Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010
VOCABULAIRE
Vocabulaire
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PLASTIES*
e verbe grec plassein, avec sa
variante attique plattein, est un mot
de potier et de modeleur. Lorsque
l’artisan façonne l’argile ou la cire, il donne
une forme à la matière ; en outre, il crée. L’art
de modeler, de former s’appela donc plastikê
tekhné, de l’adjectif plastikos (“malléable”).
C’est le début de l’aventure “plastique”, qui
passe par le latin plastica et a en français les
effets que nous connaissons, des arts plas-
tiques aux matières plastiques et à la chirurgie
plastique, expression qui semble apparaître
dans les années 1920.
Qu’il s’agisse de chirurgie réparatrice ou
“esthétique” – c’est-à-dire modificatrice des
formes apparentes du corps –, le travail plas-
tique de la chirurgie sur les tissus vivants,
requérant le plus souvent la greffe, avait
aussi besoin d’une greffe linguistique. De
là des termes sonores, comme rhinoplastie,
rencontré dès 1822, gastroplastie, et bien
d’autres. Il ne restait plus, avec les progrès
de la chirurgie, qu’à tirer de ces mots com-
posés, illustrant le goût du vocabulaire
médical pour le modèle grec – goût que
la médecine partage avec la philosophie,
d’ailleurs – l’élément plastie. Ce dernier
exprime, au sens propre, la mise ou remise
“en forme”. Ainsi apparurent, au milieu du
XXe siècle, les plasties.
Les formes vivantes se caractérisent par
un dynamisme organisateur – celui que
décrit l’embryologie, par exemple – où les
transformations plastiques aboutissent à
un état adulte. Globalement et localement,
ces formes considérées comme l’idéal et
la norme de l’espèce – car plastique est un
mot qui vient de l’artisanat et vise à l’esthé-
tique – sont soumises à des modifications
déformantes et à des atteintes accidentelles
qui les mutilent.
Et si la greffe et la transplantation, déjà évo-
quées ici, recourent à la métaphore végé-
tale et à l’action restauratrice du jardinier,
les plasties suggèrent un art de l’équilibre
retrouvé des formes. La nature en tant que
modèle et l’artifice de la création artistique
s’associent pour retrouver l’harmonie
perdue.
* © Le Courrier de la Transplantation 2002;2:52.
Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris