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N F O R M A T I O N S
L’insuffisance cardiaque (Journée de l’hôpital Foch)
L‘
insuffisance cardiaque est un domaine de la cardiologie
en constante évolution, notamment ces dernières années.
La Journée de l’hôpital Foch, qui s’est tenue le jeudi
18 mars 1999 à Paris, a été l’occasion de rassembler médecins et
chirurgiens autour de ce thème.
ÉVALUATION DU STADE ET PRONOSTIC (séance présidée par
F. Delahaye - Lyon et C. Dubois - Paris)
De nombreux critères sont à ce jour pris en considération pour
évaluer le pronostic d’un patient en insuffisance cardiaque : l’étiologie de la cardiopathie, l’évolutivité de la maladie, l’existence
de troubles du rythme, l’hémodynamique (fraction d’éjection ventriculaire gauche, index cardiaque, pression capillaire pulmonaire,
diamètre télédiastolique du ventricule gauche), la stimulation
neuro-hormonale (taux plasmatique de noradrénaline, de l’ANF,
de l’endothéline, scintigraphie au MIBG), la capacité fonctionnelle (classe NYHA, VO2max, test de marche de 6 minutes).
Étude et interprétation du pic de la VO2max (A. Cohen-Solal,
Clichy)
La détermination de la tolérance à l’effort, pourtant longtemps
contre-indiquée, a pris ces dix dernières années une place importante dans l’évaluation des patients insuffisants cardiaques. Il
s’agit d’une méthode simple, reproductible et sans danger spécifique. La quantité d’oxygène consommée lors d’un effort maximal par l’organisme (VO2max) est mesurée à l’occasion d’un effort
progressif calibré sur bicyclette ou sur tapis roulant par analyse
directe de la composition chimique des gaz inspirés et expirés
ainsi que du débit ventilatoire maximal.
La VO2max est limitée, chez l’insuffisant cardiaque, par la capacité du muscle cardiaque défaillant. Diverses études, réalisées ces
dernières années, ont clairement montré que cet examen était l’un
des meilleurs pour apprécier le pronostic à court ou moyen terme
des patients insuffisants cardiaques. Dans les études V-HeFT1 et 2,
la VO2max est un facteur indépendant de mortalité.
Une VO2max supérieure à 18 ml/mn/kg ou à 60 % des valeurs
théoriques est en général garante d’une très bonne survie, et ce
quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Une
VO2max inférieure à 14 ml/mn/kg ou à 40 % des valeurs théoriques est en général associée à un mauvais pronostic à court
terme. L’amélioration de la VO2max chez les patients en attente
de transplantation serait un élément de meilleur pronostic. Pour
les valeurs comprises entre 14 et 18 ml/mn/kg, l’appréciation du
pronostic doit tenir compte d’autres éléments de l’épreuve d’effort comme l’indexation aux valeurs théoriques, la réponse chronotrope, la réponse tensionnelle, la cinétique de récupération de
la VO2max associés à l’ensemble des autres paramètres cliniques,
hémodynamiques et échographiques.
Il est évident que, chez les sujets incapables de réaliser le moindre
effort, le pronostic est plus réservé.
La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
Apport de la scintigraphie au MIBG dans l’insuffisance cardiaque (P. Merlet - Orsay)
Le méta-iodo-benzyl-guanidine (MIBG) est un traceur radioactif analogue structural de la noradrénaline. Il permet l’appréciation de la fonction de stockage et de recaptage neuronal de la
noradrénaline au niveau myocardique. Sa fixation est exclusivement pré-synaptique (respect des récepteurs bêtacardiaques).
Cette dernière caractéristique permet le suivi d’un traitement,
notamment bêtabloquant, par scintigraphie au MIBG.
Chez les patients en insuffisance cardiaque, les réservoirs cardiaques en noradrénaline se vident, tandis que les taux sanguins
s’élèvent du fait de l’hypertonie sympathique. La scintigraphie
cardiomédiastinale au MIBG met alors en évidence une diminution de la fixation cardiaque du traceur en rapport avec la baisse
du recaptage neuronal de la noradrénaline. Plusieurs études ont
confirmé que cette anomalie est l’un des meilleurs prédicteurs du
pronostic à court et moyen terme de l’insuffisance cardiaque. La
scintigraphie au MIBG s’est avérée être un indice pronostique
plus puissant que la fraction d’éjection ventriculaire gauche isotopique, la VO2max, les données de l’échographie et du cathétérisme cardiaque.
