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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 1 - janvier-février 2005
MISE AU POINT
Cette formidable variabilité génétique est un obstacle supplé-
mentaire à la conception d’un vaccin. Elle impliquerait la
reconnaissance d’épitopes stables (peu accessibles aux muta-
tions spontanées) et communs entre les différents sous-types,
reconnaissables dans différents contextes HLA, pour qu’un
vaccin ait une chance d’efficacité durable et soit utilisable dans
des zones géographiques larges. Actuellement, la recherche a
essentiellement porté sur des vaccins dirigés contre un ou deux
sous-types dominants dans une région donnée.
LES ESSAIS VACCINAUX PRÉVENTIFS CHEZ L’HOMME
À ce jour, presque 10 000 volontaires ont participé dans le
monde à de nombreux essais vaccinaux de phase I et II, dont
l’objectif principal était d’évaluer la tolérance et l’immunogé-
nicité. Les schémas vaccinaux différaient selon les essais,
pour la périodicité des injections, la réalisation d’injections de
rappel, les vaccins testés seuls ou en association. Ils étaient en
règle bien tolérés. Les vecteurs viraux utilisant le canarypox
et le MVA, dans lesquels sont intégrés des gènes VIH, étaient
plus immunogènes que les vaccins plasmidiques (vaccins
ADN). Ils induisaient pour la majorité d’entre eux une répon-
se humorale, avec “pseudo-positivité” de la sérologie VIH,
alors que la réponse cellulaire était inconstante (19). Dans les
essais vaccinaux préventifs, les volontaires doivent d’ailleurs
être informés de la séropositivité induite par la procédure vac-
cinale, qui est durable, s’accompagne d’une positivité de
Western-Blot avec les vecteurs vaccinaux, et nécessite pour le
diagnostic d’infection de réaliser une recherche d’ARN-VIH
plasmatique. Ces sujets sains peuvent être considérés à tort
comme étant “séropositifs, donc infectés”, avec un impact
psycho-économique négatif.
Les résultats des essais de phase III sont malheureusement
décevants.
Récemment, en 2003, puis en 2004, les résultats des deux pre-
miers grands essais vaccinaux de phase III ont été communiqués.
Ils avaient pour objectif principal d’évaluer l’efficacité préventi-
ve de vaccins recombinants utilisant la glycoprotéine d’envelop-
pe (rgp120) de sous-type B pour l’essai AIDSVAX 004 mené en
Amérique et Europe du Nord, et l’association des deux sous-
types B et E pour l’essai AIDSVAX 003 en Thaïlande.
L’essai AIDSVAX 004 a inclus 5 403 sujets à risque de conta-
mination par voie sexuelle, dont 3 598 ont reçu la protéine
immunogène et 1 805 le placebo (20). Les résultats ont été
décevants, le vaccin n’ayant aucune efficacité vaccinale, avec
7% d’infections par le VIH dans le bras placebo versus 6,7 %
dans le bras vaccin. Bien que l’analyse initiale ne l’ait pas
prévu, une analyse en fonction de l’origine ethnique a secon-
dairement été réalisée, et a retrouvé un effet protecteur du vac-
cin chez les Noirs américains et les Asiatiques (21). Il n’y a pas
d’explication claire à cet effet observé dans un sous-groupe
particulier, et il pourrait s’agir d’un “artefact statistique”. Des
analyses supplémentaires sont en cours, en particulier pour
déterminer si le terrain génétique pourrait influer sur l’effet
vaccinal, via la production d’anticorps neutralisants.
Dans l’essai AIDSVAX 003, 2 546 toxicomanes par voie intra-
veineuse ont été inclus, dont la moitié a reçu le vaccin et l’autre
le placebo (22). Les résultats sont superposables à l’essai pré-
cédent, avec 6,7 % d’infections par le VIH dans le bras placebo
versus 7 % dans le bras vaccin. L’effet vaccinal ne diffère pas
en fonction du niveau de risque (faible ou élevé) des usagers de
drogues, ni en fonction du sous-type B ou E. En revanche, l’au-
teur a souligné les effets latéraux bénéfiques de cet essai, avec
pendant l’étude une diminution de 5,8 à 3,4/100 patients-
années de l’incidence de nouvelles infections par le VIH, pro-
bablement liée à la diffusion de mesures préventives et à la
meilleure prise en charge de cette population à risque.
Dans ces deux essais, les personnes contaminées par le VIH
ont été suivies après la primo-infection, et, là encore, l’évolu-
tion de l’infection par le VIH en termes de CD4 et de charge
virale ne différait pas entre les sujets ayant reçu le vaccin et le
placebo. Le vaccin n’a donc pas d’effet bénéfique ultérieur
chez les personnes infectées malgré le vaccin (22, 23).
L’échec de ces deux premiers essais de phase III a prouvé l’in-
efficacité des immunogènes induisant une réponse anticorps
sans réponse cellulaire. L’essai préventif de phase III prévu en
Thaïlande en 2004 avec une stratégie de prime-boost avec
l’ALVAC + rgp120 a été rediscuté et confirmé, bien que fai-
sant l’objet de controverses (24). On attend de cette associa-
tion vaccinale l’induction d’une immunité CD4 auxiliaire
capable de renforcer les réponses cytotoxiques et humorales,
avec pour objectif final la prévention de l’infection et/ou le
contrôle immunologique de la réplication virale chez les per-
sonnes infectées malgré le vaccin.
D’autres essais de phase I/II avec des immunogènes plus puis-
sants, induisant une réponse cellulaire CTL associée ou non à
une réponse anticorps, sont déjà en cours d’évaluation pour
leur tolérance et de leur immunogénicité. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Palella FS, Delaney KM, Moorman AC. Declining morbidity and mortality
among patients with advanced human immunodeficiency virus infection. N Engl
J Med 1998;338:853-60.
2. Gilbert PB, de Gruttola VG, Hudgens MG et al. What constitutes efficacy for
a human immunodeficiency virus vaccine that ameliorates viremia: issues invol-
ving surrogate end points in phase 3 trials. J Infect Dis 2003;188:179-93.