La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
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Ventilation mécanique et insuffisance cardiaque
(C. Richard -
Le Kremlin-Bicêtre)
La ventilation mécanique présente un intérêt au cours de l’insuf-
fisance cardiaque, tant aiguë que chronique.
Au cours de l’œdème aigu pulmonaire cardiogénique, la chute de
la pression intrathoracique est délétère : augmentation du retour
veineux systémique au cœur défaillant, baisse de la fraction d’éjec-
tion ventriculaire gauche par augmentation de la pression trans-
murale ventriculaire gauche. D’autre part, la dilatation ventricu-
laire droite, en raison de phénomènes d’interdépendance ventricule
droit-ventricule gauche, induit un trouble du remplissage ventri-
culaire gauche. Le traitement par ventilation mécanique conven-
tionnelle corrige l’hypoxémie, améliore la compliance pulmo-
naire, permet la mise au repos des muscles ventilatoires et réduit
la charge ventriculaire gauche avec augmentation du débit car-
diaque chez les patients avec pression capillaire pulmonaire ini-
tialement élevée. Il est logique de penser qu’une augmentation de
la pression intrathoracique ait un effet favorable additionnel.
Trois études randomisées ont testé l’utilisation d’un masque facial
de la CPAP (continuous positive airway pressure) ou VSPEP
(ventilation spontanée-pression expiratoire positive) en complé-
ment du traitement standard des patients en OAP cardiogénique.
Leur méta-analyse suggère une réduction significative de la cap-
nie, du travail respiratoire, du nombre des intubations endotra-
chéales, et une tendance à une réduction de la mortalité.
Chez les insuffisants cardiaques chroniques, on retrouve, chez la
moitié des patients, et ce en dépit d’un traitement correct, plus de
25 épisodes d’apnée-hypopnée par heure et une respiration de
type Cheyne Stokes qui, à elle seule, constitue un facteur de mau-
vais pronostic et d’augmentation de la mortalité. Ces apnées relè-
vent de deux types : obstructives (non dues à l’insuffisance car-
diaque) et centrales (conséquence de l’insuffisance cardiaque
chronique par des mécanismes obscurs : hypocapnie ? bas débit
cardiaque ?). Chez ces patients insuffisants cardiaques chroniques
avec troubles du sommeil, l’utilisation de la VSPEP nocturne au
masque nasal permettrait, par une réduction du nombre des
apnées, une amélioration de l’oxygénation nocturne et donc la
réduction de l’activité nerveuse sympathique (délétère sur le cœur
de ces patients) et, par conséquent, une amélioration de la frac-
tion d’éjection ventriculaire gauche.
La stimulation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque
(T. Lavergne - Paris)
La stimulation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque a long-
temps été réduite aux indications rythmiques et aux cardiopathies
obstructives réfractaires au traitement médical. Les asynchro-
nismes d’activité électrique auriculo-ventriculaire et/ou ventri-
culaire aggravent la dysfonction ventriculaire gauche et consti-
tuent un facteur de mauvais pronostic dans l’insuffisance
cardiaque. Ils peuvent de nos jours bénéficier de la stimulation
cardiaque.
La stimulation cardiaque double chambre (DDD) classique (atrio-
monoventriculaire droite), bien qu’améliorant les patients ayant
un asynchronisme atrio-ventriculaire marqué, est par elle-même
responsable d’un asynchronisme ventriculaire comparable à celui
du bloc de branche gauche, avec un effet hémodynamique délé-
tère (baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche et du
débit cardiaque). Cela a motivé l’émergence de la stimulation
biventriculaire (DDD synchrone). Le ventricule gauche était ini-
tialement stimulé par voie épicardique. Cette technique, en rai-
son d’une grande morbi-mortalité, fut rapidement remplacée par
la voie endoveineuse (sonde mise en place dans une veine laté-
rale du sinus coronaire, à la base du ventricule gauche), voire
transseptale. Chez les patients présentant un trouble de conduc-
tion ventriculaire avec élargissement du QRS > 120 ms, la sti-
mulation biventriculaire réalise une amélioration fonctionnelle
(réduction de la classe fonctionnelle NYHA et augmentation de
la VO2max) et hémodynamique (augmentation de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche) significative. Toutefois, la sti-
mulation ventriculaire ne réduit pas la mortalité, notamment par
trouble du rythme ventriculaire. Cela pose la question de l’asso-
ciation éventuelle d’un défibrillateur implantable. Dans le futur,
la sélection des patients susceptibles de bénéficier de cette tech-
nique devra s’aider des paramètres d’asynchronisme non seule-
ment électrique (durée du QRS) mais aussi et surtout mécanique
(délai aorto-pulmonaire à l’échocardiographie, délai interpic VD-
VG à l’angioscintigraphie avec analyse de phase).
Y a-t-il des limites au traitement médical ?
(J.P. Bounhoure -
Toulouse)
Les progrès continus de la pharmacologie cardiovasculaire ne
cessent de repousser les limites au traitement médical de l’insuf-
fisance cardiaque. Celles-ci se résument actuellement en quatre
points principaux :
Sévérité de la maladie : la mortalité annuelle en classe IV de la
NYHA était de 40 à 50 % dans l’étude de Framingham. Elle reste
rédhibitoire malgré l’apport des IEC (45 % dans l’étude
CONSENSUS). Cependant, dans l’étude RALES, la spironolac-
tone (25 à 50 mg/j) prescrite versus placebo en sus d’un traite-
ment standard comprenant IEC, furosémide, voire digitaliques,
chez des patients en classes III et IV NYHA avec fraction d’éjec-
tion ventriculaire gauche inférieure à 35 % a amélioré de 30 %
la survie, avec une mortalité qui s’établit à 40 % à trois ans.
Mort subite : son origine est multifactorielle lors de l’insuffi-
sance cardiaque. Elle comporte les anomalies neurohormonales,
les bradycardies et surtout les arythmies ventriculaires. Outre l’ef-
fet délétère sur la mortalité des anti-arythmiques de classe I, il
faut souligner que l’action de l’amiodarone sur la survie n’est pas
claire (divergence entre les résultats des études GESICA, STAT-
CHF, EPAMSA). Les IEC ont réduit le nombre de morts subites
dans l’étude VHeFT 2. La méta-analyse d’Heidenreich montre
que les bêtabloquants diminuent la mortalité globale.
Prescriptions médicales : il est navrant de constater que seule-
ment 5 % des patients insuffisants cardiaques sont sous bêtablo-
quants et que seuls 50 % reçoivent des IEC “à pleine dose”.
Étiologie de l’insuffisance cardiaque : les cardiomyopathies
ischémiques gardent un pronostic plus sombre que les cardio-
myopathies idiopathiques, et ce probablement en raison des
risques évolutifs propres de la coronaropathie.
Le passage à l’assistance circulatoire ou à la transplantation doit
être envisagé chaque fois que le traitement médical s’avère insuf-
fisant, et en présence de marqueurs de gravité.
INFORMATIONS
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