Dans les cardiopathies dilatées non ischémiques, l’autre intérêt
de la scintigraphie au MIBG réside dans sa réalisation simple
chez l’enfant (figure 1), et sa possible utilisation dans le suivi
thérapeutique. En effet, on a observé une amélioration de la fixation du traceur (en même temps qu’une amélioration clinique et
hémodynamique) après quelques mois de traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion ou bêtabloquant.
Figure 1. Rapport cardio-médiastinal de fixation du MIBG abaissé (1,85)
chez une patiente de 15 ans souffrant d’une cardiomyopathie aux
anthracyclines.
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Dans l’évaluation du pronostic des cardiopathies ischémiques, la
scintigraphie au MIBG semble moins pertinente que la VO2max
ou la recherche de la viabilité myocardique. Toutefois, les anomalies régionales de la distribution myocardique du traceur
seraient corrélées à la survenue de troubles du rythme ventriculaire en post-infarctus.
Test de marche de 6 minutes (M. Galinier - Toulouse)
Ce test, simple et facile de réalisation, a récemment été sorti des
“oubliettes” pour stratifier le risque des patients dans les grandes
études américaines (ex. : carvédilol).
Il s’agit de mesurer la distance parcourue par un patient marchant
aussi vite que possible pendant 6 minutes (tableau I). Le test est,
en règle, bien toléré. En effet, les variations hémodynamiques
observées sont moindres que lors d’une épreuve d’effort maximale classique sur bicyclette (tableau II).
Tableau I. Stratification des distances parcourues au cours d’un test
de marche.
Stade
Distance parcourue
Gêne fonctionnelle
I
< 300 m
Sévère
II
300 - 374 m
Importante
III
375 - 449 m
Modérée
IV
> 450 m
Minime
Tableau II. Comparaison de la tolérance hémodynamique du test de
marche et de l’épreuve d’effort.
Test de marche
Épreuve d’effort (VO2max)
Baisse de la fraction
d’éjection VG
Non significative
Significative
Dilatation VG
Modérée
Importante
Comme le montrent les résultats de l’étude RESOLVD (présentée à l’ACC 1999), le test est très reproductible. Le test de marche
est assez bien corrélé à la classe fonctionnelle NYHA (la majorité des patients en classe II ayant une distance de marche supérieure à 450 m et ceux en classe III une distance de marche inférieure à 300 m). La VO2 atteinte en fin de test est en outre très
proche de la VO2max des patients, et près d’un patient sur deux
dépasse son seuil ventilatoire au cours du test de marche de
6 minutes. Les corrélations avec la fonction ventriculaire gauche
(fraction d’éjection, rapport cardio-thoracique et diamètre télédiastolique ventriculaire gauche) et avec l’activité sympathique
(variabilité sinusale et taux plasmatique de noradrénaline) sont
moins nettes. Toutefois, le taux de décès à un an et la fréquence
des réhospitalisations sont significativement accrus chez les
patients marchant moins de 300 m, et ce quels que soient le niveau
de la fraction d’éjection et la classe NYHA. Le test de marche
apparaît donc comme un facteur prédictif indépendant de mortalité. Il a également un intérêt dans le suivi thérapeutique. En effet,
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contrairement à la VO2max, la distance de marche de patients
insuffisants cardiaques peut s’améliorer après trois semaines de
réentraînement, avec retour aux valeurs initiales après trois semaines
de repos.
En conclusion, dans les équipes où la VO2max est irréalisable,
notamment en raison du manque d’appareillage, le test de
marche est indiqué chez les patients en classe II ou III de la
NYHA. Il présente peu d’intérêt dans les classes I et IV, où l’appréciation de la gêne fonctionnelle est évidente dès l’interrogatoire.
Étude des fonctions systolique et diastolique et de la réserve
inotrope chez l’insuffisant cardiaque (O. Dubourg - Boulogne)
L’échocardiographie doppler est un élément incontournable de
l’évaluation d’un patient insuffisant cardiaque.
