Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013
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intervenant dans diverses voies de réparation de l’ADN,
signalisation des dommages à l’ADN, réparation des
cassures doubles brins d’ADN ou réparation des ponts
interbrins d’ADN.
L’ataxie-télangiectasie (AT) est l’exemple type de mala-
die cassante avec une fréquence d’environ 1 pour
100 000 enfants (14). Elle associe dans sa forme typique
un déficit combiné portant surtout sur l’immunité
humorale, une ataxie cérébelleuse progressive, des
télangiectasies cutanéo-muqueuses, et un risque accru
de cancers. L’AT est une maladie récessive autosomique
due à la mutation du gène ATM codant une protéine
kinase ubiquitaire qui joue un rôle clé dans le contrôle
de la réparation des cassures doubles brins de l’ADN. Des
formes variantes plus rares ont été décrites, liées à des
mutations dans d’autres facteurs de réparation. Il s’agit
de mutations de MRE11 donnant un syndrome AT-like,
ou de NBS1 responsable du syndrome de Nijmegen
caractérisé par une microcéphalie majeure (15, 16). Le
diagnostic de maladie cassante peut être fortement
suspecté par des dosages sériques (alpha-fœtopro-
téine élevée dans l’AT), des tests cytogénétiques (test
de cassures, translocations spontanées 7-14 caractéris-
tiques) ou des tests plus complexes de radiosensibilité
sur fibroblastes.
Dans l’AT, le risque de lymphome, essentiellement LNH,
est accru de 250 à 750 fois par rapport à la population
générale avec un risque d’hémopathie lymphoïde T
4 à 5 fois plus important que celui d’hémopathie B
(17). Seuls 11 cas de LH ont été décrits sur une série
de 412 patients atteints d’AT. L’instabilité génomique est
l’acteur prépondérant de la lymphomagenèse dans ce
groupe de pathologies. Il est crucial de pouvoir évoquer
le diagnostic rapidement car la radiothérapie et cer-
taines chimiothérapies (alkylants) doivent être utilisées
avec prudence du fait de la radiosensibilité.
Déficit immunitaire commun variable
Le déficit immunitaire commun variable (DICV) est un
cadre nosologique regroupant des DIP caractérisés
par un défaut de production d’anticorps et une hypo-
gammaglobulinémie. Le terme DICV n’est en rien un
diagnostic. Il englobe un groupe hétérogène de mala-
dies qui ont cependant des caractéristiques cliniques
communes : infections ORL et respiratoires récurrentes,
manifestations auto-immunes, atteinte granulomateuse
et syndrome lymphoprolifératif (18). Si certaines causes
génétiques de DICV ont été identifiées (ICOS, TACI,
BAFF-R et CD19, par exemple), la plupart des patients
restent sans diagnostic moléculaire précis. Les anoma-
lies immunologiques les plus fréquentes, en dehors
de l’hypogammaglobulinémie, sont un défaut de cel-
lules B-mémoires et une diminution des lymphocytes T
CD4 (18). Dans une cohorte américaine (n = 473), 8,2 %
des patients ont présenté une hémopathie lymphoïde. Il
s’agissait essentiellement de LNH-B (33 cas sur 39), avec
une prédominance féminine. Les lymphomes observés
dans les DICV sont généralement extraganglionnaires,
de type B, et le plus souvent EBV négatifs (19). La gravité
clinique, infectieuse, dysimmunitaire et proliférative du
DICV est liée à la profondeur du déficit immunitaire com-
biné (DIC). Ainsi, parmi les 313 patients de la cohorte
française DEFI, 28 sujets (8,9 %) présentaient un DIC
profond défini par la survenue d’une infection oppor-
tuniste et/ou un taux de CD4 inférieur à 200/mm3 (20).
Cette population de patients, plus fréquemment issus
d’unions consanguines, présente une fréquence accrue
de splénomégalie (64 % versus 31 %), d’atteinte granu-
lomateuse cutanée (43 % versus 10 %), de pathologie
gastro-intestinale (75 % versus 42 %) et de lymphome
(29 % versus 4 %). Dans ce sous-groupe, 5 patients ont
présenté des lymphomes. Trois de ces 5 lymphomes
étaient associés à l’EBV, 2 étaient des LNH et le dernier
était un LH. Les lymphomes non liés à l’EBV étaient des
LNH-B et -T. Quatre lymphomes ont été diagnostiqués
plus de 2 ans après le premier symptôme évocateur
d’une hypogammaglobulinémie. L’âge moyen de sur-
venue était de 30 ans (extrêmes : 17-62 ans).
Syndrome de Wiskott-Aldrich
Le syndrome de Wiskott-Aldrich est un DIP rare carac-
térisé par une triade associant une thrombopénie à
petites plaquettes (< 6 fl), un eczéma et un déficit immu-
nitaire combiné entraînant des infections récurrentes.
Le syndrome est causé par des mutations hémizygotes
du gène WAS (Xp11.22-23), codant la protéine Was (ou
WASP [Wiskott-Aldrich Syndrome Protein]) [21]. Cette
protéine est exprimée exclusivement dans les cellules
hématopoïétiques et joue un rôle majeur dans la poly-
mérisation de l’actine, la réorganisation du cytosque-
lette, la transduction du signal et l’apoptose (22). Les
mutations dans le gène WAS conduisent à un large
éventail de phénotypes (23), allant d’une forme bénigne
− la thrombocytopénie liée à l’X −, à l’archétype sévère
du syndrome de Wiskott-Aldrich. Le déficit immunitaire
est caractérisé par une lymphopénie progressive de
gravité variable. Les proliférations lymphocytaires T
sont diminuées en réponse aux mitogènes et antigènes
vaccinaux. Sur le plan humoral, les taux d’IgG sont nor-
maux ou élevés, avec une élévation des IgA et des IgE.
Quels déficits immunitaires héréditaires faut-il rechercher
lors du diagnostic de lymphome chez un adulte jeune ?