MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 1 - janvier-février 2006
sont de réduire les complications systémiques, de créer une
hypoxie locale permettant la nécrose tumorale et d’augmenter
la concentration locale en agent cytotoxique d’un facteur 10 à
15, ainsi que son temps de contact au niveau de la tumeur. Les
taux de réponse varient selon les études : jusqu’à 46 % de
réponses avec une médiane de survie de 6 à 11 mois (5).
Enfin, la chimiothérapie intra-artérielle par fotémustine a donné
des résultats encourageants. S. Leyvraz et al. (32) ont publié
les résultats préliminaires d’un essai de phase II chez
31 patients. Le taux de réponse objective est de 40 %, avec une
médiane de survie globale de 14 mois. Le schéma d’adminis-
tration est de 100 mg/m
2
pendant 4 heures toutes les semaines
pendant 4 semaines, suivi d’une période de repos de
5 semaines, puis d’une reprise toutes les 3 semaines. La com-
plication principale est la myélosuppression, notamment une
thrombopénie ou une neutropénie. La pose du cathéter intra-
artériel est réalisée par voie chirurgicale ou sous contrôle radio-
logique. Ce type de traitement peut se compliquer d’une throm-
bose du cathéter ou de douleurs au moment de l’injection. Des
cas rares de désinsertion du cathéter ont été relevés. Cette tech-
nique doit être réservée aux équipes chirurgicales entraînées.
Un essai randomisé européen de l’EORTC est en cours, com-
parant l’administration de la fotémustine par voie intra-arté-
rielle hépatique et par voie intraveineuse.
Des essais ont également été réalisés avec le témozolomide ou
la thalidomide. Le témozolomide a fait l’objet de nombreuses
publications dans le traitement des métastases cérébrales du
mélanome cutané. Les taux de réponses objectives varient entre
13 et 20 %. L’efficacité du témozolomide a été testée dans le
traitement du mélanome choroïdien métastatique (33). La dose
utilisée était de 75 mg/m
2
pendant 21 jours toutes les
4 semaines. Chez 14 patients, 2 stabilisations ont été observées.
La thalidomide a été testée chez 14 patients en échec (34). Une
stabilité et une réponse mineure ont été observées. Enfin, l’asso-
ciation thalidomide (100 à 400 mg/j selon l’âge) + témozolo-
mide (75 mg/m
2
/j) a permis l’obtention de 32 % réponses objec-
tives chez 38 patients porteurs de mélanomes cutanés avancés
(35, 36). La survie médiane est de 9,5 mois dans cette étude.
Ces associations sont à envisager dans le mélanome uvéal.
Un essai randomisé a testé l’efficacité de l’association IL-2
+ histamine chez 305 patients porteurs de mélanomes de
stade IV, dont quelques patients atteints de mélanome choroï-
dien. Pour le sous-groupe de patients présentant des métastases
hépatiques, la survie dans le groupe traité par IL-2 + histamine
était significativement meilleure (9,4 mois) que dans le groupe
IL-2 seul (5,1 mois). La formation de radicaux libres par les
cellules phagocytaires pourrait jouer un rôle dans la diminu-
tion de la réponse immunitaire contre les cellules tumorales.
L’histamine empêche la formation de ces radicaux libres et
pourrait avoir un rôle synergique avec les cytokines telles que
l’interleukine 2 (37).
A. Schmittel et al. (38) ont obtenu 5 % de réponses partielles
avec l’association gencitabine + tréosulfan et une médiane de
survie de 9 mois chez 19 patients ; un essai de phase I chez
33 patients avait montré une réponse partielle et 15 stabilisa-
tions (39).
Chimio-immunothérapie
L’interféron alpha et l’interleukine 2 sont largement utilisés
dans le mélanome cutané avancé, avec des taux de réponses
objectives de l’ordre de 15 %. Quelques patients atteints de
mélanome choroïdien ont participé à ces études. Des essais
associant interféron alpha et polychimiothérapie (déticène, vin-
cristine, bléomycine et lomustine) ont été publiés. Les résul-
tats sont contradictoires. S. Pyrhönen et al. (40), chez
20 patients, obtiennent 15 % de réponses objectives, 55 % de
stabilisation et une survie globale de 12 mois. T. Kivelä et al.
(41) n’ont pas confirmé ces résultats : aucune réponse objec-
tive chez 24 patients, 8 % de stabilisation et une survie globale
de 10,6 mois.
L’interleukine 2 et l’interféron alpha ont également été utilisés
en association avec la fotémustine (42). L’étude de J.C. Bec-
ker et al. a inclus 86 patients. Les taux de réponses objectives
étaient de 21,7 % dans le bras fotémustine intra-artérielle et de
8 % dans le bras fotémustine intraveineuse. Ces résultats n’ont
pas entraîné de bénéfice en termes de survie : 12,3 mois dans
le bras fotémustine intra-artérielle, 11,6 mois dans le bras foté-
mustine intraveineuse.
Vaccination
Le concept d’immunosurveillance a été développé depuis de
nombreuses années. Celle-ci consiste en la reconnaissance par
les cellules immunitaires du patient des cellules ayant un poten-
tiel néoplasique afin de les détruire. La vaccination antitumo-
rale nécessite la présence d’antigènes tumoraux spécifiques
issus des cellules néoplasiques et leur présentation aux cellules
immunocompétentes via le complexe majeur d’histocompati-
bilité de classe I.
La vaccination est développée chez les patients atteints de
mélanome cutané au stade locorégional dans des essais thé-
rapeutiques. Les protéines ou les peptides antigéniques (43)
spécifiques sont présentés aux lymphocytes T CD8+, dans le
but d’induire une réponse antigénique spécifique, caractéri-
sée par immunomonitoring (tétramères et ELISPOT). Après
l’utilisation d’un seul antigène (44, 45), des essais de vacci-
nation multipeptide (43) ont été développés, avec parfois asso-
ciation d’un adjuvant immunologique. D’autres protocoles
utilisent les cellules dendritiques. Enfin, certaines équipes
développent des stratégies à l’aide de virus recombinants, ou
de plasmides qui pénètrent dans les tissus par stimulation élec-
trique. Des résultats intéressants ont été publiés avec de
longues stabilisations, voire des régressions tumorales dans
les études animales et chez un nombre non négligeable de
patients.
Des essais sont en cours dans le mélanome uvéal au stade méta-
statique. Tyrosinase (46), Melan-A (47) et gp 100 (48) sont des
antigènes de différenciation codés par des gènes exprimés dans
les mélanocytes et les mélanomes. Ils sont utilisés dans les pro-
tocoles de vaccination. Na17 est un antigène spécifique de
tumeur exprimé dans plus de 95 % des mélanomes uvéaux, uti-
lisé en association aux précédents.
Ce type de traitement ne peut être proposé que dans le cadre
d’essais thérapeutiques.