L’étude en mode TM permet notamment le calcul des volumes
(formule de Tesholts), de la masse myocardique (formule de
Devereux), du pourcentage de raccourcissement, de la fraction
d’éjection... Ce mode, simple de réalisation, est peu pertinent en
cas de cardiopathie ischémique.
Le mode 2 D permet une bonne appréciation de la fonction systolique. Dans les cardiopathies ischémiques, la fraction d’éjection ventriculaire gauche peut se calculer à partir du score de cinétique segmentaire (wall motion score index) en utilisant un facteur
multiplicatif de 0,3.
Le doppler sert à l’appréciation de la fonction diastolique. L’apport récent du doppler tissulaire permet :
❏ d’une part, l’appréciation des pressions de remplissage ventriculaire gauche et donc de la pression capillaire à partir du mouvement de l’anneau mitral (figure 2). Les vélocités recueillies par
cette analyse, qui garde une bonne corrélation avec le flux mitral
conventionnel en doppler pulsé (r = 0,87), ont l’avantage d’être
indépendantes des conditions de charge du ventricule gauche et
permettraient une distinction assez fiable entre myocardiopathie
restrictive et constriction péricardique ;
❏ d’autre part, l’analyse en TM couleur du gradient de vitesse
endocarde-épicarde (figure 3).
Figure 2. Bonne corrélation entre doppler tissulaire et flux transmitral
dans l’analyse d’un trouble du remplissage VG.
La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
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laire par stimulation cardiaque, défibrillateur implantable...).
D’un point de vue évolutif, le ralentissement de la dégradation
de la fonction ventriculaire gauche passe par la limitation du
nombre et de l’intensité des poussées aiguës. Dans ce cadre, le
travail d’éducation du patient (écarts de régime, arrêts intempestifs du traitement) ainsi que la détection et le traitement précoce
des facteurs favorisant les décompensations sont capitaux (affections systémiques – notamment bronchites hivernales –, troubles
du rythme – notamment AC/FA –, interventions chirurgicales,
épisodes ischémiques, augmentation brutale des conditions de
charge...).
Dans le futur, l’accent sera également mis sur une évolution des
structures de soins en développant des programmes de prise en
charge de l’insuffisance cardiaque (suivi du régime, optimisation
du traitement, traitement précoce des poussées, réadaptation).
Figure 3. Doppler tissulaire TM couleur.
L’écho-dobutamine a récemment été utilisée par une équipe italienne dans l’évaluation diagnostique et pronostique des cardiomyopathies dilatées. Les patients répondeurs (Dobu +) sont ceux
qui augmentent leur fraction d’éjection de 10 % et corrigent le
profil mitral restrictif lors de l’infusion de dobutamine. On
constate que les patients les plus gravement atteints en classe
NYHA sont Dobu -, avec une insuffisance mitrale importante.
On peut d’ailleurs noter que celle-ci a tendance à disparaître
durant le protocole d’infusion. Sur le plan pronostique, malgré
une bonne valeur prédictive positive, cet examen garde une mauvaise sensibilité et une mauvaise spécificité.
TRAITEMENTS MÉDICAUX (Séance présidée par A. Vacheron Paris et P. Gibelin - Nice)
Y a-t-il un nouveau traitement de l’insuffisance cardiaque ?
(L. Hittinger - Créteil)
La prise en charge moderne de l’insuffisance cardiaque se doit
d’être globale, sur les plans tant étiologique et symptomatique
qu’évolutif.
L’ischémie est la principale étiologie actuelle de l’insuffisance
cardiaque et doit être traitée avec vigueur (correction des facteurs
de risque, bêtabloquants, molécules donneuses de NO, prise en
charge précoce des infarctus du myocarde, angioplastie percutanée, pontages...).
Les bêtabloquants et les IEC ont une place de choix dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, probablement en raison de
leur effet sur les désordres neuro-hormonaux (hypertonie sympathique, stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone). Les IEC sont actuellement considérés comme le traitement
de référence (effets sur la mortalité), et doivent être administrés
à la dose maximale tolérée. L’intérêt des bêtabloquants en classe
II ou III NYHA semble démontré (effet sur la mortalité du carvédilol, du bisoprolol et du métoprolol). Leur action principale
est probablement la limitation, lors d’épisodes de stress, de la stimulation sympathique et des conditions de charge.
