incontour-
nable, puisque les patientes ont été traitées à leur demande,
après une période de rémission relativement longue (quatre ans
en moyenne), ce délai sélectionnant déjà les patientes porteuses
de carcinomes mammaires au potentiel évolutif moins sévère.
PHYTOESTROGÈNES APRÈS CANCER DU SEIN
L’incidence du cancer du sein est diminuée chez les
Asiatiques : l’une des explications avancées est une consom-
mation importante de soja, et donc un apport élevé de phytoes-
trogènes (17).
À dose faible, in vitro, la génistéine (isoflavone) stimule la
prolifération des cellules cancéreuses mammaires. À dose phy-
siologique (alimentation riche en soja en présence d’estradiol),
la génistéine se comporte comme un inhibiteur compétitif de
l’estradiol sur son récepteur, et inhibe légèrement la proliféra-
tion cellulaire.
À dose pharmacologique (18), elle inhibe fortement la crois-
sance cellulaire (MCF7).
Cet effet est également dépendant de la période durant laquelle
la population cellulaire est exposée aux isoflavones (19).
Parallèlement, les isoflavones s’accompagnent d’une légère
augmentation de la densité minérale osseuse et permettent, à
un faible degré, une protection cardiovasculaire par leur effet
bénéfique sur le métabolisme lipidique.
En l’absence de documentation sur leurs effets in vivo, la
même règle de prudence que dans la prescription du traitement
estrogénique doit être conservée chez la patiente aux antécé-
dents de cancer du sein.
Si cette prescription n’est pas impossible, elle doit être faite à
distance du diagnostic initial de cancer du sein, en l’absence de
tamoxifène (effet agoniste-antagoniste), dans les cancers de bon
pronostic et dans un centre spécialisé. Comme pour les estro-
gènes, il existe donc une grande nécessité de mettre en route
des études prospectives randomisées dans le suivi des patientes
aux antécédents de cancer du sein et traitées par isoflavones.
THS ET CANCER DE L’ENDOMÈTRE
Trois études rétrospectives ont également étudié la survie glo-
bale et la survie sans récidive des patientes aux antécédents de
cancer de l’endomètre traitées par THS.
Elles ont malheureusement les mêmes défauts que celles
menées après cancer du sein.
Étude rétrospective : Madigan Army Medical Center
(20)
Matériel et méthode
Cent quarante-quatre patientes porteuses d’un adénocarcinome
de l’endomètre de stade I ont été traitées sur une période de
11 ans.
Après l’intervention chirurgicale, 44 patientes sélectionnées
(grades 1 et 2, infiltration myométriale inférieure, sans exten-
sion ganglionnaire) ont été placées sous estrogéno-substitution
pour une durée médiane de 64 mois.
Résultats
Aucune récidive d’adénocarcinome endométrial n’est notée
dans le groupe substitué.
Parallèlement, dans le groupe contrôle, on compte 8 récidives
sur 99 patientes.
Discussion
Dans cette série, seules les patientes à bas risque bénéficiaient
du traitement estrogénique.
Même si les contrôles bénéficiaient des mêmes facteurs de bon
pronostic, on ne peut se prononcer sur “l’apparente sécurité”
d’une prescription de THS dans ce contexte.
La série présentée par l’équipe de P. Di Saïa lors du dernier
congrès de la SGO (14) est plus intéressante.
Étude prospective : étude de Houston
(13)
Matériel et méthode
Il s’agit d’une étude prospective portant sur 249 patientes sui-
vies entre 1984 et 1998 dans les suites du traitement chirurgi-
cal d’un carcinome de l’endomètre.
Parmi ces patientes, 130 ont reçu un THS, et 75 parmi celles-ci
ont pu être appariées avec des patientes “similaires” n’ayant
reçu aucune hormonosubstitution.
Résultats
Le taux de récidive de cancer de l’endomètre est de 1,4 %
parmi les 75 patientes hormonosubstituées.
Il est en revanche de 14,3 % pour les 75 contrôles (p =
0,0052).
Discussion
Cette étude permet d’obtenir, par son appariement, un résultat
statistiquement significatif, et permettrait, d’après les auteurs,
de relativiser la contre-indication d’un THS après cancer de
l’endomètre.
Toutefois, comme le souligne D. Dargent (16), beaucoup de
patientes n’ont été traitées qu’après un délai au cours duquel
celles qui étaient susceptibles de mourir ont pu mourir.
En effet, plus d’un tiers des patientes n’ont été traitées
qu’après un an de suivi.
D’autre part, les patientes étaient également traitées à leur
demande et pour des symptômes invalidants, ce qui constitue
en soi un biais de sélection.
CONCLUSION
L’augmentation du risque de cancer du sein sous THS (chez la
patiente sans antécédent carcinologique) est bien documentée
dans l’étude du JAMA (15), avec un risque relatif de 1,4 sous
THS, risque qui augmente d’ailleurs avec la durée de prescrip-
tion, et particulièrement au-delà de 10 ans.
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
.../...
DOSSIER
Les auteurs ont calculé que le risque de cancer du sein augmente
de 0,01 par année d’utilisation d’une monothérapie et de 0,08
par année d’utilisation d’une association estroprogestative.
La mortalité de ces cancers est paradoxalement diminuée par
rapport aux cancers survenant sans substitution hormonale, du
fait d’un dépistage accru par la surveillance du THS, mais
aussi probablement par l’effet promoteur des estrogènes sur les
carcinomes infracliniques, ou du fait de l’effet bénéfique
potentiel d’une hormono-imprégnation antérieure.
Cette publication récente, même si elle ne concerne pas les
patientes aux antécédents de cancer du sein, rappelle donc
l’absence d’innocuité de ces traitements.
Dans le contexte d’une patiente ayant présenté un cancer du
sein, les règles de prudence et l’absence de preuve formelle
d’innocuité doivent individuellement nous faire maintenir une
contre-indication au THS.
Toutefois, pour les patientes très gênées par les symptômes de
cette ménopause, en particulier les patientes jeunes en situation
de ménopause précoce post-thérapeutique, un THS peut être
discuté et instauré en centre spécialisé avec un suivi accru.
Un registre instauré par A. Gorins et M. Espié est ouvert, et les
praticiens intéressés peuvent y inscrire leurs patientes.
En attendant le résultat d’autres études prospectives en cours
(Royal Marsden Hospital de Londres, MD Anderson Hospital
de Houston, Gynecologic Oncolic Group JOG 137), la pres-
cription d’un THS doit être encore considérée comme une
contre-indication après un cancer hormonodépendant.
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