CABINET Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 15
Introduction
La nausée et les vomissements doivent être
considérés, au même titre que la toux et la sen-
sation de douleur, comme des réflexes com-
plexes de protection de l’organisme contre des
influences internes et externes nocives. Envi-
sagée d’un point de vue téléologique, la nausée
permet d’éviter l’ingestion de substances po-
tentiellement nocives, alors que le vomissement
permet l’évacuation de produits alimentaires
déjà ingérés hors du tractus gastrointestinal su-
périeur. La nausée est éprouvée comme sensa-
tion extrêmement désagréable et pénible, le vo-
missement est par contre fréquemment res-
senti comme processus libérateur. Pendant la
grossesse, le vomissement représente un mé-
canisme de protection pour la mère et l’enfant.
Les vomissements sont les plus prononcés dans
la phase la plus sensible de l’organogénèse em-
bryonnaire en ce qui concerne les influences
chimiques. Plusieurs études épidémiologiques
ont apporté la preuve que les femmes souffrant
des vomissements pendant la grossesse pré-
sentent un risque de fausse-couche spontanée
plus faible que les femmes souffrant seulement
de nausées [1] (Tableau 1).
Le terme de «nausea» est étymologiquement
issu du terme grec «naus», nef ou navire, et a
sans doute signifié d’abord «mal de navire» ou
mal de mer. La nausée correspond à une sen-
sation subjective et ne peut être réalisée dans
le modèle animal. La nausée peut être décrite
comme «une sensation désagréable, située sur-
tout dans la partie supérieure du tractus gas-
trointestinal, associée au besoin de vomir». Pa-
thophysiologiquement parlant, elle est caracté-
risée par une diminution de l’activité motrice
de l’estomac, par un tonus duodénal plus élevé
et par un reflux du contenu du duodénum dans
l’estomac, et elle est accompagnée de symp-
tômes qui sont l’expression d’une activation des
systèmes nerveux sympathiques et parasympa-
thiques (sueurs froides, pâleur, tachycardie
resp. bradycardie, dilatation pupillaire, aug-
mentation de la salivation, éventuellement hy-
potension). Les mécanismes qui sont à l’origine
de la nausée ne sont que peu connus. On admet
en règle générale qu’un stimulus provoquant
une nausée conduit à des vomissements s’il est
d’une intensité resp. d’une durée suffisante.
Des études récentes à l’aide de EEG resp. de
MSI (magnetic source imaging) indiquent que
des régions corticales spécifiques pourraient
être impliquées dans l’origine des nausées. Une
activation neurale spécifique d’une surface de
2 à 3 cm dans la zone du gyrus frontal inférieur
par des stimuli nauséogènes qualitativement
et quantitativement différents a pu ainsi être
établie [2].
Nous devons pour une grande part les connais-
sances actuelles concernant les processus com-
plexes des vomissements à des études expéri-
mentales sur les animaux. Alors que jusqu’en
1980 environ, il s’agissait surtout d’expé-
riences réalisées sur des chats, le furet s’est
révélé au cours de ces dernières années un
modèle de grande valeur. En ce qui concerne
les vomissements, il est intéressant de consta-
ter en partie de très grandes différences entre
différentes espèces d’animaux. On prétend que
les rongeurs, et en particulier les lapins, sont
incapables de vomir, et que chez les espèces
animales qui ne vomissent pas, des aversions
conditionnées à des goûts et des désirs étranges
en matière d’alimentation (Pica) sont à consi-
dérer comme en corrélation (protectrice) avec
la nausée [3]. Certaines espèces de singes sem-
blent ne pas vomir, même après absorption de
doses sublétales d’apomorphine. Chez de nom-
breuses autres espèces animales par contre,
qui vont des poissons à certaines espèces de
crocodiles, le réflexe de vomir est très bien étu-
dié et devrait revêtir une signification essen-
Nausée et
vomissements
Partie I
M. Pirovinoa, A. Straumannb
aMedizinische Klinik,
Kantonsspital Olten
bGastroenterologische
Konsiliarpraxis, Olten
Correspondance:
Pr M. Pirovino
Medizinische Klinik
Kantonsspital
CH-4600 Olten
Tableau 1.
Vomissements: délimitations et définitions.
Reflux gastro-œsophagique Reflux acide d’acide et de contenu acide de l’estomac
(lat. fluxus = écoulement) dans l’œsophage. Implique une insuffisance
du sphincter inférieur de l’œsophage.
Régurgitation Expulsion de contenu gastrique ou œsophagien sans
(lat. gurges = gorge) nausée et sans contractions abdomino-diaphragmiques.
Implique une relaxation ou une insuffisance crico-
pharyngique.
Eructation Evacuation rétrograde passive d’air parvenu dans
(lat. ructus = roter, éructer) l’estomac.
Rumination Retour des aliments de l’estomac dans la bouche pour
(lat. rumen = les mâcher à nouveau avant de les avaler définitivement.
ventre ou œsophage,
ruminatio = rumination)
Singultus Contraction involontaire et spastique de la musculature
(lat. singultus = hoquet) inspiratoire avec occlusion simultanée de la glotte,
la plupart du temps de courte durée et provoquée par
la déglutition de bouchées insuffisamment mâchées.
Contractions musculaires Contractions pénibles et rythmiques de la musculature
(allem. Würgen, angl. retching) respiratoire contre la glotte fermée; précède souvent
le vomissement.