Les complications rythmiques de l’insuffisance cardiaque doivent être prévenues et traitées (bêtabloquants, cordarone, réduction de l’AC/FA, resynchronisation de la contraction ventricuLa Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
Réadaptation dans l’insuffisance cardiaque (H. Douard Bordeaux)
Chez l’insuffisant cardiaque, il existe un défaut d’utilisation de
l’oxygène par le muscle strié squelettique, essentiellement en rapport avec un déconditionnement lié à la sédentarisation forcée de
ce type de patients. En reconstituant progressivement les masses
musculaires, la réadaptation fonctionnelle permet d’améliorer
l’efficience du muscle strié squelettique, de diminuer la consommation d’oxygène nécessaire à la réalisation d’un effort donné,
et ainsi d’améliorer le confort de vie des patients en réduisant la
fatigabilité et la dyspnée d’effort.
Les modifications au niveau des muscles périphériques ne sont
pas uniquement quantitatives, mais également qualitatives : amélioration des capacités oxydatives mitochondriales, diminution du
passage des fibres lentes de type I vers les fibres de type II, amélioration de la vitesse de resynthèse de la phosphocréatine en phase
de récupération, et surtout correction des anomalies de dilatation
du système endothélial périphérique dans les muscles actifs.
La réadaptation a également des effets bénéfiques sur la ventilation, le système nerveux autonome (prévention de la mort subite
d’origine rythmique, probablement par modification des paramètres de variabilité de fréquence cardiaque secondaire à une action
parasympathique), et un effet psychologique non négligeable. Les
effets au niveau du muscle cardiaque restent modestes.
Récemment, les équipes de réadaptation ont commencé à prendre
en charge, en plus des patients ischémiques, ceux porteurs d’une
cardiomyopathie primitive. Les travaux récents suggèrent l’utilisation de charges de travail moins soutenues, avec un bénéfice
final équivalent.
D’autre part, une sélection des patients répondeurs pourrait s’effectuer par échographie : en effet, un flux doppler transmitral restrictif type I d’Appleton serait en faveur d’une bonne réponse à
la réadaptation. Le bénéfice obtenu après réadaptation serait d’autant plus important que la VO2max initiale est basse. Les patients
les plus atteints ne sont donc pas à réfuter de manière systématique. Toutefois, les contre-indications sont à respecter (classe IV
NYHA, obstacle à l’éjection, pathologie coronarienne instable,
trouble du rythme ventriculaire grave, myocardite aiguë, thrombus intracavitaire). Une analyse récente démontre une augmentation de la durée de l’exercice de 17 % et du pic de VO2 de
2 ml/kg/mn (+ 17 % ; p < 0,01) après réadaptation.
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Ventilation mécanique et insuffisance cardiaque (C. Richard Le Kremlin-Bicêtre)
La ventilation mécanique présente un intérêt au cours de l’insuffisance cardiaque, tant aiguë que chronique.
Au cours de l’œdème aigu pulmonaire cardiogénique, la chute de
la pression intrathoracique est délétère : augmentation du retour
veineux systémique au cœur défaillant, baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche par augmentation de la pression transmurale ventriculaire gauche. D’autre part, la dilatation ventriculaire droite, en raison de phénomènes d’interdépendance ventricule
droit-ventricule gauche, induit un trouble du remplissage ventriculaire gauche. Le traitement par ventilation mécanique conventionnelle corrige l’hypoxémie, améliore la compliance pulmonaire, permet la mise au repos des muscles ventilatoires et réduit
la charge ventriculaire gauche avec augmentation du débit cardiaque chez les patients avec pression capillaire pulmonaire initialement élevée. Il est logique de penser qu’une augmentation de
la pression intrathoracique ait un effet favorable additionnel.
Trois études randomisées ont testé l’utilisation d’un masque facial
de la CPAP (continuous positive airway pressure) ou VSPEP
(ventilation spontanée-pression expiratoire positive) en complément du traitement standard des patients en OAP cardiogénique.
Leur méta-analyse suggère une réduction significative de la capnie, du travail respiratoire, du nombre des intubations endotrachéales, et une tendance à une réduction de la mortalité.
