
Le Courrier de la Transplantation - Vol. XI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
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Dossier thématique
Transplantation
rénale
Diagnostic
La plupart des recommandations (Comité américain
JNC 7 ou OMS) définissent l’HTA de l’adulte par des
valeurs > 140/90 mmHg (16, 17). Il faut cependant noter
que ces mêmes recommandations fixent comme cibles
du traitement des chiffres inférieurs à 130/80 mmHg
dans les populations à haut risque cardio-vasculaire ou
rénal comme les diabétiques ou les insuffisants rénaux.
Cela s’applique au transplanté rénal, que les recomman-
dations américaines et les guides européens de bonnes
pratiques recommandent de classer dans la population
à haut risque cardio-vasculaire (18, 19).
En raison de la fréquence de l’HTA et de son rôle
délétère, il est fortement recommandé de mesurer
la pression artérielle à chaque consultation, dans des
conditions rigoureuses. Le patient doit être allongé,
au repos depuis au moins 5 minutes, avec un appareil
adapté, en effectuant au minimum 2 mesures (20).
Une mesure ambulatoire de la PA (MAPA) peut être néces-
saire pour diagnostiquer l’HTA “blouse blanche”, l’HTA
masquée ou l’HTA transitoire, évaluer la résistance au
traitement antihypertenseur ou la survenue de malaises
ou d’épisodes hypotensifs. La question de la pratique
d’une MAPA systématique chez tout transplanté peut
se poser : une étude récente a montré que la MAPA per-
mettait de diagnostiquer 29 % des patients avec une HTA
nocturne, et que la protéinurie et la créatininémie à 1 an
(témoins de l’atteinte de l’organe cible qu’est le greffon
rénal) étaient corrélées aux valeurs de PA obtenues par
MAPA et non à celles obtenues en consultation (21).
Les automesures de la PA sont utiles pour surveiller les
effets du traitement antihypertenseur ; elles se révèlent
utiles pour augmenter l’adhérence au traitement (lire
l’article de R. Sberro-Soussan, p. 25 de ce dossier).
Traitement de l’HTA
Dans la population générale, les études observation-
nelles et les essais randomisés ont montré que l’HTA
était un facteur de risque indépendant de maladie
cardio-vasculaire et d’IRC. De plus, des études inter-
ventionnelles ont solidement établi que le traitement de
l’HTA diminuait le risque de maladie cardio-vasculaire.
Généralement, il y a un bénéfice évident à réduire la
PA en deçà de 140/90 mmHg, même chez les patients
à faible risque cardio-vasculaire. Chez les insuffisants
rénaux chroniques, la réduction de la PA diminue égale-
ment la protéinurie et ralentit la progression de l’IRC (22).
Chez les transplantés rénaux, pour des raisons logis-
tiques (nombre de patients insuffisant) et éthiques
(groupe contrôle non traité), il n’existe pas d’étude
interventionnelle prospective prouvant le bénéfice
de la réduction de la PA sur la morbi-mortalité cardio-
vasculaire ou sur la progression de la dysfonction du
greffon. Cependant, de nombreux arguments suggèrent
que les bénéfices obtenus chez les non-transplantés
seraient retrouvés chez les transplantés. Opelz et al.,
analysant une cohorte de 24 404 transplantés du
registre CTS, ont montré que les patients ayant une
PAS >140 mmHg à 1 an mais < 140 mmHg à 3 ans béné-
ficiaient d’une meilleure survie du greffon (RR : 0,79 ; IC :
0,73-0,86 ; p < 0,001) et avaient moins d’événements
cardio-vasculaires à 5 ans que ceux dont la PA restait
supérieure à 140 mmHg (23). Il y a quelques années, une
étude multicentrique randomisée a cherché à mettre
en évidence un effet bénéfique du candésartan sur
les décès et la morbi-mortalité cardio-vasculaire du
transplanté. Il faut noter que cette étude fut arrêtée pré-
maturément, car le nombre d’événements dans le bras
contrôle était plus faible que prévu. Elle a néanmoins
montré que la protéinurie était significativement plus
faible dans le groupe candésartan (24). Plusieurs études
interventionnelles ont montré un effet bénéfique de la
réduction de la PA sur la protéinurie, en particulier par
les IEC ou les ARA-II, ce qui est considéré comme un bon
critère intermédiaire d’évolution rénale (25). Cependant,
il n’existe à ce jour aucun essai disponible étudiant le
rôle des IEC sur la survie des patients et des greffons.
Quel que soit le mécanisme de l’HTA, il est donc
essentiel de traiter agressivement. Les guides euro-
péens de bonnes pratiques suggèrent des cibles de
130/85 mmHg chez les transplantés non protéinu-
riques et de 125/75 mmHg chez les patients protéinu-
riques (19). Les recommandations de la Haute Autorité
de santé (HAS) proposent plus simplement des cibles
de 130/80 mmHg chez tous les receveurs (26). Pour
diverses raisons, ces cibles sont loin d’être atteintes :
dans une cohorte de 583 patients transplantés depuis
58 ± 48 mois, la PA n’était dans les cibles recomman-
dées (< 130/80) que chez 53 % d’entre eux. L’âge des
receveurs, la présence d’un syndrome métabolique
et la protéinurie sont significativement associés à un
contrôle non optimal des chiffres de PA (article soumis).
En plus des recommandations diététiques et des règles
d’hygiène de vie, toutes les classes d’antihypertenseurs
peuvent être utilisées chez les transplantés. Souvent, le
choix de l’antihypertenseur est guidé par une patho-
logie cardio-vasculaire présente chez le patient, et qui
justifie l’utilisation préférentielle d’une classe spécifique
d’antihypertenseurs (tableau II). De plus, chez la majo-
rité des patients, l’association de 2 ou 3 médicaments