Chez les insuffisants cardiaques chroniques, on retrouve, chez la
moitié des patients, et ce en dépit d’un traitement correct, plus de
25 épisodes d’apnée-hypopnée par heure et une respiration de
type Cheyne Stokes qui, à elle seule, constitue un facteur de mauvais pronostic et d’augmentation de la mortalité. Ces apnées relèvent de deux types : obstructives (non dues à l’insuffisance cardiaque) et centrales (conséquence de l’insuffisance cardiaque
chronique par des mécanismes obscurs : hypocapnie ? bas débit
cardiaque ?). Chez ces patients insuffisants cardiaques chroniques
avec troubles du sommeil, l’utilisation de la VSPEP nocturne au
masque nasal permettrait, par une réduction du nombre des
apnées, une amélioration de l’oxygénation nocturne et donc la
réduction de l’activité nerveuse sympathique (délétère sur le cœur
de ces patients) et, par conséquent, une amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche.
La stimulation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque
(T. Lavergne - Paris)
La stimulation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque a longtemps été réduite aux indications rythmiques et aux cardiopathies
obstructives réfractaires au traitement médical. Les asynchronismes d’activité électrique auriculo-ventriculaire et/ou ventriculaire aggravent la dysfonction ventriculaire gauche et constituent un facteur de mauvais pronostic dans l’insuffisance
cardiaque. Ils peuvent de nos jours bénéficier de la stimulation
cardiaque.
La stimulation cardiaque double chambre (DDD) classique (atriomonoventriculaire droite), bien qu’améliorant les patients ayant
un asynchronisme atrio-ventriculaire marqué, est par elle-même
responsable d’un asynchronisme ventriculaire comparable à celui
du bloc de branche gauche, avec un effet hémodynamique délétère (baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche et du
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débit cardiaque). Cela a motivé l’émergence de la stimulation
biventriculaire (DDD synchrone). Le ventricule gauche était initialement stimulé par voie épicardique. Cette technique, en raison d’une grande morbi-mortalité, fut rapidement remplacée par
la voie endoveineuse (sonde mise en place dans une veine latérale du sinus coronaire, à la base du ventricule gauche), voire
transseptale. Chez les patients présentant un trouble de conduction ventriculaire avec élargissement du QRS > 120 ms, la stimulation biventriculaire réalise une amélioration fonctionnelle
(réduction de la classe fonctionnelle NYHA et augmentation de
la VO2max) et hémodynamique (augmentation de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche) significative. Toutefois, la stimulation ventriculaire ne réduit pas la mortalité, notamment par
trouble du rythme ventriculaire. Cela pose la question de l’association éventuelle d’un défibrillateur implantable. Dans le futur,
la sélection des patients susceptibles de bénéficier de cette technique devra s’aider des paramètres d’asynchronisme non seulement électrique (durée du QRS) mais aussi et surtout mécanique
(délai aorto-pulmonaire à l’échocardiographie, délai interpic VDVG à l’angioscintigraphie avec analyse de phase).
Y a-t-il des limites au traitement médical ? (J.P. Bounhoure Toulouse)
Les progrès continus de la pharmacologie cardiovasculaire ne
cessent de repousser les limites au traitement médical de l’insuffisance cardiaque. Celles-ci se résument actuellement en quatre
points principaux :
Sévérité de la maladie : la mortalité annuelle en classe IV de la
NYHA était de 40 à 50 % dans l’étude de Framingham. Elle reste
rédhibitoire malgré l’apport des IEC (45 % dans l’étude
CONSENSUS). Cependant, dans l’étude RALES, la spironolactone (25 à 50 mg/j) prescrite versus placebo en sus d’un traitement standard comprenant IEC, furosémide, voire digitaliques,
chez des patients en classes III et IV NYHA avec fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 % a amélioré de 30 %
la survie, avec une mortalité qui s’établit à 40 % à trois ans.
Mort subite : son origine est multifactorielle lors de l’insuffisance cardiaque. Elle comporte les anomalies neurohormonales,
les bradycardies et surtout les arythmies ventriculaires. Outre l’effet délétère sur la mortalité des anti-arythmiques de classe I, il
faut souligner que l’action de l’amiodarone sur la survie n’est pas
claire (divergence entre les résultats des études GESICA, STATCHF, EPAMSA). Les IEC ont réduit le nombre de morts subites
dans l’étude VHeFT 2. La méta-analyse d’Heidenreich montre
que les bêtabloquants diminuent la mortalité globale.
Prescriptions médicales : il est navrant de constater que seulement 5 % des patients insuffisants cardiaques sont sous bêtabloquants et que seuls 50 % reçoivent des IEC “à pleine dose”.
Étiologie de l’insuffisance cardiaque : les cardiomyopathies
ischémiques gardent un pronostic plus sombre que les cardiomyopathies idiopathiques, et ce probablement en raison des
risques évolutifs propres de la coronaropathie.
Le passage à l’assistance circulatoire ou à la transplantation doit
être envisagé chaque fois que le traitement médical s’avère insuffisant, et en présence de marqueurs de gravité.
.../...
La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
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DÉVELOPPEMENT DU LOSARTAN DANS L’HYPERTENSION
ARTÉRIELLE ET AU-DELÀ (X. Girerd - Paris)
Les “sartan” (suffixe de la DCI) et les IEC diffèrent radicalement
par leur mode d’action pharmacologique. En effet, les IEC ont
une action proximale en s’opposant à la synthèse de l’angiotensine II par inhibition de l’enzyme de conversion. Par contre, les
sartan agissent plutôt en distalité par un blocage des récepteurs
AT1 de l’angiotensine II (figure 4). L’utilisation des AT1 bloquants, en levant le rétrocontrôle de l’aldostérone, accroît les taux
plasmatiques de l’angiotensine II, dont l’action sur les récepteurs
AT2 n’est pas bien connue mais semble dénuée d’effets délétères
majeurs. Il existe à ce jour quatre principes actifs de cette classe
pharmacologique (losartan, valsartan, irbesartan, candesartan).
Une cinquième molécule, le telmisartan, sera commercialisée fin
1999.
Angiotensinogène
Rénine
Angiotensine I
AT1 bloqueur
Récepteur AT1
Enzyme de conversion
Angiotensine II
IEC
Récepteur AT2
Vasoconstriction systémique
Action ?
Activation du système nerveux sympathique
Stimulation de la sécrétion d’aldostérone et rétention hydrosodée
Libération de vasopressine
Opposition aux effets rénaux de l’ANF
Favorise l’hypertrophie et la fibrose myocardique ; rôle sur la fonction
endothéliale ?
Figure 4. Système rénine-angiotensine-aldostérone.
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tout une diminution de la mortalité globale, et plus particulièrement de celle par mort subite. L’étude Elite II, en cours, a pour
but de confirmer ces résultats.
LE CARVÉDILOL EN PRATIQUE CARDIOLOGIQUE QUOTIDIENNE (R. Isnard - Paris)
Longtemps considérés comme contre-indication dans l’insuffisance cardiaque, les bêtabloquants deviennent progressivement
des médicaments de base du traitement de cette affection. Ils s’opposent à l’hypertonie sympathique, qui a un rôle délétère par autoaggravation de la dysfonction ventriculaire (toxicité myocardique
directe, stress oxydatif, ischémie). En France, seul le carvédilol
détient l’AMM pour les patients en classes fonctionnelles II et
III de la NYHA. Il s’agit d’un bêtabloquant de nouvelle génération doué de propriétés alphabloquantes (donc vasodilatatrices),
anti-oxydantes et anti-prolifératives. Plusieurs études sous carvédilol ont démontré une baisse de la morbi-mortalité (US Carvedilol Heart Failure Study, PRECISE, MOUCHA...). De
manière plus générale, il est démontré que les bêtabloquants permettent une amélioration de la fonction ventriculaire gauche et
une réduction du nombre d’hospitalisations.
Sur le plan pratique : l’administration des bêtabloquants doit
se faire de manière progressive et à distance de tout épisode de
décompensation aiguë. Le carvédilol est débuté à une posologie
de 2 x 3,125 mg/j, avec surveillance en milieu hospitalier spécialisé pendant les premières heures suivant la première administration. L’accroissement des doses se fait par paliers d’une à
deux semaines, jusqu’à une dose moyenne de 100 à 150 mg/j. La
vigilance doit être renforcée en cas de pression artérielle ou de
fréquence cardiaque initialement basses. De même, les associations aux digitaliques et à l’amiodarone sont à surveiller étroitement. Lors d’épisodes de décompensation, il est raisonnable
d’agir initialement sur le traitement de base avant de réduire les
doses de bêtabloquants. Plusieurs interrogations subsistent quant
à l’utilisation des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque,
notamment : ces médicaments sont-ils capables de retarder l’évolution de la maladie ou s’agit-il d’un traitement de l’insuffisance
cardiaque réfractaire ? Qu’en est-il de l’utilisation en classe IV
NYHA ? L’effet est-il fonction de l’étiologie de l’insuffisance
cardiaque ?
Spécificités pharmacologiques
Certains produits sont des prodrogues : le candesartan est transformé en produit actif au niveau de la barrière intestinale. Le losartan est actif, mais son métabolite, Exp 3174, est lui aussi actif et
permet de prolonger sa durée d’action.
Le candesartan est non compétitif, c’est-à-dire qu’il ne peut être
déplacé du récepteur AT1 quelle que soit la concentration de l’angiotensine II circulante. La compétitivité des autres molécules est
moins bien connue. Les quatre produits ont des rapports vallée
sur pic supérieurs à 50 %, autorisant ainsi une monoprise quotidienne. Seul le losartan est commercialisé au plateau de sa courbe
dose-réponse (50 mg).
Maladie vasculaire du greffon en transplantation cardiaque
(R. Dorent - Paris)
C’est une affection fréquente (50 % des transplantés à cinq ans)
et un facteur limitant la survie à long terme.
Il existe une hyperplasie concentrique de l’intima avec activation
et apoptose des cellules endothéliales. Les lésions coronaires sont
diffuses, englobant aussi bien les segments proximaux que distaux des artères, des veines, et même de l’aorte du donneur.
Place dans l’insuffisance cardiaque
L’étude Elite a comparé le losartan au captopril en sus du traitement conventionnel chez des patients en classes II et III, avec un
suivi de 12 mois. Cette étude a montré une meilleure tolérance
du losartan, avec une réduction de 32 % du risque combiné de
décès et/ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, et sur-
Diagnostic difficile : du fait de l’interruption de l’innervation
afférente, l’angor est extrêmement rare. Les manifestations peuvent se résumer à des douleurs atypiques, des troubles du rythme,
la mort subite ou la dysfonction du greffon, voire des infarctus
silencieux, constatés à l’occasion de contrôles systématiques,
ECG ou échocardiographiques. Les méthodes diagnostiques non
La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
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invasives basées sur la mise en évidence d’une ischémie localisée dans un territoire par rapport aux autres ont une sensibilité et
une valeur prédictive positive très faibles.
L’équipe de Rouen a rapporté une bonne sensibilité et une bonne
spécificité de l’échographie-dobutamine pour la détection des
ischémies myocardiques (apparition ou majoration de troubles
de la cinétique segmentaire). Cependant, ces résultats n’ont pas
été retrouvés dans d’autres études.
La méthode diagnostique la plus fiable reste la coronarographie,
bien que cette dernière sous-estime les sténoses car le diamètre
proximal pris comme référence est partiellement réduit par l’hyperplasie intimale (cela a été démontré par des études anatomopathologiques).
L’échographie endocoronaire est la seule technique qui permette,
in vivo, de visualiser à la fois la lumière et la paroi du vaisseau.
Outre sa grande sensibilité diagnostique, elle aurait une valeur
pronostique : les patients avec une coronarographie normale mais
une épaisseur intimale > 0,3 mm à l’échographie endocoronaire
ont une plus grande fréquence de maladie coronaire du greffon
visible sur la coronarographie et de mortalité cardiaque lors des
quatre ans de suivi (cohorte de 145 patients d’une équipe de Stanford). Les limites de l’échographie endocoronaire sont le coût,
les difficultés techniques (nécessité d’une orientation coaxiale de
la sonde, risque de lésion du vaisseau si son diamètre n’excède
pas 2 mm, difficulté à retrouver le même site d’échantillonnage
en cas de réalisation de mesures sériées).
Le traitement préventif repose sur trois classes médicamenteuses. Des immunosuppresseurs (mycophénolate et rapamicyne)
sont actuellement testés chez l’homme. Quant au diltiazem et aux
statines, leur efficacité est démontrée chez l’homme. Toutefois,
la baisse de la mortalité sous statine semble difficilement attribuable à la prévention de la maladie coronaire. En effet, ce gain
est précoce (dès le sixième mois), sans accroissement ultérieur.
Or, la maladie coronaire du greffon se déclare en général beaucoup plus tard après la greffe.
Les traitements curatifs sont peu satisfaisants. L’angioplastie,
malgré une efficacité sur les sténoses comparable à celle notée
chez les patients non transplantés, ne modifie pas le cours de l’affection, qui est diffuse, et la mortalité reste élevée (20 % à un an
et 40 % à deux ans). Peu de patients bénéficient de pontages aortocoronaires en raison d’une forte mortalité peropératoire (30 %).
Le seul véritable traitement curatif est peut-être la retransplantation. Cette décision est prise au cas par cas compte tenu de la relative pénurie des greffons.
ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE EN FRANCE
(Y. Juillière - Vandœuvre-lès-Nancy)
La littérature récente manque de données épidémiologiques sur
l’insuffisance cardiaque, notamment en France. Cela a motivé le
travail de l’équipe de Vandœuvre, qui a effectué une étude en Lorraine.
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Méthodologie
Les critères de définition de l’insuffisance cardiaque congestive
étaient : existence d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique avec fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à
30 % ou index cardio-thoracique supérieur à 60 %, existence
d’une affection cardiaque sous-jacente responsable de l’insuffisance cardiaque, existence d’au moins un épisode de décompensation cardiaque justifiant une hospitalisation, âge compris entre
15 et 80 ans, domicile du patient dans la région lorraine. Un
registre des patients identifiés par les médecins travaillant dans
la région (hospitaliers et cliniques privées) a ainsi pu être constitué entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
Résultats
Les patients présentant leur premier épisode d’insuffisance cardiaque étaient au nombre de 358, soit un taux d’incidence de 22,5
pour 100 000 habitants.
Sur le plan étiologique, 46 % des épisodes sont des cardiomyopathies ischémiques et 43 % des cardiomyopathies dilatées,
dont 11 % de cardiomyopathies idiopathiques.
Sur le plan démographique, le ratio hommes/femmes est de 3/2.
Un tiers des patients a moins de 60 ans. Quatre-vingt-six pour
cent des patients ont un niveau d’étude primaire et 90 % ne sont
plus en activité professionnelle. Les facteurs de risque retrouvés
sont l’alcool pour les cardiomyopathies dilatées, le tabac, le diabète et l’hyperlipidémie pour les cardiomyopathies ischémiques.
Quelle que soit l’étiologie, on retrouve 40 à 45 % de patients
hypertendus.
La mortalité est de 36 % à un an, de 42 % à 18 mois et de 53 %
à trois ans. Quatorze pour cent des patients hospitalisés décèdent.
Les cardiomyopathies ischémiques se grèvent d’une mortalité
significativement plus élevée que les idiopathiques. À un an, 81 %
des patients décèdent ou sont réhospitalisés au moins une fois.
En termes de morbidité, on note en moyenne 2 hospitalisations
par patient et par an. La durée cumulée de séjour à l’hôpital est
de 26 j/an.
Le traitement médical est relativement bien conduit puisque
75 % des patients reçoivent des IEC (mais seuls 2 % ont une posologie “suffisante”). La majorité des patients sont sous diurétique
et très peu d’entre eux reçoivent des bêtabloquants. Les facteurs
de non-prescription ou de mauvaise prescription des IEC sont principalement l’âge supérieur à 65 ans et la créatininémie élevée.
Seuls 20 patients ont bénéficié d’une transplantation cardiaque (à
noter qu’un tiers des patients avaient moins de 60 ans). Quatre
patients ont bénéficié d’une assistance circulatoire, deux d’entre
eux ont pu être transplantés, et les deux autres sont décédés.
Dr A. Mekontso Dessap, service de cardiologie Pr Vacheron,
hôpital Necker, Paris
La Lettre du Cardiologue - n° 313 - mai 1999
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